Et
Depuis le
Centre de contrôle mission de l'ESA à Damstadt (Allemagne) :
Jean-Pierre
Lebreton, chef de projet
scientifique d'Huygens pour l'ESA
Athena Cousténis, Observatoire Paris Meudon
Guy Israël, service d'aéronomie du CNRS
Michel Cabane, service d'aéronomie du CNRS
Daniel Gautier, Observatoire Paris Meudon
François Raulin, laboratoire inter-universitaire des systèmes
atmosphériques (LISA), responsable du groupe Exobiologie
Olivier Sanguy, rédacteur en chef d'Espace Magazine
C'est donc la
Grande Messe des fondus d'astronomie et d'astronautique, quel événement aussi,
rendez vous compte, une sonde va se poser sur une satellite de Saturne, un
monde si lointain et cette sonde est européenne. Quel succès pour l'Europe quel
succès pour l'Astronomie en général.
On était
tous un peu angoissé à cause du syndrome de Beagle-2, allait on encore avoir un
échec?
Mais nous avons
vite été rassuré pendant la journée, grâce aux infos "live" de
plusieurs sites dont nos amis de Futura
Sciences que je salue et remercie ici pour leur réactivité.
On a reçu d'abord
l'information du Robert C. Byrd Green Bank Telescope (GBT) du National
Radio-astronomy Observatory de West Virginia, USA comme quoi la sonde avait
pénétrée correctement l'atmosphère de Titan (c'était le minimum, sinon pas de
mission), il était 11H25 (heure de Paris ou CET : Central European Time), en
fait le signal reçu correspond au largage du bouclier de protection arrière
(back cover) de la sonde et au fait que le parachute s'est ouvert et qu'elle a
commencé à transmettre les informations à Cassini.
Elle était donc
"en vie"! La mission a déjà
pleinement réussi!!
Allait
on vers un "grand chelem"?
Et bien oui, vers
16H l'ESA confirme avoir reçu un signal (le "clic" de contact) du sol
de Titan, c'est le délire à Darmstadt!!
Donc nous
attendons tous avec impatience la soirée à la Cité des Sciences.
Alors comment
résumer cette journée réellement historique pour l'astronomie européenne et
pour l'Astronomie tout court?
Après avoir
moultement réfléchi je vais suivre bêtement l'ordre chronologique.
Donc
nous nous dirigeons avec angoisse vers la Cité des Sciences un peu effrayés par
la publicité énorme faite sur toutes les chaînes de télé et de radio pour cette
nuit spéciale, nous arrivons en avance bien sûr, vers 19H et là déjà une queue
bien sérieuse nous attend.
Et cela s'empire
de minutes en minutes. En fait il va y avoir plus de 2000 personnes réparties
entre 3 salles et le grand Hall de la cité, où le "spectacle" de
l'Auditorium sera retransmis et dans lequel nous avons pris place.
À 20H30 débute la
soirée suivie par plusieurs caméras de télévision.
C'est notre ami
Gilles Dawidowicz qui en est le maître de cérémonie parfait avec son compère
Olivier de Goursac.
Ils seront optimum
de bout en bout.
Gilles à son
pupitre de commande!
Il nous confirme
que cette mission concerne plus de 50 scientifiques français qui travaillent
dessus. Cocorico!!
Et c'est Francis
Rocard du CNES (responsable des programmes d'exploration planétaire) qui ouvre
le bal.
Il nous donne une
grande quantité de détail sur la sonde Huygens que l'on voit ci après.
F Rocard, O de Goursac et G Dawidowicz
Le largage de
Huygens à petite vitesse le 25 Décembre 2004 s'est bien passé et la sonde s'est
bien mise en rotation à 7t/min à des fins de stabilisation. 3 semaines de
croisière balistique (merci Mr Newton) et nous arrivons aujourd'hui bouclier
face à l'atmosphère de Titan que nous allons pénétrer à très grande vitesse
(6km/s).
Tout est
balistique on ne contrôle rien,
et c'est là le grand art , on est devenu maître comme nos amis américains dans
ce domaine, bravo les Européens.
Largage du
bouclier et ouverture du grand parachute,, afin de ralentir la chute (180km/h).
Mais …pas trop. car l'atmosphère est tellement plus épaisse que sur Mars et le
temps de contact radio (Huygens émet 20W!!!!) avec la vaisseau mère Cassini
court (3 heures a peu près) qu'on change de parachute, on ouvre un deuxième
plus petit, et oui, pour qu'il arrive plus vite au sol afin de ne pas louper
Cassini qui tourne au dessus. En effet la synchronisation était fondamentale.
On sait rapidement
que les parachutes se sont bien déployés et l'atterrissage se produit.
Les données
commencent à arriver plus tard à Darmstadt, à l'ESOC le centre de contrôle
mission.
On respire on se
congratule, on pleure etc..
Comme le dit très
justement Francis Rocard : 7 années de croisière pour
2H1/2 de mission!!
Mais quelles deux
heures et demi!!! On se rend compte rapidement que la sonde a fonctionné deux
heures après son atterrissage, la tension est à son comble, aurions nous aussi
la cerise sur le gâteau? C'est à dire aussi des photos du sol, et bien OUI!
Il
est 20h50 Olivier Sanguy d'espace Magazine nous appelle de Darmstadt et
confirme les bonnes nouvelles.
Cassini retransmet
toujours, mais petit écueil un canal de transmission (le fameux canal A dont on
va parler toute la soirée) ne fonctionne pas (les envois sont redondants, donc
pas de problèmes pour les données).
Il nous informe
qu'il y a trois caméras à bord : une verticale, une à 45° et une horizontale.
On espère des
mosaïques d'images.
Olivier de Goursac
nous explique la complexité du rendez vous avec Cassini pour la transmission
des infos car on n'a vraiment que 3 heures et il fallait que tout se
synchronise au quart de poil près.
20H56 : LES
PREMIÈRES IMAGES ARRIVENT, SALUÉES PAR LE PUBLIC
Les voici: (on a
apprit plus tard que ces images étaient arrivées pendant le repas des
techniciens de Darmstadt!)
Image
prise à 16km d'altitude par Huygens
Discussions avec
les spécialistes, cela ressemble fortement à un réseau fluvial avec à droite
une zone sombre que certains commencent à appeler un lac.
En clignant des
yeux on voit dans la partie haute de l'image au centre quelque chose qui ressemble
à un cratère.
Le soleil était à
peu près au zénith.
Image prise à 8km
d'altitude.
Alors là personne
n'y comprend rien!!!
Mais la vraie
surprise arrive.
Image prise au
sol!!!
On voit
distinctement des cailloux ou des blocs de glace de forme arrondie, cela
ressemble à ….Mars.
Bref beaucoup de
questions.
Puis
Philippe Morel, Vice président de la SAF nous résume l'historique de
l'observation de Saturne que nos lecteurs connaissent bien.
Galilée.
Divini.
Riccioli.
C. Wren.
C Huygens.
Campani.
Cassini.
Et l'époque
moderne
Il
est 21H15 André Brahic arrive et avec sa fougue habituelle essaie de nous
expliquer ce qu'on voit sur les photos.
En commentant
aussi les images radar précédents qui ne sont pas simples!
Tout cela pour
conclure par un "on n'y comprend rien!".
Il nous fait
l'historique de la mission Cassini en précisant qu'il n'y a que 3 corps dans le
système solaire avec une atmosphère d'azote :
Les 3 T
: Terre, Titan et Triton
(satellite de Neptune)
Photo : Professeur
Brahic, vous bougez trop, on ne peut pas prendre une photo de vous en pleine
action, il y a toujours un effet "bougé"!!!
Voici les quelques
points concernant Titan qu'il nous demande de retenir :
La surface est
jeune et aurait peu de cratères
Le relief est très
faible : +/- 100m
Nuages de CH4
Pourquoi Titan
est-il si différent de Japet son voisin criblé de cratères.
Très ému, il
conclue que c'est l'aboutissement de 24 ans de travail et que ce soir c'était
LE soir.
Merci professeur
Brahic de votre enthousiasme.
Philippe
de la Cotardière, ancien président de la SAF,
prend le relais, il est 21H30
Il nous retrace
l'épopée des sondes Pioneer et Voyager vers Titan.
Daniel Gautier de
Meudon, était ensuite en ligne depuis Darmstadt il est comme tout le monde
stupéfait que cela ait aussi bien marché.
Il nous rappelle
la genèse du projet : un déclic suite au passage de Voyager en 1981.
Puis il passe la
parole à son collègue Guy Israël du service Aéronomie du CNRS qui parle des
expériences sur l'atmosphère
Il est 22H30 après
une courte pause, on reprend, F Rocard continue la description de la mission et
ses hauts et bas , le problème des fameux RTG (générateurs isotopiques au
Plutonium nécessaires car au niveau de saturne il n'y a qu'un pour cent de la
lumière solaire du niveau de la Terre). Ces RTG donnent 500W de puissance
électrique en permanence et tous les instruments sont "low power".
Ces RTG ont failli
bloquer le départ de la mission (les écolos avaient peur etc…), bref on a
trouvé un arrangement.
Puis les problèmes
de communication découvert en 2001 (la sonde était déjà partie), on n'avait pas
pensé à l'effet Doppler entre Cassini et Huygens, seule solution, changer des
trajectoire et faire arriver Cassini et Huygens perpendiculairement afin de
minimiser l'effet.
Explication des
orbites en pétales déjà décrites dans les astronews ici même.
22H50 Athena
Coustenis de Meudon est au fil, elle s'occupe de l'imagerie, elle est la
première de Darmstadt à parler de chenaux et de lac, elle nous informe qu'il y
a eu 400 images de prises. FORMIDABLE!
Elle passe le
micro a Bruno Bezard qui nous indique que pendant la descente il y avait du
brouillard en altitude (stratosphérique) et par contre pas du tout au sol.
Plus
aucune photo ne sera diffusée ce soir, elles sont réservées à la conférence de
presse de l'ESA de Samedi 11H du matin, il faudra vous brancher sur ESA TV pour
la voir sur votre PC.
Photo: le public
est venu très nombreux, la preuve!
Sébastien
Charnoz qui a travaillé avec A Brahic nous explique ensuite la complexité des
anneaux de saturne avec les résonances et ondes de gravité.
Il a une très
bonne image concernant les anneaux :
C'est comme une
membrane ultra réactive qui serait perturbée par les satellittes.
Les anneaux font
300.000km de diamètre (presque la distance Terre Lune) et seulement 10m
d'épaisseur!!
Vue de Prométhée
qui arrache de la matière à l''anneau F et qui se répare tout seul.
Passionnant!
François Raulin du
LISA intervient depuis Darmstadt dans son domaine sur l'expérience ACP et puis
vient le tour du JP Le Breton responsable scientifique de toute la mission. Il
a été très pris toute la soirée. Il confirme que Huygens a certainement vu du
liquide!
On arrive à 23H45,
malheureusement certaines personnes s'en vont et cela perturbe un peu le bon
déroulement.
