Mise à jour le 6 Mars 2015

CONFÉRENCE
«LA MISSION ROSETTA/PHILAE»

Par Jean Pierre BIBRING IAS

Organisée par l'IAP

98 bis Bd Arago, Paris 14ème

 

Le Mardi 3 Mars  2015 à 19H30

 

Photos : JPM pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)

Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.  Voir les crédits des autres photos

Vidéos des conférences proposées par l’IAP sur Canal U

 

BREF COMPTE RENDU

 

Salle comble pour un sujet d’actualité passionnant.

 

 

Jean Pierre Bibring est bien connu de nos lecteurs, il est astrophysicien à l’IAS (Institut d’Astrophysique Spatiale) d’Orsay, il a travaillé sur les missions Cassini-Huygens, MRO et est responsable de l’instrument Omega sur Mars Express.

 

Il est le scientifique en charge de la science à bord de l’atterrisseur européen Philae sur la comète 67P Churyumov/Gerasimenko.

 

Il nous retrace d’abord l’historique qui a mené à cet immense succès qu’est la mission Rosetta/Philae, la première exploration cométaire in-situ.

 

Cette mission a été déclenchée par la réussite de la première vraie mission de l’ESA naissante : la sonde Giotto lancée vers la comète de Halley en Mars 1986.

Ce rendez vous unique (passage tous les 75 ans) avait impliqué en tout 5 sondes :
2 soviétiques, 2 japonaises et Giotto.

 

 

 

 

Ce rendez vous a été un grand succès et a amélioré nos connaissances des comètes, on s’est aperçu que le noyau de Halley était en fait très sombre (albédo 3%) ce fut une surprise. On voulait en connaitre plus sur les comètes, et notamment on savait qu’elles étaient faites de glace principalement et aussi de matières organiques. Mais lesquelles ?

On pensait plutôt pour des composés soit de CO2 soit de CH4, mais Halley nous apporta une information capitale : il y avait des CHON (organiques composés uniquement de Carbone, Hydrogène, Oxygène et Azote).

On peut donner une image de ce que pourraient être ces CHON : l’intérieur d’un four de cuisine sale, toutes ces graisses déposées sur les parois, c’est à peu près cela.

C’est en fait, un chainon manquant vers le vivant.

 

Toutes ces informations recueillies par Giotto, ont aiguisé l’appétit des planétologues, et ils ont envisagé tout de suite d’autres missions cométaires. On envisagea même d’aller prélever un bloc de glace cométaire et de le ramener sur Terre pour analyse.

Mais de nombreuses péripéties politiques et scientifiques ont perturbé ce bel élan ; au cours du temps, cette mission c’est transformée en l’inverse, l’envoi d’un labo autour d’une comète, Rosetta/Philae était né.

 

On voit ici les différentes étapes et détours politico-scientifiques qui ont mené à la mission actuelle.

 

L’envoi d’un tel laboratoire dans l’espace, nécessitait un rendez vous cométaire loin dans le système solaire (afin que la comète ne soit pas encore active). Cette mission devait relever un nombre de défis technologiques importants :

 

·         L’ensemble doit être autonome aussi bien l’orbiteur que l’atterrisseur

·         L’atterrisseur doit se poser sur un objet inconnu

·         Il doit être capable d’analyser et d’étudier un noyau cométaire

·         Emmène 10 expériences conçues par des labos européens différents sous la maitrise d’œuvre ESA

·         Développement rapide (7 ans) après la décision

·         Résoudre un grand problème : l’énergie : pile et batteries seront utilisées

·         Résoudre un autre grand problème : les basses températures, l’électronique devra résister aux quelques -150°C

·         La foreuse (2W !!) devra être capable de forer du béton et du sable (on ne connait pas la nature du sol)

·         Une fois en orbite, il faudra décider rapidement du choix du site d’atterrissage.

·         Etc….

 

 

La formation du Système solaire et la migration des planètes géantes.

 

À ce moment là, JP Bibring nous offre une digression passionnante sur la formation du système solaire et sur les migrations des planètes géantes qui se sont produites.

 

 

La plupart des planètes de type Jupiter observées dans d'autres systèmes solaires (les fameux Jupiters chauds) sont bien plus proches de leur Soleil que notre Jupiter. Finalement, celui-ci a eu pendant un temps cette même propriété, mais il a finalement rejoint une position plus lointaine, nous allons voir pourquoi.

 

Jupiter et Saturne se sont formées en quelques millions d’années à partir d’un disque proto planétaire composé de gaz et de poussières principalement, elles se sont formées en fait loin du Soleil, là où il y avait suffisamment de matière (glace d’eau) à accréter.

 

Les géantes gazeuses notamment Jupiter en absorbant le gaz (sa masse augmente et sa distance au Soleil diminue), perd de son moment cinétique et se met à spiraler vers l’intérieur.

 

En se déplaçant, Jupiter bouscule tout sur son passage et dégage l’espace.

Saturne subit le même genre de phénomène et se précipite aussi vers la partie centrale du système solaire.

Ces deux planètes compriment alors la matière proto planétaire près du Soleil menant à un anneau (ne dépassant pas 1UA), dont la matière va servir à faire grossir les planètes telluriques, sauf Mars, situé sur son bord externe (cela explique la petite taille de Mars).

Là se produit, à un moment une résonance (3/2) entre les orbites de Jupiter et de Saturne, qui affecte l’ensemble ; ils sont repoussés alors vers leurs positions actuelles.

 

Illustration qui devrait résumer ce qu’a présenté JPB.

(Adapté de Fig. 2 of Walsh et al. 2013)

 

 

 

Se faisant le nouveau couple en se retirant va créer un déséquilibre monstre au niveau des astéroïdes qui se baladaient vers les 1,5 UA, ils vont se regrouper en ceinture et c'est Mars qui va en faire les frais en n'ayant pas le temps de grossir comme la Terre.

 

Tout ceci s’est déroulé en l’espace de quelques millions d’années.

 

C’est le modèle de Nice (le Grand Tack) élaboré par A. Morbidelli et ses collègues.

 

700 ou 800 millions d’années après se produira le grand bombardement tardif (LHB) qui façonnera presque définitivement le système solaire.

 

 

 

La mission Rosetta/Philae autour et sur 67P.

 

Nous avons parlé dans ces colonnes de nombreuses fois de cette superbe mission, je ne répèterai pas tout ce qui a déjà été dit (voir les références plus bas) mais seulement les points moins connus indiqués par JPB.

 

La sonde Rosetta est extrêmement large, à cause de ses panneaux solaires (nouvelle technologie) de 60m2 au total, 15m de chaque côté du corps principal. Ils peuvent fournir au maximum 8700W. Mais la trajectoire choisie, emmenant Rosetta loin du Soleil et donc vers beaucoup moins d’ensoleillement a forcé l’ESA à mettre la sonde en veilleuse pendant une longue période. Le réveil s’est bien passé, heureusement.

 

Bref, on approche enfin de la comète et les premières vues nous montrent la surprise à laquelle on ne s’attendait pas : la forme bilobée du noyau. Première cartographie, choix du site d’atterrissage…..

 

Premières analyses de la surface par le spectromètre de Virtis : pas de glace d’eau à la surface, mais des composés carbonés. Normal, au fur et à mesure des passages près du Soleil, la glace d’eau se sublime au cours du temps, et il n’en reste plus en surface.

 

On découvre des falaises érodées, des terrasses couvertes de grains organiques etc..

 

 

 

Puis c’est le moment fatidique de l’éjection de Philae qui descend « en chute libre » vers la comète. On est le 12 nov 2015.

On connait la suite, le propulseur de gaz devant plaquer l’atterrisseur sur le sol ne fonctionne pas, on compte sur les harpons ; on ne sait pas encore qu’ils ne vont pas fonctionner.

 

 

On se pose à une centaine de mètres du point visé ! Le programme prévu est de faire immédiatement avec les 7 caméras CIVA (acronyme de Comet Infrared and Visible Analyser) réparties sur tout le pourtour de l’atterrisseur, un panorama du site d’atterrissage.

Et là ; problème, on ne comprend pas encore ce qui s’est passé.

Comme on le voit (ci contre à gauche) la photo est floue ; on pense qu’il y a un problème.

Effectivement, il y a un problème et on met un peu de temps à comprendre, les harpons n’ont pas fonctionné ; on a rebondi plusieurs fois même. D’ailleurs lors du rebond, on a soulevé de la poussière et Ptolemy et Cosac ont pu effectuer des mesures (détection d’eau et d’organiques)

On voit sur cette animation la trace du premier rebond.

 

 

 

La comète ne présente aussi aucun magnétisme.

 

 

On a eu de la chance de ne pas dépasser la vitesse de libération et de ne pas partir dans l’espace, on est coincé dans une crevasse à l’ombre d’une falaise.

 

Comment on pense que s’est « posée » la sonde Philae. Les chiffres représentent les numéros des caméras CIVA

Les images des différentes caméras avec une représentation rajoutée de Philae. On distingue nettement les pieds et l’antenne Consert sur les photos.

 

 

 

Ce site imprévu est d’un grand intérêt comme on le voit sur ces quelques photos prises par Philae.

 

Il y a des roches, de la glace, des fractures etc..

 

Le bon côté de cette atterrissage forcé est qu’on est protégé du Soleil et que l’on va survivre certainement au passage au périhélie du mois d’Août.

 

Bien entendu, seulement si Philae est capable de reprendre le dialogue avec Rosetta puis la Terre.

 

 

 

 

 

 

Comme on s’approche de plus en plus du Soleil, on espère que les batteries vont se charger progressivement.

 

Il faut 5W pour rebooter le calculateur de bord et 10W minimum pour communiquer avec Rosetta.

 

À partir du 12 Mars, donc dans quelques jours, on va commencer à envoyer des signaux pour voir si Philae répond.

 

 

Stay tuned comme disent nos amis américains ! L’aventure continue !

 

Merci Jean Pierre Bibring de nous avoir fait participer à ce superbe succès pour l’Europe.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

POUR ALLER PLUS LOIN :

 

Site Rosetta à l’ESA. Et son blog.

 

Site Rosetta au CNES.

 

Toute l’actualité Rosetta/Philae sur ce site.

 

Notamment l’atterrissage en direct à la Cité des Sciences le 12 Nov 2015.

 

Quand Jupiter était à la place de Mars ! par l’OCA.

 

La migration des planètes dans le système solaire conf VEGA par B Lelard.

 

Water delivery and giant impacts in the ‘Grand Tack’ scenario

 

 

Bon ciel à tous !

 

 

Jean Pierre Martin .Commission de Cosmologie de la SAF.

www.planetastronomy.com

 

Les autres CR des conférences IAP.

 

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