Mise à jour le 11 Janvier 2016

CONFÉRENCE
«PEUT-ON COMPRENDRE D'OÙ VIENT L'EFFICACITÉ
DES MATHÉMATIQUES EN PHYSIQUE ?»

Par Etienne KLEIN

Directeur de recherches au CEA et docteur en philosophie des sciences

Organisée par l'IAP

98 bis Bd Arago, Paris 14ème

 

Le Mardi 5 Janvier 2016 à 19H30

 

Photos : Texte de Christian LARCHER (SAF CLEA), un grand merci pour sa contribution

JPM pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)

Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.  Voir les crédits des autres photos

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BREF COMPTE RENDU

 

 

 

 

C’est Daniel Kunth (IAP), à gauche qui présente Etienne Klein et introduit ce sujet qui fait le lien entre mathématiques et philosophie.

 

Comme dans la plupart des conférences sur des sujets de nature  philosophique, le conférencier utilise de nombreuses citations pour justifier ses propos. Il n’est pas possible de les résumer sous peine d’en modifier profondément le sens. Chaque mot a  son importance et lorsqu’il s’agit d’une expression d’origine étrangère il est même parfois impossible de trouver le terme français exprimant exactement la même idée. Ce qui suit résulte de mes notes et d’une recherche de documents dans les livres des auteurs cités ou dans ceux du conférencier.

 

 

 

La question  centrale de la conférence

 

Le conférencier pose la question : « Pourquoi les physiciens font-ils des mathématiques ? »

Ces mathématiques utilisent différents concepts ou objets (ensembles, nombres, espaces…).

Est-ce que ces concepts existent réellement ou non ? Ils sont très particuliers, ni naturels ni artificiels. Mais que signifie exister ?  Exister signifie devenir dans l’espace et le temps. Les mathématiques sont-elles ontologiquement  dans la nature ou résultent-t-elles  seulement d’un  jeu du langage humain ?

Le monde  physique qui dépend des mathématiques est-il l’émanation d’un monde abstrait ? La physique serait une sorte de théorie matérialisée.

 

Pour répondre l’orateur fait référence à un échange entre deux mathématiciens : André Lichnerowicz et Alain Connes :

 « …un théorème fondamental de la logique est que, si une proposition universelle est démontrable, elle est vraie. Mais la réciproque est fausse. Il existe des propositions universelles qui sont vraies mais qui ne sont pas démontrables. Pour le comprendre, faisons une analogie avec la réalité d'un tribunal. D'une certaine manière, quand on fait des raisonnements logiques à l'intérieur d'un système d'axiomes, c'est comme si l'on était au tribunal. Il y a des pièces à conviction : ce sont les axiomes. La déduction logique s'opère à partir de ces axiomes. Si certains faits sont démontrables à l'intérieur du tribunal, ils sont automatiquement vrais. Mais l'inverse n'est pas vrai. Il se peut qu'un fait soit vrai sans être démontrable à l'intérieur du tribunal. »

…Un théorème dit : si une proposition existentielle est vraie, elle est démontrable. Mais la réciproque est fausse. C'est la première chose que nous apprend le théorème de Gödel : il faut distinguer entre ce qui est démontrable au tribunal, dans le système déductif dans lequel on travaille, et la réalité. »« On sait maintenant que la plupart des énoncés vrais sont non démontrables ». C'est la position platonicienne.

 

Les tentatives de réponses  des grands penseurs au cours du temps

Pythagore  (580 - 495 avant JC)

Pour lui, l’essence du monde, c’est le nombre. Si on la transcrit en langage moderne, cette conception revient à dire que la structure profonde de la nature est de nature mathématique, que le monde est  « fait de mathématiques ». Dès lors, faire des mathématiques revient à emprunter le langage même du monde et si la physique est mathématique, c’est tout simplement parce que le monde lui-même l’est. Dans ce cadre, l’efficacité des mathématiques ne pose aucun problème puisqu’elle devient automatique. Elle est tout le contraire d’un miracle.

 

Aristote (384 – 322 av JC) 

Il place la source des mathématiques dans cette capacité que possède l’esprit humain à extraire des formes du monde sensible et à les analyser sous l’angle de la quantité. Pour lui, toutes les mathématiques ont une origine empirique, elles se construisent uniquement par « infiltration » à partir de l’observation. Si elles sont si efficaces, c’est parce que nous ne faisons rien d’autre que nous servir de structures qui nous ont été livrées par le monde physique lui-même. Tout ce qui constitue les mathématiques a été emprunté au monde physique.

 

Platon (324 – 322av JC)

L’explication platonicienne de la réussite des mathématiques consiste à admettre que les mathématiques constituent un langage intermédiaire qui permet de passer du monde sensible au monde des Idées, Idées qui forment la réalité profonde des choses. En d’autres termes, si les mathématiques sont efficaces, dira un platonicien, c’est parce qu’elles permettent non pas d’atteindre, mais de viser les structures profondes du monde.

 

On peut s’amuser à classer « les grandes écoles » en référence à ces trois penseurs de l’Antiquité :

A Polytechnique ou X (la variable mathématique par excellence),  on croit comme Pythagore que les nombres et les équations sont l’essence même des choses.

Les Ponts, les Mines, Centrale relèvent de la pensée  platonicienne ;  pour laquelle les mathématiques constituent un langage intermédiaire qui permet de passer du monde sensible au monde des concepts.

D’autres grandes écoles sont de type aristotélicien ; on y  considère que les mathématiques sont une boite à outils conceptuels empruntés au monde qui nous entoure.

 

 

Galilée (1564 – 1642)

Dans le livre « L’Essayeur » (Il Saggiotore, 1623) il écrit

 « Le livre de la Nature est écrit en langage mathématique. La philosophie est écrite dans ce livre gigantesque qui constamment se tient ouvert devant nos yeux (je veux dire l'Univers), mais on ne peut le comprendre si d'abord on n'apprend pas à connaître la langue et les caractères dans lesquels il est écrit. Il est écrit en langue mathématique et ses caractères sont les  triangles, les cercles, et d'autres figures géométriques, sans lesquels il est HUMAINEMENT impossible d’en comprendre un seul mot, sans lesquels on est vraiment dans un labyrinthe obscur ».

 

Que faut-il comprendre par les termes : « il est humainement impossible… ». Il y a deux façons de comprendre cette idée :

 – Ce langage mathématique est pensé comme étant celui de la nature elle-même. C’est la Nature qui possède ce langage. Nous devons apprendre ce langage pour communiquer avec elle.

– Ce langage est pensé comme le langage de l’homme. C’est l’homme qui fait les mathématiques donc c’est nécessairement dans ce langage-là que devront être traduits les faits naturels pour nous devenir intelligibles.

Dans ce deuxième cas, on force la nature à parler ce langage qui est le nôtre, pas le sien. On l’oblige à cracher des résultats qui ne sont pas de sa nature.

 

Un français a dit : «  La philosophie c’est comme la Pologne, c’est plat, plein de marécages et c’est très souvent envahi par les allemands »

En fait ce sont les allemands qui ont le plus travaillé ce « humainement », en particulier Kant et Husserl.

 

Emmanuel Kant (1724 – 1804) 

Il répond explicitement à cette question dans la préface de la « critique de la raison pure » «  Lorsque Galilée fit descendre ses boules sur un plan incliné […] il se produisit une illumination pour tous les physiciens. Ils comprirent que la raison ne voit que ce qu’elle produit elle-même selon son propre projet, qu’elle doit prendre les devants avec les principes qui déterminent ses jugements et forcer la nature à répondre à ses questions et non pas se laisser conduire en laisse par elle » (Folio essais, Gallimard 1980 page 43). Finalement l’expérimentation est une opération de torture qui contraint la nature à répondre aux questions posées.

 

Edmund Husserl (1859 – 1938) 

 Il refonde l’ensemble des sciences et de la philosophie. Dans un livre intitulé « La crise de l’humanité européenne », écrit au moment où le nazisme parvient  au pouvoir. Il considère que les racines de ce mouvement remontent très loin, jusqu’à Galilée. Depuis Galilée l’humanité européenne connait une crise car elle devient étrangère à sa propre essence. A qui la faute demande-t-il ? A Galilée. Car la révolution galiléenne  ne se ramène pas à la victoire de la science sur l’ignorance, l’illusion ou le préjugé, la révolution galiléenne accomplit surtout la substitution par laquelle le monde mathématique, c’est-à-dire le monde de l’idéalité, est pris pour le seul monde réel.

« Le geste de Galilée est à la fois découvrant et recouvrant. Il est découvrant parce qu’il fraie la voie à l’infinité des découvertes en physique mais également recouvrant car il recouvre le monde tel que nous l’éprouvons d’une mathématisation qui l’éloigne de nous et nous le rend étranger ».

Le monde mathématisé nous devient étranger. La physique à tendance à remplacer ce que l’on voit par des lois dont l’énoncé est absurde. Pour Husserl on a érigé la mathématisation du monde en règle absolue. Notre raison ne répond plus à la question : «qu’est-ce ? » mais à la question « comment ? ». On a remplacé les questions qui commencent par pourquoi par des questions qui commencent par comment. La pensée est devenue « calculante » au lieu d’être « méditante » dira Heidegger. C’est pour cela que l’Europe a accepté le nazisme.

De nos jours, au lycée, plus personne ne s’étonne du fait qu’un calcul sur un circuit RLC donne une valeur que l’on retrouve facilement en faisant l’expérience. Il existe une bijection entre les résultats calculés et les résultats mesurés. Comment se fait-il que les mathématiques marchent si bien en physique ?

 

Johannes Kepler (1571 – 1630) 

 « Que peut saisir l’esprit humain à part les nombres et les grandeurs ? » Kepler est le pionner du réductionnisme : La science ne vise jamais qu’à élaborer un modèle propre à éclairer l’intelligibilité du réel, et ce modèle n’est jamais qu’un modèle réduit. 

 

Richard Feynman (1918 - 1988) Prix Nobel 1965 

 

Afficher l'image d'originePour lui, nous faisons de la physique mathématique faute de pouvoir faire mieux : « La physique est mathématique non parce que nous en savons beaucoup sur le monde physique mais au contraire parce que nous en savons fort peu. Seules les propriétés mathématiques du monde nous sont accessibles et la puissance de la physique vient précisément de ce qu’elle limite ses ambitions aux seules questions mathématisables ».

Parler de la nature du temps c’est perdre son temps, on ne peut que définir quels paramètres on peut insérer dans les lois physiques.

 

 

Albert Einstein (1879 1988) 

 « Comment se fait-il que les mathématiques, qui sont un produit de la pensée humaine et sont indépendantes de toute expérience, puissent s’adapter d’une façon si admirable aux objets de la réalité ? »

 « La raison humaine serait-elle capable, sans avoir recours à l’expérience, de découvrir par la pensée seule les propriétés des objets réels ». On sent de la part d’Einstein, une sorte d’étonnement, qu’il  exprimera de façon plus concise en disant : « Ce qui est incompréhensible c’est que le monde soit compréhensible ».

 

Gilles Châtelet (1944  – 1999) Mathématicien et philosophe

« Comment se fait-il que la mathématique qui, dans les sciences est à la fois la bonne à tout faire et la reine des sciences, soit si utile à cette « cuisinière malpropre et performante » qu’est la physique ?» Ce qui est en jeu ici, c’est une hiérarchie des sciences, qui pose ensuite la question de leurs liens mutuels. Si les mathématiques sont au-dessus du lot, comment se fait-il qu’elles daignent s’appliquer généreusement en deçà d’elles-mêmes.

Pourquoi par exemple les maths ne s’appliquent-elles pas à la biologie ?

 

Pierre Lochak (né en 1971, Professeur de mathématiques à l’Université Paul Sabatier de Toulouse.

« Comment un ensemble de symboles abstraits articulé par un jeu de règles précises, issu très souvent d’une activité intellectuelle peut-il posséder de telles capacités d’adaptation au monde empirique ? »

Les mathématiques, en physique, sont devenues une sorte de « treuil ontologique » capable de prédire de nouveaux objets physiques par des arguments mathématiques. Il y avait la découverte de Neptune par Le Verrier mais il s’agissait d’une nouvelle planète, une de plus, on en connaissait d’autres. Prévoir des objets que l’on n’a jamais vu,  des objets totalement inconnus c’est autre chose.  Ce fut le cas pour le photon, les positrons, les neutrinos, les quarks, les bosons intermédiaires, et plus récemment le  boson scalaire de Higgs. On ne connaissait aucun champ scalaire auparavant.

 

L’histoire du boson de Higgs

Dans les années soixante on avait trouvé un modèle physique appelé « modèle standard » qui semblait décrire correctement tous les faits expérimentaux connus, sauf ce qui concerne la masse des particules. Deux possibilités se présentaient :

Quelques physiciens supposent alors que la masse des particules pourraient ne pas être une propriété intrinsèque des particules mais une propriété secondaire. Ils émettent l’hypothèse d’un champ quantique scalaire de spin nul dont les quanta seraient des bosons scalaires. A l’été 1964 ils rédigent un article bourré d’équations mathématiques qui ne fait qu’une page et demi.  La recherche de cette particule intermédiaire hypothétique mais qui compléterait harmonieusement le modèle standard (et que l’on appelle actuellement le boson de Higgs) justifie la construction du LHC au CERN effectivement  découverte 48 ans plus tard. Dans ce cas, on voit que la théorie devance de très loin l’expérience.

 

Eugène Wigener (1902 – 1995) Physicien Hongrois Prix Nobel de physique 1963.

La mathématique dit-elle les choses du monde ou simplement les relations entre les choses ? Ces interrogations ont fait l’objet d’un article célèbre en 1960 par Eugène Wigner intitulé 

« The Unreasonable Effectiveness of Mathematics in the Natural Sciences »

Traduit en français par « la déraisonnable efficacité des mathématiques dans les sciences de la nature», mais la traduction n’est pas vraiment satisfaisante.

Car le terme anglais « unreasonable » ne veut pas dire déraisonnable (contraire à la raison) il indique seulement qu’il n’existe pas de raison d’expliquer cette efficacité. Pour Eugène Wigner l’efficacité des mathématiques en physique relève d’un miracle, et ce miracle permet un dévoilement de la nature aussi impressionnant qu’émouvant.

 

Que signifie efficacité  dans cette expression ?

La notion d’efficacité des mathématiques recouvre plusieurs significations.

Il peut s’agir d’abord d’une capacité de prédiction ou de rétrodiction. Une théorie mathématique sera dite efficace si elle peut anticiper les résultats expérimentaux ou reproduire les données déjà obtenues. Elle doit être capable de fournir des résultats numériques qui reproduisent ce que l’on mesure ou bien  ce que l’on observe. Mais l’efficacité ne se mesure pas seulement à cette possibilité de « sauver les phénomènes » c’est-à-dire rendre compte de la réalité des observations.

L’efficacité d’une théorie mathématique peut aussi venir du fait qu’elle met en évidence des structures « explicatives ». Exemple : les théories de jauge par lesquelles on décrit aujourd’hui l’interaction électrofaible ne manifestent pas seulement leur efficacité par le fait qu’elles reproduisent les données recueillies auprès des détecteurs. Elles sont aussi et surtout efficaces parce qu’elles donnent un schéma expliquant la structure de cette interaction électrofaible en termes de symétries abstraites. La structure de la théorie possède donc, en plus de l’efficacité strictement prédictive, une efficacité explicative.

Cela rejoint les remarques de René Thom qui, dans « Prédire n’est pas expliquer » (1), soulignait (en bon aristotélicien) la nécessité de ne pas confondre les fonctions prédictives et explicatives dans le domaine des sciences de la nature ; Il en tirait au passage argument pour régler leur compte aux physiciens qui, disait-il, font des calculs parfaitement prédictifs mais sans rien comprendre à ce que ces calculs signifient. Soulignons au passage que cette capacité explicative va de pair avec une capacité unificatrice : expliquer, c’est en effet ramener la diversité des phénomènes à un petit nombre de principes.


Enfin, l’efficacité des mathématiques peut également jouer à un troisième niveau, plus aérien, qui est celui de la générativité : une théorie mathématique est efficace si elle permet d’engendrer de nouvelles idées, de nouveaux concepts, des stratégies inédites, des solutions originales à des problèmes anciens. L’importance de cette définition a été notamment soulignée par Alain Connes, qui insiste beaucoup sur la « générativité conceptuelle » des formalismes mathématiques de la physique (dans Matière à penser, le livre qu’il a écrit en collaboration avec Jean-Pierre Changeux). Elle a également été mise en avant par Freeman Dyson, qui rappelait que « pour le physicien, les mathématiques ne sont pas seulement un outil permettant de calculer les phénomènes ; elles sont aussi la source principale des principes et des concepts qui permettent d’élaborer de nouvelles théories ».

(1)  Prédire n’est pas expliquer ; René Thom ; Champs Flammarion n°288 ; 1993

 

 

Roger Penrose (né en 1931)

 

 Il classe les théories physiques en fonction des différents sens du mot efficacité.

Ces trois définitions, ces trois modalités de l’efficacité étant posées, il établit une sorte de classification des théories en fonction de leur capacité prédictive en physique.
Penrose qualifie de « superb » les théories qui sont les plus efficaces de ce point de vue, car elles cumulent les trois modalités de l’efficacité. Il cite comme exemples la mécanique classique, la relativité, l’électromagnétisme de Maxwell et l’électrodynamique quantique.
Il qualifie de  « useful » les théories qui, tout en ayant une très bonne confirmation expérimentale, ne possèdent ni le niveau de prédictivité ni la cohérence interne des « superb theories ».

 

 Il cite comme exemples la théorie électrofaible, la chromodynamique quantique, le modèle standard de la cosmologie. Enfin, Penrose introduit le concept de « tentative theory » qui renvoie à des théories élégantes et séduisantes qui ne sont encore confirmées par aucune donnée expérimentale, mais qui conduisent à manipuler des idées qui pourraient devenir fécondes. L’exemple canonique de « tentative theory » est évidemment la théorie des cordes.

Paul Dirac (1902 – 1984) Prix Nobel 1933 (Beau-frère d’Eugène Wigener)

Ce grand physicien fut un grand taiseux, aux limites de l’autisme. Un champion Olympique de laconisme.

Pour Dirac  le Beau et le Vrai sont les deux facettes d’une même réalité. Pour lui c’est simple : cherchez le Beau, vous trouverez le Vrai. Dès lors que l’équation est belle, la question de son adéquation à l’expérience n’est plus que de seconde importance. Or certaines équations mathématiques sont belles, et donc vraies. Mais qu’est-ce que la « beauté » en mathématiques ? Si vous posez la question à Dirac vous obtiendrez la réponse peu éclairante suivante : « Si vous ne connaissez pas vous-mêmes les mathématiques, je ne pourrai pas vous l’expliquer, car vous ne comprendrez pas ; et si vous connaissez les mathématiques, alors vous savez déjà ce que j’entends par là ».

 

Une anecdote racontée par Pauli sur le laconisme de Dirac qui pensait que parler ne doit se faire que pour dire des choses vraies. Ce soir-là (remise du prix Nobel à Dirac une réception fut donnée à Cambridge) ; Dirac était à table à côté du ministre de la Recherche.  Au dehors les arbres étaient violemment agités sous l’effet d’un vent fort. Le Ministre en fait la remarque à Dirac. Celui-ci se lève, ouvre une fenêtre, va sur le balcon, referme la fenêtre, vient se rasseoir et dit : « yes Sir ».

Une autre anecdote : Pauli et Dirac prennent un jour le train ensemble en Angleterre. Pauli ne savait pas trop comment parler à Dirac. Après une heure de silence de la part de Dirac, Pauli commença à chercher désespérément une remarque grâce à laquelle il pourrait amorcer une conversation. Voyant au loin un troupeau de moutons, il se tourna vers Dirac : « On dirait que ces moutons ont été tondus tout récemment. » Dirac regarda dans leur direction, et répondit : « Au moins de ce côté-ci. »

La remarque est en fait profonde car ce qu’il veut dire c’est que notre cerveau, lorsqu’il reçoit des informations visuelles utilise des logiciels d’invariance. Par exemple si je regarde une tasse de café je ne la vois que partiellement ce qui ne me gêne pas pour dire qu’il s’agit d’une tasse de café. Alors que si j’étais intellectuellement honnête il faudrait que j’en fasse le tour et que je la regarde sous tous les angles pour dire que quel que soit l’angle sous laquelle je la regarde c’est une tasse de café.

 

 

Notre cerveau utilise des « trucs » d’invariance ;  à partir d’un point de vue partiel il en tire une inférence générale. L’idée de Dirac est que la physique qui utilise des mathématiques, riches en invariants, fait la même chose. Il avait en particulier noté que la richesse en invariants est souvent un indice de la profondeur de la théorie, de sorte qu’un bon critère de l’applicabilité d’un formalisme mathématique en physique est l’existence de groupes assez riches de transformations. Exemple : théorie des nœuds, théorie des groupes, théorie des fonctions à une variable complexe, équations covariantes.

 

 

 

 

 

Christian LARCHER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

POUR ALLER PLUS LOIN :

 

 

Nombreux ouvrages d’Etienne Klein, liste sur Amazon par exemple.

 

 

 

Bon ciel à tous !

 

 

Jean Pierre Martin .Commission de Cosmologie de la SAF.

www.planetastronomy.com

 

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