Mise à jour 21 Sept 2018
CONFÉRENCE MENSUELLE DE LA SAF
« L’ASTRONOMIE GRECQUE À SON APOGÉE
AVEC LA MACHINE D’ANTICYTHÈRE.»
Par James C EVANS
Physicien et Historien des Sciences Univ. de Puget Sound (Wa USA)
À TelecomParisTech 46 rue Barrault Paris 13.
Le Vendredi 14 Sept 2018 à 19H00
Amphi Thévenin
Photos : JPM pour l'ambiance
(les photos avec plus de résolution peuvent
m'être demandées
directement)
Les photos des slides sont de
la présentation de l'auteur. Voir
les crédits des autres photos et des animations.
Le conférencier a eu la
gentillesse de nous donner sa présentation, elle est disponible sur
ma liaison ftp et se nomme :
Antikythera_SAF_Paris_Evans.pdf, qui se trouve dans le dossier
CONF-MENSUELLES-SAF/ saison 2018-2019.
Ceux qui n'ont pas les mots de
passe doivent me
contacter avant.
Cette conférence a été filmée
en vidéo (grâce à UNICNAM et IDF TV, merci à Laurent Dongé) et est accessible
sur Internet
On la trouve à cette adresse https://www.youtube.com/playlist?list=PL1ZHG2CIuv2d-b-jbDpyp-s4RTF7dcwcg
James Evans
est physicien et historien des sciences à l'Université de Puget Sound, où il
dirige le programme « Science, Technologie et Société ».
James est à droite de la photo, à gauche
David Valls-Gabaud astronome, membre de la SAF qui l’a présenté.
James Evans a notamment publié
une traduction abondamment annotée de Geminos (Princeton UP, 2005) ainsi que de
nombreux articles dans le Journal for the History of Astronomy dont il est
l’éditeur en chef.
Son
plus célèbre ouvrage :
The History and Practice of Ancient Astronomy
Publié aussi en français sous
le titre :
Histoire et pratique de l'astronomie ancienne aux éditions Les belles
lettres.
James Evans est un spécialiste
de l’astronomie ancienne et notamment du mécanisme d’Anticythère, sujet de sa
présentation de ce soir.
Plan de la présentation :
1-
L’histoire du
mécanisme
2-
Le cosmos et sa
représentation
3-
Les planètes
4-
La face arrière
5-
La datation
6-
C’était pour
quoi faire ?
L’HISTOIRE DU MÉCANISME.
Un rappel basé sur des textes
précédents :
La machine (ou mécanisme)
d’Anticythère (lieu où elle a été découverte) est probablement le premier
calculateur de positions astronomiques de la période antique.
Le mécanisme est complexe, il
est en bronze, comprenant de nombreuses roues dentées disposées sur plusieurs
plans mais liées entre elles.
La machine d'Anticythère est le
plus vieux mécanisme à engrenages connu. Ses fragments sont conservés au musée
national archéologique d'Athènes. À priori, il n’existe aucun autre objet
similaire.
Cette relique a été trouvée en
1901 dans une épave d’une galère romaine datant du premier siècle avant notre
ère lors d’une plongée de pécheurs d’éponges.
Cela se passait au large de
l’Île d’Anticythère (étymologiquement : en face de Cythère), au Nord de la
Crète.
D’autres pièces sont remontées
de l’épave, elles sont toutes à Athènes au Musée d’Archéologie.
Il est à noter que
l’équipe Cousteau
avait plongé sur le site en 1976 !
Une nouvelle expédition de
plongée sur le site a eu lieu en 2016 par la
Woods Hole
Oceanographic Institution.
L’histoire de cette relique est
très floue, mais il semble bien qu’elle remonte aux Grecs un peu avant notre ère
et peut être même un peu plus tôt comme semble l’avoir démontré James Evans
récemment.
De nombreuses pièces ont été
remontées de l’eau.
Ce mécanisme, enserré dans une
boite en bois, une fois remonté et séché est malheureusement parti en plusieurs
morceaux (près de 100) comme on le voit ci-contre (Photo : Nature) :
Différentes hypothèses furent
avancées quant à son utilisation : instrument de navigation, d’astronomie…
Pour essayer de comprendre à
quoi il servait, il faut essayer de comprendre comment les Anciens voyaient le
Ciel !
LE
COSMOS ET SA REPRÉSENTATION.
Les Anciens voyaient le ciel
(le cosmos) sous forme de
différentes sphères s’imbriquant les unes dans les autres.
La Terre est entourée des 4
éléments d’Aristote : terre, air, eau et feu, puis le monde lunaire et les
planètes connues à l’époque (comprenant le Soleil) et au-delà, la sphère des
fixes.
Les Grecs avaient connaissance
des mouvements dans le ciel et du mouvement des planètes.
Malheureusement la Terre était
toujours au centre, ce qui les obligeait à jongler avec des cercles, des
épicycles et autres pour être en accord avec les mouvements observés dans le
ciel.
Ce mécanisme comportait plus
d’une trentaine de roues dentées, et on a reconstruit cet ensemble suivant ce
que l’on pensait être le système d’origine. On peut consulter ces reproductions
en divers endroits, notamment en France au Musée des Arts et Métiers (vérifier
si elle y est toujours !).
Il
devait y avoir un mécanisme d’horlogerie actionné à la main par une manivelle
servant à calculer la position du soleil, de la lune et des planètes vue de la
terre et à prédire les éclipses de lune et de soleil.
La complexité de la conception
– plus de trente roues dentées - et le fait qu’elle indique l’état de l’art de
l’astronomie de l’époque montre le génie de ses concepteurs. Cette machine
malgré une grande complexité interne, possède plusieurs trains épicycloïdaux.
Elle était d’un usage très simple on le pense.
Il suffisait à l’opérateur de
tourner une manivelle jusqu’à ce qu’un des cadrans affiche une position désirée
(jour, alignement soleil-lune…) et directement l’opérateur pouvait lire sur les
autres cadrans les correspondances dans d’autres cycles.
Le
mécanisme tient compte de différents calendriers (lunaires, luni solaire,
solaire, …) on y trouve :
·
Un
cycle Métonique de 235 mois synodiques lunaires (luni-solaire de 19 ans) qui
tient compte aussi des Jeux de l’époque (olympique, etc..)
·
Un
cadran zodiacal basé sur un calendrier égyptien
·
Un
cadran lié au Saros (223 lunaisons) important pour les éclipses.
On
pense qu’il pouvait ressembler à un
modèle reconstruit de nos jours et présenté comme cette
illustration de Scientific American.
Les Grecs s’intéressaient aux
levers et couchers (moments où ils deviennent soit visibles soit disparaissent à
l’horizon) héliaques
On a découvert ainsi le
parapegme (notes de prévisions astronomiques) de Milet dont James nous donne ces
informations.
Sur le mécanisme d’Anticythère
se trouvaient des morceaux d’autres parapegmes.
On voit sur cette photo marquée
par la flèche, une partie de cette inscription sur la machine d’Anticythère.
On distingue aussi en d’autres
endroits des lettres du zodiaque.
Le mécanisme tient compte aussi
de la vitesse variable de la Lune à l’aide de centres de rotation décentrés.
|
|
Face avant du
mécanisme (d’après AMRP). Les aiguilles : les 7 objets célestes |
Le cadran avant
avec plus de détails (Crédit Evans et Carman 2018) incluant le
zodiaque et le calendrier civil égyptien de 365 jours (extérieur) |
Ce
mécanisme doit tenir compte des problèmes liés à tous les calendriers :
·
L’année
ne possède pas un nombre entier de jours
·
La
lunaison aussi ne possède pas un nombre entier de jours
L’année
pour les Babyloniens avait 360 jours, une année avec 365 jours existait aussi.
De
plus, suivant les civilisations, les semaines n’étaient pas les mêmes (10 jours
chez les grecs et les égyptiens, 7 jours chez les romains) ; il y avait aussi,
comme déjà dit, des calendriers basés sur la Lune, le Soleil et un mélange des
deux.
LES
PLANÈTES.
Le mécanisme tenait compte de
la rétrogradation de Mars dans le ciel.
C’est l’emploi de déférent et
épicycle qui sauve la face.
Un tel mouvement peut s’obtenir
avec un mécanisme clavette et rainure (pin and slot en anglais) comme nous
l’indique le conférencier.
Consulter l’article en
référence à ce sujet.
Tiré de l’article de J Evans,
une configuration de roues permettant la représentation des planètes. (Crédit
Evans et al.)
Superposition des pignons sur
la roue principale.
On remarque la fente dans le
disque de Mars tenant compte ainsi de la rétrogradation.
James nous passe une petite
vidéo sur ce système de clavette et rainure, mais je n’ai pas réussi à la
retrouver.
Par contre, j’ai trouvé
celle-là.
LA
FACE ARRIÈRE.
La face arrière de la machine
d’Anticythère (crédit S Shambaugh)
Les spirales (reconstituées)
correspondant aux cycles Callipique et Métonique (partie supérieure de l’image)
et Saros (partie inférieure).
La grande spirale comporte 235
cases correspondant aux 235 mois du cycle métonique.
Le mécanisme tient compte de
différents calendriers (lunaires, luni solaire, solaire,
…) on y trouve :
·
Un cycle
Métonique de 235 mois synodiques lunaires (luni-solaire de 19 ans) qui tient
compte aussi des Jeux de l’époque (olympique, etc..)
·
Un cadran
zodiacal basé sur un calendrier égyptien
·
Un cadran lié
au Saros (223 lunaisons) important
pour les éclipses.
Cycle de Méton (d’après un
autre CR) :
Concernant le cycle de
Méton (d’Athènes) de 19 ans soit 6940 jours, soit
235 lunaisons,
c’est un assez bon compromis entre un calendrier lunaire et un calendrier
solaire. Il se trouve que ce cycle se trouve sur une spirale à 5 rangs qui
permettait d’effectuer une correction grâce au petit cadran du haut intérieur à
la spirale (correction callipique).
En
effet, un siècle après Méton, Callippe améliora le cycle Métonique en remarquant
que si on retranchait un jour tous les 4 cycles de Méton on avait une bien
meilleure approximation du mois lunaire,
Le
petit cadran vers la droite correspond aux dates des divers jeux de l’époque.
Mais si
on remarque que :
12
lunaisons correspondent à 354 jours, cela fait une année un peu courte alors que
13
lunaisons correspondent à 383 jours, cela fait maintenant une année un peu
longue.
Or dans
le cycle métonique, 19 années de 12 mois lunaires font 228 lunaisons, il en
manque 7 pour les 235 lunaisons du cycle.
Les
Grecs ajoutaient alors un mois toutes les 3 années pour ajuster cycle lunaire et
cycle solaire.
La
spirale du bas concerne le
cycle de Saros
(18 ans et 11 jours et 8 heures,
223 lunaisons)
lié aux éclipses ainsi que le cycle d’Exéligmos de 3 Saros (54 ans) situé au
centre de la spirale.
Au bout
de ce cycle, la Lune et le Soleil se retrouvent (presque exactement) dans la
même configuration, c’est donc intéressant pour connaitre la date des éclipses.
Pour
tenir compte des 8 heures qui ne font pas un compte rond sur les jours, il
existe un petit engrenage contre cette spirale qui doit en tenir compte, elle
est marquée 0, 8, 16.
La machine doit aussi tenir
compte des mouvements apparents du Soleil, car à l’époque, c’était la vision
géocentrique de l’Univers qui prévalait. On compensait grâce à un système
d’épicycles (cercles qui tournent sur ces cercles etc…), cela était obtenu en
décalant des axes d’engrenages.
On peut voir
un ensemble de tous les engrenages recomposés pour former ce que l’on
pense être son fonctionnement original.
LA
DATATION DU MÉCANISME.
Différentes méthodes ont été
utilisées pour essayer de contraindre le plus possible, la date de fabrication
de cette machine, dont :
·
Datation par
radiocarbone du bois du navire.
·
Le style des
poteries trouvées à bord
·
Les pièces de
monnaie associées au naufrage
·
Le style et
forme des lettres grecques des inscriptions du mécanisme
·
Des
considérations astronomiques…..
Il semble que les premières
datations basées sur la date du naufrage aient pointé sur les années -60 à -90
avant notre ère.
C’est l’époque grecque en
Égypte, il est donc normal de trouver un navire dans ces fonds marins situés
entre la Grèce et l’Égypte, comme le pense aussi notre ami Denis Savoie qui a
participé au livre de J Evans en français.
On trouve beaucoup d’indices
intéressants sur la datation sur
l’article de
Wikipedia qui lui est consacré.
Un
progrès important dans la datation a été fait par notre conférencier
James Evans et son collègue C. Carman qui ont reculé de près de 100 ans la date
de ce mécanisme, basé sur le fait que le calendrier représenté incluant les
éclipses solaires et lunaires sur ce mécanisme semblait être connu
vers les -200 avant
notre ère. Ils ont étudié le cycle Saros des archives babyloniennes à
cette effet.
À cet effet il nous montre un
graphique représentant les erreurs de date pour des éclipses solaires, et
celles-ci sont au minimum vers les -204.
Par contre il y a toujours
spéculation sur les origines de cette machine et sur son fabricant.
À quoi pouvait servir une telle
machine ?
Les faits :
·
Position de la
lune et ses phases
·
Dates des
éclipses de Soleil et de lune
·
Dates des
prochains jeux olympiques
·
Position des
planètes connues dans le ciel
On se pose toujours la question
sur son concepteur, beaucoup ont pensé à Archimède qui habitait Syracuse à la
même époque (il meurt en -212) ou à un de ses élèves.
On pense aussi à Hipparque de
Nicée (-190 ; -120) : Probablement le plus grand astronome de l’antiquité. Il
découvrit la précession des équinoxes et introduisit les épicycles.
On dit aussi que Cicéron aurait
vu cette machine ou quelque chose de ressemblant chez le philosophe Posidonies.
Bref encore un mystère de plus
entourant cette incroyable machine qui semble si anachronique et ne pas
correspondre à l’époque qu’on lui attribue.
POUR ALLER PLUS
LOIN :
Ce fascinant ordinateur astronomique a été inventé par les Grecs anciens
par l’Obs.
Le
mécanisme d’Anticythère par
Wikimedia
La machine
d’Anticythère par Wikipedia.
Machine d'Anticythère
par Wikiwand
Bibliographie sur le mécanisme d’Anticythère
par le Musée des Arts et Métiers.
La fabuleuse
machine d’Anticythère par
Quasar 95
On
the pin-and-slot device of the Antikythera mechanism, with a new application to
the superior planets
par Evans et al.
Solar
anomaly and planetary displays in the Antikythera mechanism
par Evans et al.
The Antikythera mechanism and the early history of the moon-phase display
MT WRIGHT
Nombre de photos intéressantes
sur le mécanisme d’Anticythère.
Les
Leçons d'une Machine à Remonter le Temps
par planète Gaia
Deepening to Antikythera mechanism via its interactivity
à voir
La Machine d’Anticythère ;
CR de la conférence SAF de JJ Dupas le 11 Mars 2015.
Ouvrages à part l’ouvrage de
James Evans cité plus haut, voir
A portable Cosmos par
Alexander Jones Oxford University Press
Des vidéos intéressantes :
Les empreintes du génie
à voir absolument
Michael Wright
demonstrates his model of the Antikythera mechanism
Virtual Model of the Antikythera
Mechanism by Michael Wright and Mogi Vicentini
3D virtual model of the Antikythera
mechanism 1080p(DIOLATZIS S. GIANNIS)
Prochaine conférence mensuelle de la SAF à TeleComParistech :
Vendredi 12 Octobre 2018
19H00
CONFÉRENCE D’Athena COUSTENIS Astrophysicienne LESIA Observatoire de Paris
SUR «
L’EXPLORATION DU SYSTÈME SOLAIRE EXTERNE.
»
Réservation à partir du 15 Sept 2018
9H00
Entrée
libre mais
réservation
obligatoire. (Vigipirate)
Bon ciel à tous
Jean Pierre
Martin Président
de la commission de cosmologie de la SAF
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