mise à jour le 1er Mars 2006

 

CONFÉRENCE/DÉBAT,
"50 ANS D'ASTRONOMIE PAR AUDOUIN DOLLFUS"

Organisée par l'Association VÉGA

Au château de PLAISIR (Yvelines)

 

Le Vendredi 24 Février 2006 à 20H30

 

Photos : JPM pour l'ambiance, (photos disponibles en plus grande résolution pour ceux qui le souhaitent)

Photos d'archives noir et blanc : origine : collection A Dollfus

 

Textes de Bernard Lelard.

 

 

Merci encore à la Mairie de Plaisir et le service des actions scientifiques qui ont rendu cette soirée possible.

 

 

BREF COMPTE RENDU

 

L’Association d’Astronomie VEGA et les Actions Scientifiques de la Ville de Plaisir organisent chaque année des conférences en prélude à la «  Journée Astronomie de Plaisir « du mois d’avril chaque année.

 

Ce soir, plus de 170 participants enthousiastes remplissent le théâtre du château de Plaisir pour assister à une mémorable soirée intitulée «  50 d’Astronomie «  avec Audouin Dollfus interrogé par Bernard Lelard, président de l’association VEGA.

La conférence est accompagnée par la projection de vues originales.

4 associations d’astronomie sont représentées.

 

 

 

 

 

 

Bernard LELARD a conduit la soirée autour de 7 thèmes sensés résumer 60 ans d’astronomie.

 

 

D’abord, l’éveil de la vocation d’astronome d’Audouin Dollfus par la lecture d’un livre ancien dont nous reparlerons.

L’orateur parle de son premier télescope, aujourd’hui exposé au Parc aux Étoiles de Triel, construit de ses mains dans les ateliers du Musée de l’Air du Bourget, apprenant ainsi à construire lui même ses appareils de laboratoire ou d’observation. Il évoque ensuite sa première vue de Mars à la lunette de l’Observatoire de la SAF ( le 14 juillet 1941 à 21 h, image à jamais gravée dans sa mémoire ), rue Serpente à Paris fréquentant  déjà la SAF dont il deviendra Président et sera toujours assidu aux réunions de commissions.

 

 

A L’OBSERVATOIRE DU PIC DU MIDI

 

Il rencontre son Maître Bernard Lyot qui lui permet, dès 1945 à 21 ans, de partir en mission  à l’Observatoire de Haute Montagne du Pic du Midi dans les Pyrénées. L’ascension dure 7 heures dans la neige avec une caravane de ravitaillement. C’est le début d’une longue série de missions d’observations au Pic du Midi.

 

Audouin Dollfus découvre alors que les planètes sont un domaine presque inconnu. Il va donc orienter ses recherches vers l’étude du Système Solaire, laissant à d’autres les études du ciel profond – milieu interstellaire, nébuleuses, galaxies et cosmologie -.

Il observe Mars au Pic avec son collègue Henri Camichel et concentre ses recherches vers le Soleil.

Pour cela il utilise une découverte géniale de Bernard Lyot : le coronographe.

 

Ce dispositif complète une lunette ou un télescope en créant une éclipse artificielle, permettant ainsi l’observation continue de la couronne solaire sans se déplacer au bout du monde pour quelques minutes d’occultation. Le coronographe, largement utilisé dans les sonde spatiales et les satellites ( SOHO, en particulier ) fabrique des éclipses à la demande. Audouin Dollfus peut alors optimiser son temps au maximum : observant le Soleil le jour au coronographe et la nuit observant les planètes à la lunette (le crépuscule était le bienvenu ).

 

 

 

 

 

En 1955, sa thèse de doctorat en Sorbonne, «  Étude des Planètes par la polarisation de la lumière «  définit bien les domaines de recherches du jeune astronome à l’Observatoire de Paris-Meudon. La NASA remarquera et utilisera ses découvertes. Grâce au coronographe du Pic du Midi, Audouin Dollfus déterminera, avec d’autres, la température de la couronne solaire ( 2 millions de degrés ) selon les différentes longueurs d’ondes.

 

 

 

ASTRONOME ET AÉRONAUTE

 

Issu d’une famille d’aéronautes Audouin Dollfus vole en ballon très jeune avec son père. Il participe même à des compétitions, décolle de la place de La Concorde à Paris pour un vol qui le mène dans les Pyrénées, destination prémonitoire. Il passe son brevet d’aéronaute à Meulan et effectue ce jour là un vol au dessus de l’Hautil à Triel où se trouve le Parc aux Étoiles dont il sera le Président.

Spécialisé dans les ballons à gaz, il remporte plusieurs records mondiaux en durée, distance et altitude.

 

 

 

Un des problèmes du moment était la détection de la Vie sur Mars. Pour cela, il fallait détecter la présence de vapeur d’eau – l’eau supportant la vie -, ce que faisait certains ignorant qu’ils mesuraient en fait la vapeur d’eau de l’atmosphère de la Terre.

 

Dès 1954 Audouin Dollfus a donc l’idée de s’affranchir de l’atmosphère en montant en ballon le plus haut possible. Les ascensions se faisaient la nuit pour pouvoir pointer Mars, ce qui ajoutait une grande difficulté.

 

En ballon, il étudiera également la texture de la surface du Soleil en fixant un télescope sous la nacelle du ballon qu’il parachutait juste avant l’atterrissage.

 

Le 1er avril 1957, à 6.000 mètres d’altitude il réalise la première photo astronomique au télescope réalisée en dehors de la surface terrestre. Audouin Dollfus est bien le précurseur de l’astronomie spatiale. La fameuse photo de la surface solaire montre une nature granuleuse confirmant la structure interne du Soleil en mouvement de matière par convection. C’est alors qu’il projette une ascension au delà de 10.000 mètres d’altitude.

 

Conseillé par Auguste Piccard et aidé par Louis Leprince Ringuet, il conçoit une cabine étanche en aluminium climatisée, première capsule spatiale – et considérée comme telle par les Américains -, dont il câblera lui même l’électronique de bord. Il équipera la cabine d’un télescope Cassegrain de 50 cm de diamètre muni d’un spectrophotomètre polarisant au foyer.

 

Pour une telle altitude, l’enveloppe d’un ballon libre se révélant être trop volumineuse, il opte pour une grappe de ballons testée au centre d’aéronomie de Trappes, technique utilisée par Leprince Ringuet pour traquer les rayons cosmiques en haute atmosphère.

 

Le 22 avril 1959à 20 h10 à la vitesse ascensionnelle de 300 m par seconde , Audouin Dollfus décolle de la base militaire de Villacoublay suspendu à «  son grand attelage «, des grappes de 3 ballons fixées sur un câble de 400 mètres de long. Seul dans sa cabine, il peut tout à la fois piloter et effectuer ses mesures à partir d’un télescope embarqué. L’ensemble se stabilise à 14.000 mètres d’altitude à 1 h 30 du matin. La descente le conduira à Préméry dans la Nièvre et les ballons, largués par un procédé pyrotechnique automatique finiront leur course à Roanne.

 

 

 

 

 

 

Audouin Dollfus, qui souhait un vol discret, se trouva entouré d’un millier de personnes et de journalistes et devint célèbre comme étant l’homme le plus haut du monde. Il fut immédiatement invité en URSS et aux USA auprès de la NASA naissante où il rencontra Werner von Braun. Il essaya même au sol la capsule Mercury dont il trouva une faille dans la sécurité. En octobre 2005, lors du centenaire de l’Aéro Club de France et de la Fédération Internationale de l’Aviation, en commémoration du premier vol des frères Wright, 20 héros de l’aviation et de l’espace furent sélectionnés. Audouin Dollfus fut de ceux là et Jean Pierre Haigneré lui remis une médaille unique. Parmi les autres récipiendaire figuraient le cosmonaute Buzz Aldrin, deuxième homme a foulait le sol lunaire, Bertand Piccard, recordman du tour de la Terre en ballon, Steve Fosset, Valery Poliakov qui resta 14 mois dans l’espace.

 

La nacelle-capsule du fameux vol de 1959 est aujourd’hui exposée au Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget, musée qui fut crée par Charles Dollfus, père de l’aéronaute-astronome.

 

 

 

ÉTUDE DU SOLEIL

 

Nous eûmes droit à une explication très claire sur la polarimétrie, principal outil de recherches d’Audouin Dollfus qui nous appris qu’il avait trouvé et restauré à l’Observatoire de Paris le polarimètre d’Arago.

 

C’est avec cet instrument unique que le grand Arago trouva dès 1814 la nature gazeuse du Soleil. (photo de gauche de BL)

 

 

 

 

Grâce à de nouvelles observations au coronographe du Pic du Midi, Audouin Dollfus contribue aux études des grands jets coronaux et à la cartographie de la couronne solaire. En juillet 1971, une combinaison d’expériences entre la capsule Apollo 14 et un nouveau lâché de ballons permettra la connaissance de la structure des jets coronaux à grande distance. Audouin Dollfus travaille aussi à comprendre le magnétisme solaire.

 

 

 

 

SATURNE ET JANUS

 

Avant d’évoquer la découverte du satellite Janus de Saturne, Jean Pierre Martin expose les particularité du monde des anneaux et des satellites de Saturne.

Il rappellera, notamment, les travaux de Huygens puis de Cassini à l’Observatoire matérialisé à Triel au Parc aux Étoiles par la réplique de l’Astroscope de Huygens. Audouin Dollfus nous explique alors comment il découvrit en 1966 le satellite Janus en occultant par un montage optique la lumière de la planète qui se présentait par la tranche des anneaux, unique configuration permettant l’étude des satellite de Saturne 

 

 

 

 

 

 

 

LES MONDES PLANÉTAIRES

 

Comme nous l’avons dit au début: les planètes n’étaient quasiment pas étudiées dans les années 40 50. En analysant la lumière de ces astres par polarimétrie, Audouin Dollfus va mesurer leur diamètre, leur aplatissement polaire, leur densité, leur période de rotation, la cartographie de leur surface, analyser leur atmosphère, identifier leur nuages et leurs vents.

A cette époque on ne savait même pas que les cratères lunaires venaient de collisions avec des météorites, on recherchait l’existence d’un atmosphère sur la Lune. Audouin Dollfus mesure le diamètre de Mercure lors du transit du 14 novembre 1953 en se plaçant en haut de la Tour Eiffel. Il y détermine également la surface ainsi que celles des satellites de Jupiter. Il observe également les tornades furtives de poussières sur Mars.

 

La thèse d’Audouin Dollfus sur l’analyse des planètes par polarisation avait été remarquée par l’astronome américain Kuiper qui l’introduisit à l’Union Astronomique Internationale dont il devient le Président de la Commission des Planètes jusqu’en 1974, c’est à dire pendant les exploits spatiaux des missions Apollo. Apollo 11 avait d’ailleurs utilisé les travaux d’Audouin Dollfus sur la nature du sol lunaire pour imaginer les équipements des cosmonautes et les atterrisseurs du LEM. Les Américains offrirons une pierre de Lune de bonne taille aujourd’hui exposée à la Cité de l’Espace à Toulouse en reconnaissance des travaux effectués au Pic du Midi sur la cartographie lunaire et le nature poudreuse du sol de la Lune.

 

 

 

 

L’OBSERVATOIRE DE PARIS-MEUDON

 

Le laboratoire d’Audouin Dollfus est situé à Meudon dans un cadre exceptionnel. Le laboratoire «  Physique du Système Solaire «  devient vite important avec des chercheurs de 10 nationalités différentes, des ingénieurs, des techniciens, des administratifs. C’est une petite entreprise.

 

Ce laboratoire, entièrement dédié à l’observation gère aussi les clichés en provenance du Pic du Midi ( 7.000 ) ainsi que ceux (35.000) en provenance des observatoires du monde entier ( Lick, Yerkes, Lowell, Mont Wilson, du Japon, d’URSS d’alors. Il conserve les microfiches des clichés recueillis par les sondes spatiales Mariner 4, 6, 7,9 pour Mars et Mariner 10 pour Mercure. Le laboratoire conserve aussi les grosses bobines des missions Apollo de la NASA. Des chercheurs du monde entier viennent consulter ces documents.

 

 

 

 

 

Audouin Dollfus nous parle ensuite de ses nombreux élèves dont certains poursuivent l’œuvre aux quatre coins du monde comme Shiro Ebisawa à Tokyo ou Nathalie Cabrol qui mena une thèse sur l’écoulement liquide sur Mars, notamment aux abord du cratère de Gusev.

 

Travaillant aujourd’hui dans les équipes de la NASA à Pasadena, elle contribua à la localisation du rover Spirit près du cratère de Gusev.

 

Il faudrait citer aussi notre ami Gilles Dawidowicz qui anima justement les matinées d’atterrissages en direct des robots Spirit et Opportunity à Triel en liaison avec Nathalie Cabrol en Californie et le grand rassemblement à la Cité des Sciences de la Villette lors de l’exploit de la sonde Huygens sur Titan.

Après une réorganisation au sein du CNRS, le laboratoire est devenu le LESIA : Laboratoire d’Études Spatiales et d’Astrophysique.

 

Nous évoquons alors le futur lancement en octobre 2006 de la sonde télescope COROT qui va étudier la sismologie des étoiles et détecter des exo-planètes par un balayage systématique du ciel.

 

 

 

LA GRANDE LUNETTE DE MEUDON

 

Le livre d’Audouin Dollfus sur «  les yeux de la découverte «  venant de paraître la semaine dernière, Bernard LELARD évoqua la Grande Lunette de Meudon cet exceptionnel instrument du patrimoine scientifique dont la coupole fut endommagée par la tempête de décembre 1999. Audouin Dollfus décrivit alors la beauté de cette lunette en cours de restauration.

 

 

 

Bernard Lelard voulait conclure cette exceptionnelle soirée par la finalité de l’Astronomie. Audoin Dollfus rappela alors que l’astronome étudiant l’Univers qui nous entoure et cherchant à le comprendre se trouve face à la création toute entière. Il se sent localisé à un endroit précis de l’Univers, la planète Terre du Système Solaire où se trouvent d’autres planètes, parfois proches, parfois lointaines et si différentes. Le système solaire tourne avec notre galaxie qui elle même appartient à un autre ensemble lui même rattaché à un autre.

 

L’humilité du chercheur peut expliquer le «  comment «  des choses mais pas son «  pourquoi «. 

L’astronomie est un summum de connaissances, parmi d’autres, un réservoir : on y puise et on y partage des valeurs.

 

 

Merci Monsieur le Professeur.

 

 

 

 

 

La nombreuse assemblée se dirige alors Salle Béjart où Monsieur le Maire remet à Audouin Dollfus le livre de la Ville de Plaisir.

 

Déjà la table des dédicaces de livres est entourée de nombreux participants venant demander une dédicace du livre «  50 ans d’Astronomie « , dédicaces aussi de photos, de posters, d’autres livres .

 

C’est alors que Bernard Lelard, au nom de tous les membres de l’association VEGA, remet à Audouin Dollfus le livre «  Le Ciel «  d’Amédée Guillemin, en édition de 1877, relié de cuir rouge avec une splendide couverture représentant les planètes et les constellations.

 

 

 

 

C’est un choc émouvant car c’est LE livre à l’origine de la vocation d’astronome qu’Audouin Dollfus consultait dans la bibliothèque de ses grands parents quand il avait huit ans. Pour beaucoup cette trouvaille inouïe chez un bouquiniste de Versailles n’était pas un hasard

 

 

Voici maintenant quelques photos prises au cours de cette soirée mémorable.

Un CD sera disponible pour les membres de l'association qui en feront la demande.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bon ciel à tous

 

 

Mise en page de Jean Pierre Martin   www.planetastronomy.com

 

PS : nos amis des astrofiles ont aussi une page sur cette conférence en l'honneur d'Audouin Dollfus.