mise à jour le 17 Novembre 2006

CONFÉRENCE
" DE LA POUSSIÈRE, DES ÉTOILES ET DES GALAXIES "
Par Marc SAUVAGE
Astrophysicien au CEA
Organisée par l'IAP
98 bis Av Arago, Paris 14 ème

le mardi 7 Novembre 2006 à 19H30

 

Photos : JPM.pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)

Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.  Voir les crédits des autres photos

 

BREF COMPTE RENDU

 

Marc Sauvage est astrophysicien au CEA, il a travaillé sur le satellite infra rouge ISO et se prépare à la mission Herschel.

 

Marc Sauvage (à droite sur la photo) est présenté par Daniel Kunth de l'IAP.

 

 

En fait le sujet de ce soir concerne ce qu'il y a entre les galaxies : le milieu interstellaire (interstellar medium ou ISM en anglais); la poussière interstellaire.

 

Les planètes étoiles et galaxies ne flottent pas dans le vide absolu, ils flottent dans ce milieu interstellaire.

 

LE MILIEU INTERSTELLAIRE.

 

·        C'est du gaz, essentiellement de l'Hydrogène atomique (H) ou moléculaire (H2)
Il peut être observé grâce aux transitions électroniques entre niveaux au sein des atomes ou molécules.

·        C'est aussi de la poussière : C, Si , O en fait presque du....sable.

 

Ces milieux sont présents à tous les niveaux dans l'espace : entre les planètes, entre les étoiles entre les galaxies.

 

 

LE GAZ INTERSTELLAIRE.

 

Le plus simple à observer : c'est de l'Hydrogène ionisé (ionisé = atome auquel il manque un ou des électrons, il n'est donc plus neutre, il est positif), la raie H alpha (Ha) est dans le domaine visible.

Les raies d'émission : revoir les cours de Terminales, sinon petit rappel :

 

 

 

Les atomes sont constitués de différentes couches électroniques bien déterminées (mécanique quantique) possédant des niveaux d'énergie aussi bien déterminés. Toutes les transitions ne sont pas autorisées.

 

Lorsqu'un électron passe d'un étage à un autre (change de niveau) l'atome réagit en émettant un photon DONT L'ÉNERGIE EST ÉGALE À LA DIFFÉRENCE D'ÉNERGIE DES DEUX NIVEAUX ; c'est une signature caractéristique (empreinte digitale).

 

Les plus fréquentes comme notamment celles entre le troisième et le deuxième étage d'énergie de H (on l'appelle la série de Balmer) se produisent dans le domaine visible (656 nm : du rouge vif!!!).

 

C'est pour cette raison que la plupart des nébuleuses par émission apparaissent rouges, comme NGC 2237, la nébuleuse de la rosette.

L'Hydrogène ionisé est baptisé HII par les physiciens.

 

 

Mais il existe aussi des quantités énormes d'Hydrogène atomique (non ionisé), sa signature ne se trouve plus dans le domaine visible mais dans le domaine des ondes radio, c'est la fameuse raie à 21cm qui baigne tout l'Univers.

 

Les phénomènes mis en jeu sont différents de ceux des transitions électroniques, la représentation simpliste de l'atome d'H : noyau et planètes-électrons qui tournent autour est améliorée par le fait que ces électrons (comme les planètes) tournent sur eux même, cela s'appelle leur spin. Contrairement aux planètes (je l'espère) cette rotation peut changer d'orientation  au cours du temps (au bout de qq millions d'années), ce changement induit une émission dans le domaine radio de rayonnement électromagnétique de longueur d'onde caractéristique aussi de 21 cm (1420 MHz).

 

Il n'a pu être détecté qu'avec l'avènement de la radioastronomie.

 

 

Cette émission est observable ……partout, où se trouvent des zones d'Hydrogène neutre, que les physiciens appellent HI.

 

Un bel exemple est M 83 (Pinwheel Galaxy, découvert par N Louis de la Caille!) vue dans le visible et en radio sur la photo ci contre.

 

La dernière des variétés de l'Hydrogène, c'est l'Hydrogène moléculaire : les atomes d'H s'associent deux par deux pour former une molécule H2. cet état est neutre et difficile à observer. Il peut être détecté en IR (vibration dans la molécule) et indirectement avec le rayonnement radio du CO très souvent associé à H2.

Un bel exemple de nébuleuse contenant de l'Hydrogène moléculaire est la fameuse Helix NGC 7293.

 

 

ORIGINE DU MILIEU INTERSTELLAIRE.

 

Le milieu interstellaire constitue aujourd'hui une quantité non négligeable de la masse visible de l'Univers : 10%.

Car l'Univers est …vieux.

 

Son origine vient de deux sources principalement :

 

·        Origine au niveau du Big Bang : c'est un vestige de la formation de l'Univers.

·        Une partie provient du "recyclage" de la matière par les étoiles (le cycle des étoiles). Au cours de leur existence, les étoiles rejettent une grande partie de leur masse dans le milieu interstellaire. (comme NGC 6302).

 

Le plus bel exemple de poussière interstellaire est ce que l'on observe de la Voie Lactée. (photo du Lund Observatory, Suède)

 

 

 

 

 

QUELLE EST LA NATURE DE CETTE POUSSIÈRE INTERSTELLAIRE?

 

Elle est à base de Carbone et de Silicium; qui proviennent de la fusion des étoiles. Se forment dans les atmosphères des étoiles "froides".

Les grains évoluent, il y a accumulation, dépôt de glace et plus tard destruction comme par exemple à cause d'explosion de Super Novas (SN).

 

On voit ci dessous à gauche une structure typique de grains de poussière interstellaire et à gauche une photo d'un de ces grains.

 

 

 

Cette poussière interstellaire qui se trouve entre les étoiles est de même nature que la poussière des anneaux de Saturne ou ce qui constitue les astéroïdes.

 

 

PROPRIÉTÉS DE LA POUSSIÈRE INTERSTELLAIRE.

 

 

Elle est gênante!  Elle absorbe la lumière (beaucoup plus que le gaz, qui lui nécessite des transitions énergétiques) et provoque une courbe d'extinction de la lumière des étoiles par exemple.

 

 

On le remarque parfaitement sur cette photo du nuage moléculaire de Barnard 68.

 

(Photo : ESO/VLT)

 

 

La poussière comme c'est un solide a la possibilité d'absorber les photons sur une très grande gamme de longueurs d'onde.

 

 

 

 

 

 

Elle renseigne sur la nature des objets célestes.

Comme on le voit sur ce graphique présenté par M sauvage.

 

En vert la barre du petit nuage de Magellan (SMC).

En bleu le noyau du grand nuage de Magellan (LMC).

En rouge la moyenne pour le LMC.

 

Que remarque-t-on?

Pour la LMC on voit la bosse du graphite (5µ) alors que la courbe verte du SMC ne possède pas cette signature  Le graphite (carbone) n'est pas présent dans le petit nuage de Magellan, on peut en déduire des choses sur sa formation.

Ces deux galaxies ont eu des évolutions différentes.

 

 

 

Distribution de la poussière sur la sphère céleste.

 

Elle n'est pas uniforme, elle semble plus présente dans les régions de formation stellaire comme dans NGC 604 près de M 33; région où se trouvent des étoiles jeunes.

Les étoiles jeunes (quelques millions d'années) sont concentrées dans des régions particulières assez compactes.

 

Il nous faut comprendre ce qui fait fonctionner la machine galactique.

 

 

LES RÉGIONS DE FORMATION STELLAIRE.

 

Ce sont des régions très brillantes, un bel exemple est donné par N 66 dans le grand nuage de Magellan.

 

 

Voici N 66 située dans le petit nuage de Magellan, région située à 210.000 années lumière de nous et lieu de naissance de milliers d'étoiles. Elle est large de300 années lumière.

 

 

Cette nébuleuse est aussi vue en IR par Spitzer.

 

 

Les régions de formation stellaire sont très brillantes car elles contiennent des étoiles de forte masse et la luminosité est proportionnelle au cube de la masse.

 

 

Mais la plupart de ces régions se détectent mieux dans l'Infra Rouge.

 

 

 

Dans les années 1980 on lance le premier satellite IR, IRAS (Infra Red Astronomical Satellite) qui va observer tout le ciel en IR, ses observations sont d'ailleurs toujours valables.

 

Puis dans les années 1990 le satellite européen ISO (Infrared Space Observatory) devient lui un véritable observatoire du ciel avec un champ de vision beaucoup plus réduit, avec télescope, spectromètre et polarimètre.

 

Au début des années 2000, c'est le lancement de Spitzer, télescope spatial IR qui tient la vedette du ciel dans ces longueurs d'onde.

 

Tous ces observatoires spatiaux en Infra Rouge ont changé notre vision du ciel.

 

LE CHOC DE L'INFRA ROUGE.

 

 

 

C'est ce que nous dit notre orateur, c'est le choc du ciel en IR.

 

Le ciel n'est plus vide, il est rempli de structures complexes, de nuages de poussière interstellaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comme on peut le comparer sur les photos suivantes de la région de la constellation d'Orion en visible (à gauche) et en IR (à droite).

(Photos : Spitzer/Caltech)

 

 

 

 

On peut aussi comparer le nuage de Magellan en visible et en IR grâce à Spitzer aussi.

 

 

Principe de l'émission IR de la poussière.

 

Correspond à ces différentes étapes :

·        La poussière interstellaire absorbe le rayonnement.

·        L'énergie absorbée est convertie en énergie interne similaire à un corps noir.

·        La partie UV du spectre est plus absorbée que les autres.

·        Cette énergie est redistribuée dans l'IR et l'IR lointain. (émission thermique).

 

 

Avec la poussière interstellaire, on voit toute une partie invisible au niveau des étoiles, on voit les étoiles jeunes qui sont cachées dans le visible et qui n'apparaissent que dans l'IR. Car le rayonnement de ces jeunes étoiles est absorbé par les cocons de poussières qui les entourent, mais ces poussières chauffées par ce rayonnement ré-émettent dans l'IR que l'on détecte.

Un monde nouveau se découvre à nous.

 

 

Voir la photo ISOCAM de Rho Ophiuchi dans l'IR à comparer à celle dans le visible.

 

Un autre bel exemple est la célèbre nébuleuse de la tête de cheval dans Orion. (voir agrandissement dans cet APOD)

 

 

 

LE SCÉNARIO DE LA FORMATION DES ÉTOILES.

 

 

 

 

·        Étape 1 : nuage interstellaire, certaines régions s'effondrent sous l'action de la gravité.

·        Étape 2 : il y a phénomène d'accrétion, un objet central se forme entouré d'un cocon de poussières (visible en IR).

·        Étape 3 : un disque proto-planétaire se forme, la contraction gravitationnelle se produit.

·        Étape 4 : l'étoile jeune naît, la combustion de H commence. Un étoile est née avec des planètes en formation dans un disque de débris de poussières.

 

Les étapes 1 et 2 ne sont révélées que grâce à l'IR.

 

 

ET LES GALAXIES ?

 

 

En principe les galaxies sont nées au début de l'Univers.

 

La formation classique des galaxies suppose :

 

Le gaz primordial tombe dans les puits de potentiel gravitationnels crées par les fluctuations de densité de la matière noire.

Après que le gaz se soit suffisamment condensé, les étoiles se forment.

Les premières galaxies devraient être exemptes de poussières (car elles sont la conséquence de la vie des étoiles). Elles ne devraient donc pas subir d'extinction comme on les constate pour les galaxies plus récentes possédant de la poussière.

On peut donc les rechercher aux longueurs d'onde classique d'émission. (UV, Optique ..)

 

 

DES GALAXIES PARTICULIÈRES.

 

Le satellite Infra Rouge IRAS a découvert dans notre Univers local des galaxies IR ultra lumineuses. (ULIRG en anglais : Ultra Luminous IR Galaxies). Elles sont 10 à 100 fois plus lumineuses qu'une galaxie classique alors que leur taille est plus faible.

Elles émettent en fait plus de 90% de leur énergie dans l'IR alors qu'une galaxie classique émet 70% dans le visible et l'UV et 30% dans l'IR. Elles sont donc peu lumineuses dans le visible.

Un bel exemple est Arp 220 (du nom de Mr Arp).

 

 

Les galaxies naines bleues compactes (en anglais BCD : Blue Compact Dwarf galaxies).

 

 

Ce sont des petites galaxies de 1/10 à 1/100 de la taille d'une galaxie "normale". Leur milieu interstellaire est pauvre en éléments lourds, ce qui semble indiquer qu'il y ait peu de poussières.

Elles ont eu une évolution plus lente.

 

 

 

La galaxie naine He 2-10 (classification de Henize) est très brillante dans l'IR, c'est une galaxie dans laquelle se forment des amas d'étoiles qui vont évoluer vers des amas globulaires.

 

Elle est très brillante à certaines longueurs d'onde, l'on voit ci-contre (document Cabanac Sauvage)

Le noyau de He 2-10 est imagé du bleu aux longueurs d'onde radio.

 

De haut en bas et de g à d : vue avec Hubble à 555nm; puis avec Hubble en H alpha; Hubble à 814nm; au VLT bande K; au VLT avec l'instrument NAOS bande L'; encore le VLT bande M'. puis la dernière rangée, l'observatoire Gemini  et enfin en radio, le VLA à 2cm.

 

La galaxie se découvre de plus en plus.

 

Les traits verticaux correspondent aux sources les plus puissantes.

 

 

 

 

 

 

De même dans NGC 5253 se trouve un super amas qui domine tout à parti de 3µ (Infra Rouge).

 

On voit sur ce graphe, cet amas identifié dans différentes longueurs d'onde par différents observatoires.

Le pic e luminosité se trouve dans l'IR détecté par IRAS.

 

 

Cet amas est en fait aussi lumineux que la galaxie toute entière mais pas à la même fréquence.

 

 

 

Quel est le rapport de ces deux types de galaxies avec la formation des galaxies?

 

Les premières étapes de formation des galaxies devraient être visibles car la poussière est absente.

Or :

 

On observe de la poussière dans l'émission de quasars très lointains datant du début de l'Univers.

 

On observe de la poussière dans une galaxie naine., une des moins évoluée chimiquement (SBS 0335-052 1/40Z).

 

 

Malgré ce paradoxe, il semble que la poussière soit un passage obligé pour voir la formation des galaxies. Les relevés du ciel montre un ciel plus actif en IR que dans le visible.

Ces relevés ont permis de remonter jusqu'à un age correspondant à 30% de notre age actuel; période active de la formation de galaxies et stellaire.

La poussière est donc un élément essentiel pour comprendre cette évolution et pour la mettre en évidence.

 

 

 

 

CONCLUSION .

 

 

C'est grâce à l'étude de ces grains de poussière que l'on peut créer des modèles de formation de galaxies.

 

Mais les mécanismes de formation de la poussière est encore mal connu.

 

Des paramètres fondamentaux manquent aussi dans notre connaissance de la formation des étoiles :

·        comment est déterminée la masse des étoiles

·        comment les super amas stellaires se forment

·        quand observera t on les premières formations stellaires sans poussières et de quelle époque datera t elle?

 

 

 

 

POUR ALLER PLUS LOIN.

 

Une présentation très bien faite sur le milieu interstellaire par l'Observatoire de Paris pour les IUFM. À consulter absolument.
 
Tout sur l'Hydrogène (H) par nos amis Belges.
 
La poussière interstellaire par C Levasseur Regourd au LAM en présentation pdf de 1,85MB.
 
Les 40 ans d'astrophysique au CEA (anglais) document pdf de 22 pages. (Herschel, JWST …).
 
Une galaxie, comment ça tourne, un Power Point (PPT) de M Sauvage de 7,5MB, à l'occasion des séminaires Cyclope au CEA.
 
Du même auteur, l'évolution des galaxies en PPT de 1,5MB.
 
Le milieu interstellaire (ISM) explications simples en anglais et celle ci aussi un peu plus "hard".
 
La poussière interstellaire; autre explication relativement simple en anglais.
 
Notre galaxie dans toutes les gammes de longueurs d'onde.
 
De la poussière dans les galaxies (anglais).
 
Spectroscopie sub millimétrique dans les nuages moléculaires. (anglais)
 
 
Le ciel en infra rouge sur ce site.
 
 

C'est tout pour aujourd'hui!

Bon ciel à tous

Jean Pierre Martin

http://www.planetastronomy.com/