LES ASTRONEWS.de planetastronomy.com:
Mise
à jour : 18 Mars 2005
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Conférences et Évènements : ICI
Astronews
précédentes : ICI Infos Dernière Minute ICI
Sommaire de ce
numéro :
qConférence
d'Olivier de Goursac sur Mars Reconnaissance Orbiter (MRO) et futurs
projets martiens de la NASA.
(18/03/2005)
qMike Griffin : Un
nouveau chef aux commandes de la NASA.
(18/03/2005)
qL'Europe sous la neige
vue par ENVISAT.
(18/03/2005)
qRosetta frôle la Terre
: Au plus près
(18/03/2005)
qCassini Saturne
:.Encelade a une atmosphère!!!
(18/03/2005)
qLes rovers martiens.
Un diable qui fait un miracle!
(18/03/2005)
qMars Express :
Retour sur la "mer" de glace découverte.
qTaille des étoiles :
Il y a quand même une limite supérieure!!
(18/03/2005)
qJ'ai lu pour vous par
Pascal Gérardin : Les cheveux de Bérénice de Denis Guedj
(18/03/2005)
qMagazine conseillé :
"Hubble" numéro spécial de Espace Magazine
(18/03/2005)
qIMPORTANT
: La NASA convoque une conférence de presse le 23 Mars 20005 concernant les exo
planètes, des découvertes majeures auraient été faites par Spitzer. À 1pm heure
de Washington, 19H00 heure de Paris à voir sur NASA TV comme d'habitude. J'espère
que ce n'est pas qu'un effet d'annonce (période budgetaire!!!!).
(photo JHUAPL)
Mike
Griffin, chef du département espace au Johns Hopkins University Applied Physics
Laboratory (JHUAPL), célèbre
institution qui a mis au point des missions comme NEAR et Deep Impact, vient
d'être nommé responsable de la NASA (Administrator en anglais) en remplacement
de Sean O'Keefe.
Mike Griffin a au
cours de sa carrière participé aussi au programme appelé injustement "la
guerre des étoiles" (Initiative de défense stratégique comme on dit).
Il est sorti avec
son doctorat en sciences spatiales (PhD en anglais ce qui veut toujours dire
Docteur en Philosophie, mais oui!) de la Johns Hopkins University.
Voici un extrait
de "Cyber Presse" de nos amis Québécois par Jérôme Bernard à ce
propos :
Michael
Griffin, 55 ans, qui est actuellement responsable du département des études
spatiales au laboratoire de physique appliquée de l'université Johns Hopkins
(Maryland), remplace Sean O'Keefe qui avait démissionné en décembre, a annoncé
la Maison-Blanche.
M. Griffin va prendre ses nouvelles fonctions alors que M. Bush a fixé à la
Nasa un vaste programme d'exploration spatiale avec l'objectif de retourner sur
la Lune à partir de 2015, pour préparer des missions humaines d'exploration
d'autres planètes du système solaire, notamment sur Mars.
Pour mener à bien ces nouvelles ambitions qui suscitent le scepticisme de
certains experts, Sean O'Keefe avait annoncé en juin une restructuration de
l'agence spatiale pour la rationaliser et la transformer en une «agence plus
réduite, plus orientée» sur l'essentiel, comme l'avait recommandé une
commission d'experts.
Pour financer tous ces projets, la Nasa a obtenu en novembre une augmentation
de 800 millions de dollars (environ 966 millions $CAN) de son budget pour 2005,
soit une enveloppe de 16,2 milliards de dollars (environ 20 milliards $CAN),
après une décennie de stagnation.
Je me permets
d'ajouter en souhaitant bonne chance à Mr Griffin, que nous espérons tous qu'il
donnera un petit coup de pouce à Hubble, car son prédécesseur l'a plutôt
enfoncé.
(Photo ESA)
Début Mars 2005, notre continent l'Europe a
été plongé sous une neige épaisse inhabituelle au moins pour les pauvres
citadins de la région parisienne que nous sommes, mais aussi pour beaucoup
d'autres.
On oublie que
c'est normal d'avoir un peu de neige en hiver, quand je pense à mes amis
canadiens, ils doivent rigoler à ce tout petit matelas blanc qui a semé le
trouble sur toutes les routes européennes.
Cette période
neigeuse n'a pas échappé à notre satellite environnemental : ENVISAT.
C'est la caméra
MERIS du satellite qui a acquis cette image le 5 Mars 2005.
(photos ESA)
Il y a quelques
jours comme annoncé
précédemment, la sonde cométaire européenne Rosetta a frôlé la Terre afin
d'y prendre un peu de son moment cinétique et de s'accélérer vers sa
destination finale: la comète au nom imprononçable (pardon Messieurs Churyumov
et Gerasimenko).
Cela s'est passé
le 4 Mars 2005 à seulement 2000km d'altitude au
dessus du Pacifique, sa vitesse était de 38.000km/h!!!
Prochain coup de
fouet gravitationnel : Mars en 2007.
À l'occasion de ce
passage, on a testé les caméras et pris des photos de la Terre et de la Lune
que vous trouverez en partie seulement dans le communiqué de l'ESA.
Nos amis Belges
d'Astrocosmos ont détecté un site où des astronomes professionnels et amateurs
ont photographié la sonde au passage près de la Terre, c'est disponible ICI.
À gauche : superbe
photo de la Lune en arrière plan de la Terre.
POUR ALLER PLUS
LOIN ET EN VOIR PLUS :
Toutes les
images superbes de Rosetta par l'ESA. (pas facile à dénicher, elles ne sont
pas répertoriées à Rosetta, ce serait trop simple! Elles sont dans Science
& Technology, vraiment pourquoi l'ESA ne rend pas les choses plus simples,
mais ne boudons pas notre plaisir).
Rosetta voit la
Terre, une sélection de photos.
Rosetta voit la Lune,
une sélection de photos.
Rosetta site de la sonde cométaire
européenne.
Rosetta va aussi
nous aider lors de la mission Deep Impact (au
fait on vous réserve une très grande surprise
avec la SAF à ce sujet, je vous en parlerai une prochaine fois, mais soyez
attentif!!!!) elle va étudier la sonde et son impact sur le noyau de la comète
Tempel 1 le 4 Juillet 2005 et retransmettre ses informations sur Terre.
(Photos NASA/JPL)
Le JPL vient de le rendre public
: la satellite de Saturne, Encelade possède une
atmosphère, probablement très ténue mais une atmosphère significative
tout de même.
C'est très
surprenant pour un petit satellite : 500km de diamètre, alors que la gravité
étant très faible, une éventuelle atmosphère s'échappe peu à peu, il y aurait
donc une source qui reconstitue cette atmosphère de façon permanente.
Cette découverte
est due au magnétomètre
de Cassini pendant les deux passages près d'Encelade en Février (1200km
d'altitude) et en Mars 2005 (500km d'altitude).
Les mesures
montrent une courbure du champ magnétique due au plasma magnetosphérique
ralenti par cette lune. De même des oscillations du champ magnétique ont été détectées,
dues aux molécules gazeuses chargées se déplaçant dans les lignes de champ. Les
scientifiques pensent que c'est de la vapeur d'eau ionisée.
Ces résultats étonnants mettent en évidence
des gaz en provenance de la surface ou de l'intérieur d'Encelade d'après les
concepteurs du magnétomètre (Imperial College Londres);
on soupçonnait de toutes façons cette lune d'être la
source de la matière constituant l'anneau E, l'anneau pour le moment le
plus éloigné de cette planète.
Le schéma ci
contre (origine NASA) montre le principe de la détection d'atmosphère sur
Encelade. Pendant les survols, le magnétomètre a détecté des courbures des
lignes de champ autour d'Encelade.
Encelade est l'objet
le plus brillant du système solaire (albédo : 90%!!!!) dû peut être à
des volcans de glace ou des geysers.
Voici une
impressionnante photo en fausses couleurs d'Encelade prise par Cassini à
25.000km d'altitude lors du dernier passage.
Filtres utilisés :
UV : 338nm; vert 568nm et proche IR 930nm.
On voit
parfaitement sur cette image qu'à droite il y a un terrain ancien (cratères de
10km en moyenne) et à gauche un terrain plus jeune (sans cratères). Un large
sillon de matière et des failles séparent les deux terrains.
On pense que le
matériau principal est de la glace d'eau.
Je ne résiste pas au plaisir de vous
montrer encore une belle photo de Saturne et de ses lunes Titan, Rhéa et
Encelade.
Titan est à gauche
en dessous des anneaux on distingue son atmosphère, Rhéa est au milieu au
dessus. et Encelade est près du bord droit des anneaux c'est le petit point
très brillant (ce n'est pas une poussière sur votre écran!!) car comme déjà dit
c'est l'objet le plus brillant du système solaire.
Il faut cliquer
sur la photo pour voir tous ces détails.
Encore
une photo prise dans les images brutes de Cassini, c'est le minuscule satellite
récemment découvert Epimetheus qui se distingue sur le disque de Saturne, on
voit les anneaux par la tranche.
Je me suis permis
de coloriser cette image pour lui donner un air plus naturel.
Comme d'habitude,
vous trouverez toutes les dernières
images de Cassini au JPL:
(Photos NASA/JPL)
Comme il a déjà
été rapporté dans ces colonnes, le problème majeur des rovers est la perte en
puissance des cellules solaires car elles se recouvrent de plus en plus de
poussières et donc leur rendement diminue de semaine en semaine.
C'est surtout
grave pour Spirit où la diminution est drastique, je devrais dire était, car un
petit miracle s'est produit vers le sol 420; en effet un "dust devil" (littéralement diable de poussières,
on pourrait traduire par le tourbillon du diable par exemple) très fréquent sur
Mars (voir la
page spéciale sur les dust devils chez MGS) semble avoir nettoyé
radicalement les panneaux solaires.
Spirit a même
photographié son sauveur ou un de ses frères sur la photo suivante (à droite du
mot ICI).
On le voit dans le
fond au loin sur cette photo prise sol 421.
D'autres pensent
que de bonnes fées sont venues astiquer les
cellules solaires, bref vous pouvez croire la version que vous voulez, moi j'ai
mon idée la dessus.
Avant
et après passage des fées!
Ce nettoyage a
permis de recouvrer 50% de la puissance électrique, merci les fées
Ces vents de
poussières peuvent être très impressionnant et atteindre 500m de diamètre et
plusieurs km de haut. Il laissent des traces qui sont
parfaitement visibles sur les photos prises par les satellites en orbite
(voir les photos de MGS), ils participent ainsi à l'érosion de la planète.
Ces tourbillons
apparaissent plutôt l'après midi quand la température est au maximum et que
l'air chaud montant du sol atteint d'autres couches de gaz atmosphériques.
À part cela Spirit
est en bonne santé et utilise maintenant le nouveau logiciel de navigation dont
nous avons parlé la dernière fois.
La NASA nous
propose une
superbe animation de la période des sols 365 à 390 dans sa galerie que je
vous conseille d'aller voir (attention c'est un peu lourd : 10MB).
Les meilleures
photos sont classées dans le planetary photojournal que vous pouvez retrouver à
tout instant:
http://photojournal.jpl.nasa.gov/targetFamily/Mars
Comme vous le
savez déjà, lors du meeting en Hollande sur "un an de Mars
Express", la découverte d'une mer gelée a été annoncée.
Cette semaine un des scientifiques à
l'origine de cette nouvelle, John Murray de l'Open University (Grande Bretagne)
donne
une interview à Astrobiology Magazine que je vous conseille de lire (en
anglais, allez faites des efforts!).
Il nous explique
comment il a découvert ces banquises de glace sur une des photos de Valles
Marineris prise par la HRSC qui faisait plus de 50m de long (la photo, pas la
banquise) avec une résolution au sol de 10m.
Il nous raconte
comment l'eau a jailli de Cerberus Fossae et a coulé sur plusieurs centaines de
km puis s'est figée (la pression sur Mars ne permet d'avoir de l'eau liquide
très longtemps; elle se sublime) en créant des blocs de glace comme sur la
banquise. Ensuite comment probablement des cendres volcaniques (nous sommes à
côté du volcan de Elysium) ont crée une couche relativement isolante sur ces
blocs de glace qui ont empêché la continuation de la sublimation de l'eau. Son
collège G Neukum (celui de la caméra) a lui déterminé en comptant les cratères
la période à laquelle cela s'était passé : hier! Seulement il y a 5 millions
d'années.
Voir pour plus de
détails l'article
(2pages en pdf) publié pour Lunar and Planetary Science (notre Bernard Foing de
l'ESA en est aussi signataire!).
On peut aussi consulter l'article
dans lequel John Murray pense qu'il peut exister une forme de vie dans cette
région martienne et espère qu'on va y envoyer une mission robotisée.
De nouveaux
articles paraissant dans Nature du 17 mars 2005 comprennent des photos qui
tendent à prouver que récemment de l'eau liquide aurait coulé sur Mars et
qu'elle serait présente en quantité dans le sous sol.
L'idée est que si
Mars était toujours active au point de vue volcanisme, il y aurait des ponts
chaudes (hot spots) sur la planète qui pourrait servir d'incubateur à une vie
microbienne comme au fond des océans terrestres.
On a déjà parlé
dans ces colonnes des volcans
martiens, ils pourraient être la source des ces hot spots.
L'obliquité de la
planète a aussi joué un très grand rôle, actuellement nous sommes dans une
période plutôt glaciaire de Mars alors que il y a quelques millions d'années
l'axe de rotation était beaucoup plus incliné sur l'écliptique, montrant ainsi
les pôles au Soleil et favorisant le cheminement de l'eau des pôles vers
l'équateur.
Tout ceci pour
dire que l'on recherche activement des formes sur Mars qui suggéreraient cette
présence passée d'eau liquide, comme on le voit sur les images suivantes.
À gauche : glacier
à la base d'Olympus Mons , à droite un glacier de l'Antarctique.
(Credit:
Nature/ESA/ David Marchant)
Le dépôt qui a
coulé au pied de cette montagne martienne du bassin Hellas de 4000m de haut,
suggère un épisode glaciaire (photo ESA).
Les scientifiques
pensent qu'il est "récent".
À suivre….
Hubble, et oui
notre bon vieil Hubble vient encore de faire une découverte de taille si j'ose
dire.
Jusqu'à présent on
pensait que les étoiles pouvaient grossir presque indéfiniment, on pensait même
à plusieurs milliers de fois la masse du Soleil, mais Hubble vient mettre
de l'ordre dans tout cela, en fait il semblerait qu'on ne puisse pas
dépasser 150 fois la masse solaire.
Hubble
(en infra rouge) a mesuré la masse des étoiles dans l'amas des Arches (25.000al
de nous, donc dans notre galaxie et vieux de 2 millions d'années, voir photo
NASA), cet amas est 10 fois plus gros que la moyenne des amas ouverts de notre
galaxie, et on pense que plus les amas sont gros, plus ils contiennent des
étoiles très massives. Il fallait étudier des amas "jeunes" car si on
veut détecter des étoiles massives il ne faut pas qu'elles soient déjà mortes,
en effet les étoiles massives vivent très peu longtemps : quelques millions
d'années comparées à notre "modeste" Soleil : 10 milliards d'années.
Les théories
actuelles prédisaient donc que dans un amas comme celui des Arches on aurait dû
trouver plusieurs dizaines d'étoiles de masse de l'ordre de 1000 masses
solaires.
Or Hubble n'en a
trouvé ….aucune.
Les plus massives
avaient 130 masse solaires (seulement!), il a pris comme limite 150 avec marge
de sécurité.
Il semble donc
qu'il y ait une limite supérieure à la masse des étoiles que l'on fixe
maintenant vers 150 Ms même si de temps en temps on découvre une étoile isolée
un peu plus grosse.
La question est
pourquoi une telle limite? Car en principe rien n'empêche une étoile de grandir
quand elle est dans un milieu interstellaire gazeux. Peut être une fois
atteinte cette masse maxi, rayonnerait elle trop d'énergie, bref on ne sait pas
bien encore.
Les astronomes de l'Université
du Michigan avaient d'ailleurs montré la voie, en publiant en Février 2005
un article similaire basé sur un amas d'étoiles situé dans le petit
"nuage" de Magellan (galaxie satellite de notre Voie Lactée).
Mais la question
que vous pouvez vous poser et qui serait légitime est : comment fait on pour "peser" une étoile??? Bonne
question.
Il y a en gros
deux méthodes :
Si l'étoile appartient à système
d'étoiles doubles (le plus commun dans l'Univers), c'est facile
(relativement) les lois de Kepler et Newton nous donnent les masses en fonction
des vitesses.
Si l'étoile est solitaire, alors là
cela se corse. Il faut évaluer sa masse par rapport à sa luminosité et sa
position dans le diagramme HR et à des étoiles analogues.
POUR ALLER PLUS
LOIN :
L'Univers
et sa mesure , Université de Lille, par L Duriez, 22 pages format pdf très
instructif.
Masse des étoiles
astronomes.com.
L'Université
de Lyon nous parle aussi de la masse des étoiles et des galaxies.
Comment
peser l'Univers par Ciel et Espace.
Weighing
a star par Imagine the Universe (anglais) et aussi celle
là.
Relation
masse luminosité (anglais).
Masse stellaire
par nos amis canadiens (anglais) très bien fait.
Pour
notre nouveau rendez-vous, je vais vous conter une aventure qui restera encore
longtemps la plus étonnante et hors du commun de l’histoire de l’Humanité.
C’est le récit de
la première mesure de la Terre par Ératosthène
dans l’Égypte du IIIème siècle avant notre ère, sous la dynastie des Ptolémées.
Cette fresque historique doublée d’une aventure scientifique est relatée dans
le livre de Denis Guedj « Les cheveux de Bérénice » aux éditions
Seuil.
Le livre précédent
que j’ai lu pour vous était du même auteur. « Le Mètre du monde »
raconte d’une certaine façon la mesure de la Terre à travers l’invention du
mètre.
Chronologiquement,
j’aurais du commencer par « Les cheveux de
Bérénice », mais comme nous remontons nous même dans le temps quand
nous observons le firmament, je fais à l’identique en vous entraînant trois
siècles avant la naissance de Jésus.
Je vous rappelle
que Denis Guedj est mathématicien et professeur d’histoire et d’épistémologie
des sciences à l’université Paris VIII. Il est l’auteur de romans, « La
Méridienne/La Mesure du monde », « Le théorème du perroquet » et
d’essais, « La Révolution des savants », « l’Empire des
nombres »…
« Les cheveux
de Bérénice », pourquoi ce titre ?
La belle Bérénice
de Cyrène était reine d’Égypte et épouse du roi Ptolémée Évergète parti faire
la guerre en Syrie. Pressentant le pire, elle sacrifia sa chevelure dorée,
longues tresses de feu, sur l’autel d’Isis, déesse de l’amour. Quelques jours
plus tard, l’offrande avait disparu. C’est le célèbre astronome de la reine,
Conon, qui la retrouva, accrochée à la voûte céleste entre la Vierge, le Lion,
la Grande Ourse et Arctouros.
Appelée Coma
Bérénices, la chevelure de Bérénice, cette constellation est formée d’étoiles
faibles appartenant à un beau groupe d’étoiles du Sud (à proximité de la Croix
du Sud) Bien que décevante à l’œil nu, c’est un régal au télescope, car cette
région est riche en galaxies (M100, par exemple) Elles se trouvent au sud de
Gamma et s’étendent jusqu’à la constellation voisine de Virgo. Elles
appartiennent à l’énorme groupe de 3 000 galaxies connu sous le nom d’amas
Coma/Virgo. Situées à plus de 400 millions d’années-lumière, seules deux
galaxies sont à portée de petits instruments (M64, galaxie à l’Oeil Noir et NGC
4565, galaxie aiguille)
Mais retournons à
notre histoire.
Après le retour du
roi Ptolémée, Ératosthène (284 – 192 avant J.-C.)
géographe, cartographe, mathématicien et directeur de la Grande Bibliothèque
d’Alexandrie, ami d’enfance de la reine et précepteur de son fils, achève enfin
la carte du monde habité (oekoumène) Elle s’étend de l’Ibérie à l’Inde et du
nord de l’Europe à la corne de l’Afrique (Djibouti actuel), entourée d’un
immense océan. Mais que représente ce monde par rapport à la Terre
entière ?
Le roi charge
Ératosthène de la lourde tâche de l’évaluer.
Mesurer le Monde,
quelle gloire ! Mais quelle responsabilité ! Aucune erreur ne serait
acceptée. Il s’agissait de prendre en compte l’unité du monde pour que chaque
homme devienne habitant de LA TERRE.
A
l’époque, on admettait la rotondité de la Terre même si les avis étaient partagés quant à sa situation fixe
au centre du monde (géocentrisme ou héliocentrisme) La forme parfaite de la
sphère facilite sa mesure. Il suffit de connaître une portion (arc) du cercle,
de définir son angle au centre pour trouver la circonférence. Le problème,
concernant la Terre, est que l’angle situé en son centre n’est pas directement
mesurable, faute de pouvoir s’y rendre. Ératosthène allait s’employer à trouver
la bonne méthode pour le calculer.
Il fixa une tige
d’or sur la dalle de granit au centre de la terrasse de la Grande Bibliothèque
d’Alexandrie. Cette tige ou gnomon produisait des ombres et fournissait ainsi
quantité d’informations. Longueur et direction à différents moments de la
journée indiquaient si le soleil était au zénith, la latitude du lieu, la
direction du nord mais également l’équinoxe, les tropiques et les solstices… Ce
repère allait être la première extrémité de l’arc permettant de mesurer la
Terre.
Nous sommes à
Alexandrie, la ville d’Alexandre. Un jour, en face de l’île de Pharos,
Alexandre jeta au sol le manteau de son garde du corps, Ptolémée, et décida que
la cité aurait la forme de ce vêtement et porterait le nom d’Alexandria. Il
n’admirera jamais sa ville et c’est en 323 avant J.-C. que Ptolémée gouverna
l’Egypte, puis prit le titre de roi,
Ptolémée 1er Sôtêr (le Sauveur) Ainsi débuta cette longue dynastie
des Lagides. Les rois se succédèrent pratiquement de père en fils et parfois
par le frère, durant trois siècles jusqu’à Ptolémée XVI.
C’est sous le
règne de Ptolémée III Évergète (le Bienfaiteur) que débute cette histoire.
La dynastie
s’éteint en 30 avant J.-C. avec la mort de Cléopâtre dernière reine de la
famille des Lagides. Auguste annexa l’Egypte à l’empire romain.
Durant ces trois
siècles, la dynastie connut bien des péripéties. Assassinats, trahison, mariage
entre frère et sœur, exil, guerres à répétition. La décadence de l’Égypte
commença d’ailleurs dès la fin du règne de Ptolémée III.
Mais revenons un
instant dans la Grande Bibliothèque d’Alexandrie et à l’arrivée d’un étrange
jeune homme aux cheveux flamboyants, Théophraste Excelsior. Théo espère se voir
restituer des manuscrits que les autorités égyptiennes lui ont subtilisés. Ce
lieu où toutes les œuvres des peuples de la Terre sont rassemblées représente
la somme des connaissances de l’ensemble des civilisations passées et
présentes. Ératosthène est impressionné par l’étendue du savoir de Théo et le
prend à son service comme aide-bibliothécaire. Le roi lui-même autorise Théo à
devenir citoyen d’Alexandrie.
(image
Collège A Camus Soufflenhmein)
Après bien des
recherches, Ératosthène trouve le moyen de mesurer la Terre. Cette dernière
étant sphérique, les méridiens égaux et orientés nord-sud, il suffit de se contenter d’en mesurer une partie pour
en déduire la dimension totale. Le lieu idéal est tout simplement le Nil, de
Syène à Alexandrie où il s’écoule du sud vers le nord. Mais au cours du repas
où Ératosthène devait démontrer sa méthode, le roi Ptolémée III meurt
empoisonné.
Nous sommes en
l’an 221 avant J.-C. Son fils Lagos va lui succéder sous le nom de Ptolémée IV
Philopator (celui qui aime son père)
Ératosthène
reprend la démonstration de la méthode de mesure du méridien lors d’un autre
repas. Les rayons du soleil sont parallèles quand ils frappent la Terre. A
chaque extrémité du morceau de méridien mesuré, des pieux (gnomons) dressés
formeront une ombre. La différence de résultat du calcul des deux angles
effectué à la même heure sera égale à la mesure de l’angle au centre.
Reste le plus
difficile à faire, trouver la distance exacte du morceau de méridien.
Ératosthène choisit un bématiste (un compteur de pas
professionnel utilisé par les armées en campagne pour établir les
longueurs des étapes) C’est un officier attaché au service de la reine
Bérénice, Béton. L’opération sera effectuée en remontant le Nil, sur la rive
occidentale, celle des monuments funéraires, pyramides, Vallée des Rois, avec
ses berges plates au sol sec. Le départ en bateau à lieu d’Alexandrie vers la
ville de Thèbes et Béton commence ses premiers pas. Théo fait partie de
l’expédition pour assurer le double comptage. Un nain facétieux, Obole, à qui
on a tatoué la vallée du Nil sur son dos, reste avec le roi pour lui permettre
de suivre l’opération.
La première partie
du voyage s’effectue dans le delta du Nil jusque Héliopolis. On y découvre des
paysages extraordinaires, foisonnant de vie. L’industrie du papyrus est née et
y prospère dans cette région. On apprend qu’à Héliopolis, la ville du Soleil,
un nouveau culte divin s’est fait jour. Pour gagner l’éternité, l’âme du
pharaon défunt devait rejoindre le Soleil et non plus les étoiles. On éleva
ainsi la première pyramide à degrés, escalier géant que l’âme devait gravir
vers le ciel. L’architecte Imhotep dressa ce premier tombeau pour le pharaon
Djoser à Saqqarah vers 2800 avant J.-C.
L’expédition chemine à travers les plus belles pyramides
d’Égypte et s’aventure dans un pays de fabuleuses légendes. Tandis que Théo
relate son voyage dans son registre de bord qu’il nomme « Périple de
Théophraste Excelsior, le long du Nil », Béton marchait chaque jour plus
longtemps. Péripatéticien singulier, habité par une véritable philosophie de la
marche affranchie d’infinitude, de son pas stable, il prenait la mesure des
choses. Quant à la Mesure, elle se complique sérieusement pour Ératosthène car
son équipe aborde une partie du Nil constituée de nombreux méandres et coupée
de canaux perpendiculaires au lit du fleuve, obligeant à de fréquentes
corrections. De plus, le principe du double comptage permet de réduire les
imperfections, mêmes légères, de la longueur du pas de Béton. Théo suit Béton
et compte également ses pas et à la fin de chaque étape, Ératosthène établit
une moyenne. Si la différence est importante, on recommence depuis le dernier
repère.
Un soir,
l’expédition subit une violente attaque de brigands. Le soldat assurant
l’escorte est tué mais Béton est gravement blessé à la jambe, ce qui compromet
sévèrement la Mesure. L’attente risquait d’être longue. Ou bien l’on rentrait à
Alexandrie pour patienter un an jusqu’à la fin des crues ou bien il fallait
attendre la guérison de Béton. Ératosthène décide de se rendre auprès du roi et
apprend dès son arrivée la mort accidentelle du fils de la reine, Magas qui
était lui aussi promis au trône. La reine très choquée pense à un assassinat.
Quant à Béton, il est sur pied plus rapidement que prévu. Ératosthène rejoint
l’expédition et décide de prolonger la Mesure jusque Syène située un peu avant
la première cataracte (Assouan actuel) Il s’y trouve un puits dont le fond est
éclairé par les rayons du Soleil le jour du solstice d’été à midi précise. Pas
d’ombre donc pas d’angle à calculer.
La Mesure reprend
et après plusieurs semaines, l’expédition arrive enfin à Syène et Théo descend
au fond du puits à midi le jour du solstice d’été. Ératosthène, qui est
retourné à Alexandrie, est à côté du gnomon sur la terrasse de la Grande
Bibliothèque et n’a plus qu’à diviser la longueur de l’ombre par celle du
gnomon pour en déduire l’angle au centre.
Le rapport de
l’ombre au repère est de 1/8, l’angle au centre entre les deux villes est de
1/50 du tour de la Terre, la mesure effectuée par Béton est de 5 000 stades (1
stade = 157,50 m), la circonférence est donc de 50 fois plus, c’est à dire 250 000 stades. Cette mesure effectuée plus de deux
siècles avant notre ère attribue à la Terre une circonférence de 39 600 km. Aujourd’hui, les méthodes les plus précises
donnent 40 000,07 km. Grâce aux magnifiques résultats d’Archimède sur la
sphère, la surface de la Terre est connue ainsi que la surface du monde habité
de l’époque.
La reine Bérénice
est mourante, certainement empoisonnée, son fils, le roi Philopator lui avoue
que c’est lui, enfant, qui a subtilisé les cheveux de sa mère sur l’autel
d’Isis, par amour.
Le destin de la
dynastie des Ptolémées est tracé en lettres de sang, une insurrection plonge
l’Égypte dans le chaos et la famille royale est massacrée. Obole meurt dans le
combat. Seul, Ératosthène cherche à comprendre l’utilité de sa science. Opposer
l’ordre du Monde au désordre des hommes, il n’y est pas parvenu.
Ératosthène,
aveugle, meurt en 192 avant J.-C.
Ainsi s’achève
cette extraordinaire aventure dans un pays qui fascine encore aujourd’hui. Des
hommes de science, courageux, altruistes, nettement en avance sur leur temps
ont tracé le chemin d’une ère nouvelle, moderne et tournée vers l’avenir. Si
les siècles qui ont suivi n’avaient plongé notre monde dans une longue nuit
d’ignorance alimentée par des croyances assassines, notre civilisation serait
bien plus avancée. Il n’empêche, ces hommes nous montrent l’exemple, parce
qu’un jour viendra où les terriens que nous sommes, c’est leur destinée,
partiront dans l’espace pour mesurer pas à pas, à la vitesse de la lumière,
notre Univers.
La lecture de ce
livre m’a plongé dans un autre monde, sur une autre Terre, trois siècles avant
notre ère, dans une Égypte où les sciences étaient reconnues, aidées,
encouragées. La Mesure de la Terre est le début de la découverte de notre
planète et de nos origines. Ces temps antiques où se mêlent les petites et la
grande Histoire peuvent être assimilés dans le domaine des sciences à notre
siècle des Lumières.
« Les cheveux
de Bérénice » se lit comme un roman.
Je vous souhaite
une excellente lecture…
Si vous le voulez
bien, je vous donne rendez-vous pour un prochain livre sur ces objets venus de
l’espace nous raconter nos origines :
« Le feu
du ciel, météores et astéroïdes tueurs » de Jean-Pierre Luminet
aux éditions
« le cherche midi »
|
|
existe en poche : 8€ et |
en relié aux éditions du Seuil 20€ |
HUBBLE :
l'événement !
Fin avril, le Télescope Spatial Hubble fêtera ses 15
années sur orbite. ESPACE Magazine rend hommage à ce programme
extraordinaire qui a réuni science astronomique
et vols habités (des milliers d'images de l'Univers - 5 missions de navette
spatiale à ce jour).
Numéro Spécial HUBBLE en kiosque le 17 mars 2005
100 pages - Dos carré-collé - Plus de 150 photos
Cliquez sur l'image pour charger une présentation (document jpg de 127 Ko)
C'est un numéro
uniquement consacré à Hubble et aux avancées qu'il a permis de faire en
astronomie.
Indispensable pour
tout amateur d'astro. (4,90€)
Tout n'est peut
être pas perdu pour Hubble, certains sénateurs US sont en train de débattre du
fait que ne pas secourir Hubble est "contre la loi" et essaient de
faire changer de position l'administration, surtout depuis l'arrivée d'un
nouveau responsable de la NASA.
C'est tout pour
aujourd'hui!!
Bon ciel à tous!
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