Mise à jour le 8 Octobre 2018
CONFÉRENCE d’Antoine LECOCQ
Responsable technique de la SODERN
Sur « LA MISSION MARS INSIGHT :
OBJECTIFS ET DÉFIS DU DÉVELOPPEMENT »
Organisée par la SAF
Dans ses locaux, 3 rue Beethoven, Paris XVI
Le Samedi 29 Septembre 2018 à 15H00
à l'occasion de la réunion de la Commission de Planétologie.
Photos : JPM pour l'ambiance. (Les photos avec plus de résolution
peuvent
m'être demandées
directement)
Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur. Voir
les crédits des autres photos si nécessaire
J’ai mis la présentation des actualités
sur ma liaison ftp
elle est disponible au téléchargement et s’appelle.
Sodern-INSIGHT SAF Sept 2018.pdf
Elle est dans le dossier PLANETOLOGIE SAF de la saison 2018-2019.
Ceux qui n'ont pas les mots de passe doivent
me contacter avant.
BREF COMPTE RENDU
UN RAPPEL
DE LA MISSION INSIGHT (par moi-même).
InSight,
c’est l’acronyme de INterior exploration using Seismic Investigations, Geodesy
and Heat Transport.
Elle est consacrée à l’étude de l’intérieur de la planète Mars,
comme son sigle l’indique.
Elle est composée d’un atterrisseur fixe, véritable station
géophysique, puisqu’elle comprend trois instruments :
·
Le SEIS (Seismic Experiment for Interior
Structure) pour étudier l’activité tectonique de la planète ; fourni
par le CNES avec participations de l’Institut de Physique du Globe de
Paris (IPGP), de l’ETH suisse, du Max Planck MPS, de l’Imperial Colleg et du
JPl. Donc équipement international.
·
Le HP3 (Heat Flow and Physical Properties
Package) pour mesurer les échanges de chaleur notamment, instrument fourni par l’agence
allemande DLR.
·
Le RISE (Rotation and Interior Structure
Experiment) doit mesurer les variations éventuelles de l’axe de rotation
martienne, il est fourni par
le JPL.
Les expériences menées par InSight doivent aboutir à nous en
apprendre plus sur l’évolution des planètes rocheuses et notamment sur le
processus d’évolution de Mars ; elle doit nous aider à la :
·
Détermination de la taille exacte du noyau et son
état physique.
·
Détermination de l’épaisseur et de la structure
de la croûte.
·
Détermination de la composition et de la
structure du manteau
·
Détermination de l’état thermique de l’intérieur
martien et sa vitesse de refroidissement.
·
Mesure précise de l’activité sismique
·
Mesure du taux d’impacts météoritiques sur la
surface.
InSight a été retardé et a été lancée entre le 5 Mai 2018 (avec
deux ans de retard) pour un atterrissage le 26 Novembre.
Durée de vie théorique : 2 ans.
Comme
vous le voyez sur la photo, la sonde ressemble à Phoenix dont
elle a un design similaire, Phoenix s’était posée dans la zone polaire Nord de
Mars.
Une vue
d’artiste du lander posé sur Mars.
Et comme c’est une mission « low cost » (moins de 500 Millions de
$), on fait du neuf avec du vieux !
Il restait de nombreux sous-ensembles de
la mission Phoenix (celle qui s’est posée près du Pôle N martien en
2007), elle –même une récupération de Mars Surveyor, on va les recycler et y
ajouter quelques nouveaux instruments
Elle est composée d’un atterrisseur fixe, véritable station
géophysique, puisqu’elle comprend trois instruments :
Photo : Lockheed Martin
LA
FORMATION DES PLANÈTES TELLURIQUES :
Les corps rocheux du système solaire, gros et moins gros débutent
par une phase d’accrétion, à l’état de poussières grâce aux forces
électrostatiques puis ensuite la gravitation prend le relais pour atteindre des
dimensions plus ou moins importantes (planètes, satellites ou astéroïdes).
La taille augmentant, l’intérieur se réchauffe et passe à l’état
liquide ou pâteux (phase de différentiation), les éléments lourds étant
précipités au cœur du noyau. Au cours du temps, ce corps se refroidit, une
croûte se forme, un manteau, et une atmosphère aussi.
La plupart vont devenir des planètes telluriques comme Mercure,
Vénus, la Terre et Mars, leur nombre ayant été probablement plus important au
moment de leur formation.
D’autres, moins gros, évolueront vers des corps moins complexes
(quoique…), comme des planètes naines ou des astéroïdes.
Ces planètes telluriques sont similaires au point de vue
structure, mais certainement pas identiques.
D’ailleurs une des grandes questions posées en planétologie est,
pourquoi Vénus, la Terre et Mars étant situées plus ou moins dans la zone
habitable du Soleil, pourquoi ont elles suivi des chemins si différents ? Elles
ont suivi des évolutions différentes dépendant de leur taille, densité, noyau
liquide ou non etc. Enfin pourquoi Mars ne possède pas un système de plaques
tectoniques ?
POURQUOI
MARS ?
Si on s’est déjà intéressé à Mars, sa géologie (volcans, canyons,
cratères) et à sa minéralogie de surface avec de nombreuses missions spatiales,
aucune mission ne s’est encore intéressée à ce qu’il y a sous la surface.
Cette mission doit étudier la structure interne de la planète
rouge, étudier les processus de formation et en mesurer les paramètres
physiques.
On veut pouvoir étudier la « machine Mars », son activité, sa
chaleur interne. A-t-elle toujours une activité sismique et volcanique ? Peut-on
connaitre l’état de son noyau, est-il encore liquide ?
Mars est aussi la planète tellurique la plus accessible et on
commence à connaitre sa géologie et sa chimie.
C’est une candidate idéale pour étudier l’évolution des planètes
rocheuses, en effet, elle a conservé la trace de son passé sur sa surface, due à
l’absence d’activité tectonique qui recycle la croûte dans le manteau comme sur
Terre. Mars aurait débuté une phase d’évolution qui s’est avortée assez tôt.
En fait, on aimerait bien savoir pourquoi la Terre et Mars ayant
certainement eu des conditions au départ relativement identiques, à cause de
quels processus et pourquoi celle-ci est devenue rapidement un désert glacé ?
Bref, on souhaiterait comprendre mieux ce qui se passe à l’intérieur de Mars.
Et ce sont toutes ces interrogations auxquelles on souhaiterait
que la mission InSight apporte des réponses.
Antoine Lecocq (à droite) à côté de Gilles Dawidowicz Président
de la commission.
Mr Lecocq est le responsable technique du sismomètre SEIS de la
SODERN
(acronyme de Société d’études et réalisations nucléaires), c’est une filiale du
groupe
ArianeGroup, spécialisée dans l'optronique spatiale et la
neutronique.
La Sodern compte approx 400 personnes.
C’est cette société qui a développé le sismomètre embarqué sur la
mission avec a coopération du CNES et de l’IPGP (Institut de Physique du Globe
de Paris) notamment avec
Philippe Lognonné,
responsable de l'Équipe Planétologie et Sciences Spatiales.
Philippe Lognonné est PI de l’instrument SEIS.
Ce sismomètre SEIS est l’aboutissement d’un (très) long
développement, qui s’est déroulé sur plus de 20 ans.
Il était originellement prévu sur le lanceur russe de la
mission
Mars 96, qui a échoué.
Au cours du temps le concept s’est amélioré.
Il a été proposé pour des missions qui en définitive ont été
abandonnées comme :
Netlander en 2005 ; Retrofit 2010 ; Selene 2 en 2011….
En 2010 appel d’offres de la NASA pour une mission Discovery qui
va devenir Insight.
En aout 2011 Insight est retenue.
INSIGHT devra déposer sur Mars un atterrisseur statique
comportant deux instruments scientifiques : un sismomètre et un capteur de
chaleur s’enfonçant jusqu’à 5m sous le sol.
Ces deux instruments fourniront des données permettant de :
Déterminer la taille, la composition et l’état (liquide / solide)
du noyau de Mars, de son manteau et de sa croute
Mesurer l’activité sismique de Mars (quantité, magnitude et
localisation des séismes)
Surveiller les impacts météoriques à la surface de Mars.
Crédit : NASA
Voilà les caractéristiques de Mars que l’on pense pouvoir
améliorer avec la mission Insight (colonne de droite marquée Improvement).
Évidemment l’amélioration principale viendra de l’activité
sismique car elle n’est pas à ce jour vraiment mesurée.
Une autre sera le flux de chaleur interne mesuré par l’instrument
HP3.
L’ATTERRISSEUR INSIGHT.
Vue d’ensemble de
l’atterrisseur Insight. (crédit Lockheed Martin)
Comme précisé plus haut, on distingue les 3 instruments
principaux.
Quelques mots sur le HP3.
|
|
L’instrument HP3 de
la DLR devrait creuser jusqu’à 5m pour mesurer le flux de chaleur de
la planète |
On voit ici la taupe
(mole en anglais) qui doit pénétrer le sol martien, un marteau à
ressort se charge de la pénétration. Documents : DLDR |
L’INSTRUMENT SEIS.
On voit ici l’instrument SEIS ouvert en partie amené par Mr
Lecocq.
L’étude sismique de Mars a été un des buts de la mission des
Vikings des années 1976, mais leurs sismomètres n’étaient pas assez performants
et les résultats non conclusifs.
On devrait pouvoir enregistrer les séismes martiens, les impacts
d’astéroïdes ou les effets de marée pouvant être provoqués par Phobos.
Sensibilité approx : 10-9 de la gravité martienne.
Cet instrument est composé de plusieurs parties :
·
Une sphère en Titane
avec 3 capteurs sismiques à très large bande (VBB) ou longue période
ainsi que leurs capteurs de température. C’est le cœur de l’instrument, conçu
par l’IPGP et réalisé par la société SODERN
·
Trois capteurs sismiques à courte période (SP) et
les capteurs de température correspondants, réalisées par l’Impérial College de
Londres..
·
Une électronique avec le logiciel correspondant,
réalisée par l’École Polytechnique de Zurich.
·
Un trépied support LVL permettant la bonne
inclinaison une fois posé sur le sol, réalisé par l’Institut Max Planck de
Planétologie de Göttingen
·
Un système de déploiement sur le sol WTS, du JPL.
Info Masse : Masse de la sphère VBB ~3 kg ; Masse du système SEIS
( LVL+sphère+ SP) ~6 kg ; Masse de l’électronique d’acquisition ~6 kg
Puissance de fonctionnement : 2 watt
La sonde SEIS est isolée thermiquement et le vide est maintenu à
l’intérieur.
En plus, un bouclier WTS (Wind and Thermal Shield) fourni par le
JPL est chargé de protéger les capteurs contre les variations thermiques
extérieures et contre les vents martiens.
Principe de
fonctionnement :
Le principe du capteur sismique à large bande est basé sur
l’utilisation d’un pendule oblique.
Le ressort et la masse du pendule sont parfaitement équilibrés ;
lorsque le sol bouge, le pendule commence à bouger, et ce mouvement est détecté
par les capteurs de déplacement (DCS) qui transforment ce mouvement en signal
électronique.
Les trois capteurs pour les courtes périodes (SP) sont soit
horizontaux soit verticaux, ils enregistrent les mouvements du sol grâce à une
masse mobile se déplaçant dans un capteur.
Le déplacement de la masse est donné par la formule :
X = m
g / K
X = déplacement ; m = masse ; gamma = accélération ; K = raideur
du ressort.
Une raideur faible (ressort extrêmement souple) est choisie pour
les applications spatiales (afin d’avoir un grand X)
La masse utilisée est de l’ordre de 400g.
Cet ensemble (VBB dans leur sphère et SP) est monté sur le
système de déploiement et doit être parfaitement déposé sur le sol martien,
c’est le rôle du bras articulé équipé de caméras (les Navcam des rovers),
celles-ci doivent imager de façon stéréoscopique l’immédiat emplacement de la
zone d’atterrissage afin de voir où vont être déposés les sismomètres et le
détecteur de flux thermique HP3.
Les pendules du VBB :
|
|
Crédit Illustration : IPGP D Ducros
Chaque pendule est constitué de :
·
Une partie fixe
·
Un Pivot assurant une souplesse entre la partie fixe et la partie
mobile. C’est le cœur du pendule.
·
Une partie mobile, dont le centre de gravité est
décalé par rapport au pivot, équilibrée avec un ressort.
·
Un capteur capacitif de déplacement, situé entre
les parties fixe et mobile du pendule.
Le pivot est la partie la plus importante du pendule. Il est
constitué de lames ressort.
Mécanisme fragile, constitué principalement de Titane.
Il doit posséder une :
Grande souplesse suivant
un axe de rotation
Grande raideur dans les
autres degrés de liberté
Transmission des signaux
électriques vers la partie mobile.
Il est rigide (hyperstatique) et sa course est limitée à quelques
dizaines de microns
De nombreux essais et modifications ont été nécessaires.
Un des sous-ensembles critiques est le TCDM (Dispositif de
compensation thermique), similaire à un ensemble de bilames.
Le TCDM comporte 2 oreilles de ce type. Lorsqu’elles se dilatent,
leur centre de gravité bouge horizontalement par rapport
à la photo, ce qui permet de maintenir l’équilibrage du pendule
malgré les larges variations de températures journalières sur Mars.
Autre élément du TCDM, un motoréducteur permet de faire tourner
les oreilles suivant leur axe et ainsi de choisir la direction dans laquelle le
centre de gravité des oreilles se déplace, pour avoir la meilleure compensation
thermique possible en fonction de la géométrie du pendule, des conditions de
température sur Mars, etc.
Cette « optimisation » du fonctionnement du TCDM sera réalisée
régulièrement (au moins une fois par saison) en utilisant un algorithme mis au
point par l’IPGP.
Caractéristiques des pendules VBB :
·
Ils peuvent mesurer un déplacement de l’ordre de
10 picomètres
(diamètre d’un atome d’Hydrogène).
·
Gamme de température très large : - 105°C à +
120°C
·
Sous vide inférieur à 0,1 mbar
·
Réponse fréquentielle large : 0,25 à 200 secondes
L’ensemble est décontaminé à 100°C pendant deux semaines.
Une
sphère de Titane identique à celle montrée ce soir contient 3
pendules VBB.
Cette sphère a pour but de :
·
Isoler les pendules de l’environnement martien,
·
Maintenir le vide nécessaire, des mini pompes
passives (Getters) sont utilisées à cet effet. Garantie : 3 ans
·
Séparer thermiquement les pendules du reste de
l’instrument
Une opération délicate pour fermer hermétiquement la sphère : le
queusotage : brasure du petit tuyau de fermeture.
C’est un petit
problème d’étanchéité qui a retardé le lancement de deux ans.
Ensuite l’ensemble est envoyé au CNES pour
assemblage à la plateforme.
Ensuite intégration sur la sonde INSIGHT.
Une fois atterri sur le sol martien, les capteurs sismiques
peuvent rester plusieurs jours sur la plateforme de l’atterrisseur, sans
protection thermique ;
Photo: on voit les différents composants disposés sur la
plateforme support du lander. Elle est inclinée à presque 90°. Un bouclier
thermique recouvrira le tout.
Crédit
:NASA/JPL-Caltech/Lockheed Martin
LA
MISSION INSIGHT.
Lancement de Vandenberg le 5 Mai 2018, pour arriver le 26
Novembre ; évènement à suivre en direct
à la Cité des Sciences, organisé notamment par la SAF.
Entrée libre mais il faut s’inscrire à partir du 15 Octobre.
Le site d’atterrissage :
Comme pour la plupart des sondes martiennes doit être situé vers
l’équateur pour un maximum d’ensoleillement.
Altitude la plus basse possible à cause des parachutes (plus
d’atmosphère pour ralentir)
Un relief plutôt plat
Un régolithe épais pour la pénétration du HP3
Un site près du site de
Curiosity a été choisi.
La séquence de descente
et d’atterrissage (NASA)
Déroulement simplifié de la mission : (voir la vidéo :
https://youtu.be/7VVKyYhwfBk)
·
Ensuite le bras articulé (IDA) soulève l’ensemble
et le dépose sur le sol.
·
Puis c’est le couvercle de protection (WTS) qui
doit être posé dessus (photo), phase d’attente qui peut durer 60 jours au
maximum. Bien évidemment pendant toutes ces phases, les capteurs sont mis hors
tension avant l’arrivée de la protection.
·
Puis c’est au tour de HP3 d’être déposé sur le
sol.
Bonne chance à SEIS et Insight, nous en reparlerons.
POUR ALLER PLUS LOIN :
Le site InSight au CNES : https://insight.cnes.fr/fr/accueil-0
Le site de InSight au JPL : http://insight.jpl.nasa.gov/home.cfm
Le site de la mission à l’IPGP.
L’instrument SEIS expliqué sur le site du CNES.
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