mise à jour le 8 Août
2005
"LE
MOUVEMENT BROWNIEN"
par
Gilles COHEN-TANNOUDJI
Physicien, Directeur de recherche au CEA, Saclay.
MERCREDI
13 JUILLET 2005
Le siècle
d'Einstein à l'UNESCO Paris
Photos : JPM. Pour
l'ambiance
Je ne propose que
des comptes rendus succincts de ces conférences, le site http://einstein2005.obspm.fr/indexp.html
devrait mettre en ligne le texte de toutes les conférences bientôt.
BREF COMPTE RENDU
Le
mouvement brownien était le sujet de la thèse d'Einstein en 1905 et c'est de ce
curieux phénomène que va nous parler GCT aujourd'hui.
Mais rappelons d'abord ce qu'est le
mouvement brownien.
(voir figure ci dessous) :
Le mouvement brownien décrit un
phénomène découvert par le biologiste Robert Brown en 1827; il remarqua que des
grains de pollen déposés sur de l'eau, suivaient un mouvement erratique, rapide
et désordonné. Ce mouvement est une analogie du comportement de la
thermodynamique des gaz. Il ne fut pas expliqué pendant longtemps, c'est Albert
qui trouva la solution.
BILAN DE LA CONCEPTION DE LA
MATIÈRE FIN DU XIXème SIÈCLE.
Succès de la gravitation newtonienne
La matière a deux composants : les
atomes et molécules, et l'éther milieu supposé porter les ondes
électromagnétiques.
Conception classique de l'espace et du
temps.
Flèche du temps : brisure de la
symétrie temporelle, le temps ne se déroule que dans un seul sens.
Découverte de la radioactivité, des
rayons X, des électrons.
Mais, des problèmes non résolus :
L'avance du périhélie
de Mercure.
L'effet photo-électrique.
Le
corps noir n'est pas bien compris.
Inobservabilité des atomes et molécules
L'éther ne peut pas être mis en
évidence.
LA RÉVOLUTION DE 1905 :
L'ANNÉE MIRACULEUSE D'EINSTEIN
En mars 1905, il explique l'effet
photo-électrique, et introduit la notion de quanta.
En mai 1905, il prouve la réalité des
atomes avec un texte sur le mouvement brownien.
En juin 1905 c'est la relativité
(restreinte) avec l'électrodynamique des corps en mouvement.
La lumière fait partie de la matière.
Contexte de l'article sur le mouvement
brownien paru dans "Annalen der Physik"
:
Deux articles paraissent en 1902 dont
un d'Einstein sur le sujet. La plupart de ses travaux avant 1905 portent sur la
physique statistique et sur les moyens de déterminer les propriétés
fondamentales des atomes et des molécules. Ce sera le sujet de sa thèse.
Dans son article sur les quanta,
Einstein arrive à déterminer le nombre d'Avogadro avec une très bonne
approximation :
6,17 1023 au lieu de 6,023
1023. (on se rappellera le 23 dans la valeur à la fois après la
virgule et en exposant, comme moyen mnémotechnique, même si le 6,023 n'est pas
tout à fait exact, c'est en fait 6,02215…).
Vers 1916, il étudie les fluctuations
de la pression
de radiation (pression exercée par la lumière sur la matière) et prouve
qu'il existe deux composantes; l'une classique (ondulatoire) et l'autre
quantique (corpusculaire). Cela lui permet d'introduire l'émission stimulée et
trouve la formule : E=pc avec p=
quantité de mouvement, (on n'est pas loin de E=mc2).
MAXWELL ET LA THÉORIE
MOLÉCULAIRE DE LA MATIÈRE.
James Maxwell, physicien écossais qui fonda
l'électromagnétisme, était un adepte de la vulgarisation scientifique. Il
donnait souvent des conférences et il a l'idée en germe du mouvement brownien.
Il distingue 3 catégories de grandeurs :
·
masse, densité et
pression
·
libre parcours moyen
(lpm) et taille relative des molécules
·
le reste dont on n'a
une connaissance ni précise ni approchée comme la masse absolue d'une molécule.
Maxwell se heurte aussi à des problèmes
qui n'auront leurs solutions qu'au XXème siècle tels que :
·
masse et taille des
molécules
·
identité absolue des
molécules d'une même espèce
·
chaleur spécifique
des molécules poly atomiques
BOLTZMANN ET LA
THERMODYNAMIQUE STATISTIQUE.
La chaîne de télévision culturelle
franco-allemande Arte a produit une émission très intéressante ayant pour thème
l'année Einstein, et qui s'appelait : La thermodynamique revisitée, dont les
meilleurs textes se trouvent sur
leur site; je m'en inspire avec cet extrait :
Inspiré par les travaux de Ludwig Boltzmann sur la théorie cinétique des gaz
(dont les Leçons sur la théorie des gaz, publiées en 1896-1898, l’avaient
enthousiasmé), Einstein s’intéressa, de 1902 à 1904, aux fondements
moléculaires de la théorie de la chaleur, c’est-à-dire au rapport de la
thermodynamique et de la théorie cinétique.
Boltzmann avait établi une relation
pour décrire l’état d’un gaz (exprimé par une fonction, l’entropie, S), sans
connaître les états de chacune des molécules qui le constituent (donnés par
leurs positions et leurs vitesses). L’équilibre thermique du gaz était donné
par la distribution la plus probable de ces états. À chaque configuration des
molécules du gaz, on pouvait associer une probabilité (W).
Selon la relation de Boltzmann,
l’entropie est proportionnelle au logarithme de cette probabilité :
S= k logW
où k va devenir la constante de Boltzmann
(k = 1,38.10-23 J.K-1)
Un état d’énergie du gaz correspondait
à un ensemble de «complexions» élémentaires, ou répartitions des molécules
(pensées comme individuellement marquées, ou discernables) dans chaque
intervalle (ou cellule) de vitesse, d'égale probabilité. Boltzmann en calculait
la probabilité en faisant le décompte des permutations des molécules d'une même
cellule.
Il y a deux façons d'utiliser la loi de
Boltzmann nous dit l'orateur :
Partant de la fonction probabilité, on
en déduit l'entropie du système , ou
Partant de la fonction entropie
(déterminée empiriquement) on peut déterminer la probabilité des états
statistiques individuels. On peut ainsi évaluer de combien varie le
comportement du système par rapport au comportement requis par les lois de la
thermodynamique.
EINSTEIN ET LA THÉORIE DU
MOUVEMENT BROWNIEN.
Texte
en anglais de l'article d'Einstein sur le mouvement brownien publié dans
les Annalen der Physik, le titre en était :
Sur le mouvement de particules en suspension dans un
fluide au repos impliqué par la théorie cinétique moléculaire de la
chaleur
La théorie classique ne peut pas
expliquer avec précision ce phénomène, car il provient de la nature même et de
l'énorme quantité des atomes au niveau microscopique.
Les particules placées dans le liquide
sont soumises au bombardement incessant de ces molécules, elles sont très petites
(beaucoup plus petite que le pollen par exemple) mais en très grand nombre, en
fonction de la taille des particules, les chocs donnent un mouvement résultant
dont la direction change en permanence (les fluctuations) et le déplacement
aléatoire.
Le mouvement brownien est la preuve de
l'existence des atomes.
Einstein combine deux théories qui ont
des domaines différents :
·
la pression osmotique
(mouvement aléatoire des molécules du fluide)
·
l'hydrodynamique à
l'échelle macroscopique
Contrairement à ses prédécesseurs,
Einstein n'essaie pas de se baser sur une valeur moyenne de la vitesse
d'agitation du grain, mais sur le déplacement du grain pendant un temps
considéré.
Il montre que la carré moyen de ce
déplacement est proportionnel à t (ou si l'on veut que le déplacement est en
racine carré de t).
Il montre aussi que le mouvement
brownien est un processus de diffusion des grains dans le liquide et établit la
formule qui s'appelle maintenant la formule de diffusion d'Einstein :
D =
Où D est le coefficient de diffusion, R
la constante des gaz parfaits (8,314 Joules par mole et par degré K), la
Température en °K; N le nombre d'Avogadro (6,023 1023); a le
diamètre du grain et le liquide de viscosité η . On remarquera que l'on
définira plus tard la constante de Boltzmann comme R/N = k
Cette formule permet de calculer le
nombre d'Avogadro, c'est ce que ferra Jean Perrin quelques années plus tard.
Ce sont notamment les travaux
d'Einstein qui ont permis de déterminer de 13 façons différentes ce nombre
magique.
Le nombre d'Avogadro représente
historiquement le nombre d'atomes de Carbone dans 12 grammes de Carbone-12, et
plus généralement le nombre d'éléments dans une mole (abréviation de molécule
gramme) de matière.
L'exemple d'utilisation moderne de la
compréhension des fluctuations, c'est le bruit de fond cosmologique mesuré par
le satellite WMAP, l'étude de la statistique de ces fluctuations permet
d'atteindre la compréhension de l'état originel de l'Univers.
CONCLUSION.
En résolvant le mystère du mouvement
brownien, Albert Einstein a prouvé la réalité physique des atomes et molécules,
il permet une approche de ce monde infiniment petit en accédant au calcul du
nombre d'Avogadro. Il a utilisé des méthodes probabilistes pour résoudre ces
problèmes, c'était une révolution.
POUR
ALLER PLUS LOIN :
Le mouvement
brownien par le Palais de la Découverte.
simulation
on-line du mouvement brownien.
Le mouvement
brownien, essai sur les origines de la théorie mathématique
par Jean Pierre Kahane
pdf de 33 pages (s'abstenir si on n'aime pas les
formules mathématiques!)
Le concept d'événement, le concept d'état et
la loi de Boltzmann dans la Relativité. Restreinte d'Einstein par YVES
PIERSEAUX
Pdf de 17 pages;
Notion d'entropie par nos
amis suisses.
Laboratoire de
Physique Théorique et Hautes Énergies, ou LPTHE, de Paris 6 et 7.
La science du
chaos, les principes de la thermodynamique par Th Lombry de Luxorion : très
bon résumé clair
Année de la physique
: la
matière en grains :
Page perso de Gilles Cohen-Tannoudji
:
Livres
de GCT :
Causalité
et finalité chez EDP Sciences 2003.
Max Planck
et les quanta chez Ellipses Marketing 2001
Les
constantes universelles Édition Pluriel 1998, à lire.
"Les
constantes universelles sont la constante de Newton G, la constante de
Boltzmann k, la vitesse de la lumière c et la constante de Planck h. Ces
constantes jouent un rôle fondamental dans la structuration de la physique,
dans son organisation en disciplines autonomes quand elles sont prises en
compte séparément et dans son unification quand deux, trois ou même les quatre
sont prises en compte simultanément. Au cours de son histoire, la physique a pu
introduire d'autres constantes, mais je pense que seules G, k, c et h jouent un
tel rôle. Selon moi, les constantes universelles exprimeraient des limitations
de principe de la connaissance humaine, des limites aussi inévitables,
inaliénables mais aussi déplaçables que le sont des horizons."
C'est tout pour
aujourd'hui!
Bon ciel à tous
Jean Pierre
Martin www.planetastronomy.com