Mise à jour le 30
Juin 2006
CONFÉRENCE de
MICHEL HULOT
De la SAF
"L'ÈRE PLASMATIQUE (ou RADIATIVE)"
Organisée par la
SAF
Dans ses locaux,
3 rue Beethoven, Paris
Le Samedi 24 Juin 2006 à 15H00
à l'occasion de la réunion de la Commission Cosmologie.
Photos : JPM pour
l'ambiance. (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées
directement)
Les photos des
slides sont de la présentation de l'auteur.
Voir les crédits des autres photos
Comme d'habitude,
la présentation PPT complète est sur le site de la SAF quelques jours après.
Un grand merci à
Claude Picard qui a revu, et corrigé ce compte rendu.
BREF COMPTE RENDU
Bravo encore à
Claude Picard qui réussit à faire venir un samedi après midi ensoleillé et de
coupe du monde de football un quarantaine de passionnés de cosmologie (ils ne
sont pas tous sur la photo, prise une demi-heure avant le commencement).
Michel Hulot va
nous parler d'une époque peu connue de la formation de l'Univers, qui se situe
un peu après l'inflation
et va se dérouler pendant quelques centaines de milliers d'années jusqu'à
l'émergence de la première lumière: le fonds diffus cosmologique ( le CMB).
C'est l'ère
plasmatique ou l'ère radiative entre 10-2 à 1013 secondes
après le Big Bang.
La relation rayonnement
(ou énergie) /matière a subit deux phases dans la création de l'Univers, au
début l'énergie domine sur la matière, l'Univers est une soupe de particules et
de rayonnements en recombinaison permanente, puis la température baissant suite
à l'expansion, il y a (re)combinaison, les atomes se forment , la matière prend
le dessus (heureusement pour nous sinon, je ne sais pas quelle tête nous
aurions!).
En simplifiant à
l'extrême, sur ce graphique, la partie en rose correspond à ce que l'on appelle
l'ère radiative (ou ère plasmatique), elle va de quelques fractions de secondes
après le BB jusqu'à ce que l'Univers devienne transparent.
Pendant cette
période, la densité du rayonnement, (des photons), est supérieure à celle de la
matière et contrôle l'évolution de l'univers.
L'Univers est
tellement chaud qu'il est sous la forme d'un plasma.
Le plasma est un
gaz qui a été soumis à la quantité d'énergie suffisante pour dissocier les électrons
de leurs atomes
(ionisation).
Il est neutre, il
comprend des particules chargées et non chargées, on appelle taux d'ionisation
la proportion de particules chargées par rapport aux particules totales.
Le plasma est
aussi nommé « quatrième état de la matière »
Michel nous a
préparé un diagramme représentant l'évolution densité-énergie depuis le BB
jusqu'à nos jours.
Cette ère
plasmatique est représentée sur ce diagramme par la portion de droite en trait
plein en fonction du temps.
L'échelle
verticale de gauche est graduée en densité (g/cm3) de l'Univers, l'échelle de
droite est en énergie (ev).
Il y a une
correspondance entre les échelles de température et les échelles d'énergie; car
la température décrit l'état énergétique d'un corps; ce rapport c'est la constante de Boltzmann
:
k = 1,38 10-23 J/K
ou k = 8,6 10-5
ev/K ou encore : 1/k = 1,16 104 K/ev
ce qui donne plus
simplement : 1 kev = 11 millions de
K 1 Mev = 11 milliards de K 1 Gev = 1013 K
notre température
ambiante (20°C) correspond ainsi à …..26 mev (attention milli électron volts)
Juste avant le
début de la période plasmatique, c'était la période
hadronique, période de création à partir de quarks (et d'antiquarks), de baryons
(3 quarks) et de mésons (2 quarks).
Les baryons vont
donner les neutrons et protons et leurs anti particules.
L'Univers est
composé de n, p et e et de neutrinos et de leurs antiparticules formant ainsi un
plasma dont la composition va évoluer suite à des brisures de symétries qui
vont apparaître avec la baisse des températures.
La température est
encore de quelques milliards de degrés, et après les baryons, les électrons et
les antiélectrons s'annihilent et l'antimatière disparaît presque complètement.
Des photons énergétiques sont crées pendant ces annihilations, mais ils sont thermalisés (cela veut
dire qu'ils sont mis en équilibre thermodynamique avec le reste) rapidement.
Voyons un
diagramme un peu plus précis de cette époque maintenant :
La nucléosynthèse
primordiale dont nous avons souvent parlé, survient maintenant, qui va
aboutir à la création de l'Hélium.
Rappel : (tiré de
"Et la Lumière fut, un petite histoire du BB" de votre serviteur)
L’espace est maintenant rempli de p, n e,
neutrinos et photons; mais p et n se transforment l’un en l’autre
La nature n’a pas été favorable au neutron, il est
légèrement plus lourd qu’un proton
Il faut donc plus d’énergie pour créer un n à
partir d’un p que le contraire
Son sort en est jeté: il sera mis en minorité dans
l’Univers en formation
Le neutron se transforme en proton spontanément
avec une durée de vie de 10 minutes approximativement
Quand la température diminue, les n commencent à
disparaître jusqu’à un certain équilibre
Quand l’univers refroidit, vers 1 seconde le taux
de fabrication de neutrons à partir de protons chute considérablement
Le proton qui est en surnombre maintenant peut se
combiner avec un autre p pour former du Deutérium stable (hydrogène lourd)
Ces réactions sont exothermiques et permettent
ainsi toute une chaîne de réactions qui vont aboutir aux premiers éléments
fondamentaux t.q. l’Hélium
En fait il y a aussi plein de photons, 109
fois plus que de protons.
Il y a COMPÉTITION entre création et destruction
de matière, le facteur crucial va être la température, donc le temps
Plus elle baisse, moins la destruction de matière
est favorisée, plus on crée d’éléments nouveaux tel l’Hélium He
Des n sont utilisés dans cette production d’He et les
n sont aussi instables.
Les lois de la physique (Eq de Boltzmann) déterminent les quantités et au bout de 3
minutes d’age on a le rapport définitif
IL Y A 7 FOIS PLUS DE PROTONS QUE DE NEUTRONS DANS
L’UNIVERS
Ce qui veut dire ramené en masse d’Hélium:
ABONDANCE DE L’HÉLIUM : 25% (1/4 de l’Univers est
de l’Hélium) et 10% en atomes LE RESTE
= HYDROGÈNE
Le bal de la création se poursuit, on procède par
FUSION , mais les éléments 5 et 8 sont MAUDITS
Ils donnent des noyaux instables qui se
désintègrent (trop) rapidement
La machine à synthétiser les éléments s’arrête
DONC 10 À 15 MINUTES APRÈS LE BIG BANG
On a en plus de H et He (dominants) des traces de
D, He3 et Li7
Mais la température baisse rendant les fusions
ultérieures impossibles (1 Million °K)
LA NUCLÉOSYNTHÈSE PRIMORDIALE EST ÉTEINTE,
l’Univers est complètement ionisé
L’univers est figé en composition, il y a en masse
25% He et 75% H.
Il faudra attendre des milliards d’années pour
voir sa composition changer (légèrement)
Après la
nucléosynthèse primordiale qui a duré quelques minutes; les photons et les
électrons qui restent entrent en interaction:
·
Soit par
rayonnement de freinage (Bremsstrahlung)
: rayonnement créé par la passage près d'un proton par exemple d'une particule
de charge opposée (électron), un rayonnement électromagnétique (photon) est
alors émis.
·
Soit par
effet diffusion double Compton
: lorsque des photons ont une énergie suffisamment élevée, il peut interagir
avec un électron et celui ci en réaction ré-émet un (ou deux) photons d'énergie
plus faible. L'efficacité de la diffusion Compton diminue avec l'augmentation
de l'énergie des photons; (favorisée pour l'énergie entre 100 keV et 10 MeV).
La fin de l'ère
radiative se produit quand la température baissant, l'énergie de la matière
devient égale à l'énergie du rayonnement.
La (re)combinaison
intervient ensuite rapidement.
On arrive à la
surface de dernière diffusion, il est 400.000 ans approximativement après le
Big Bang, la température est de l'ordre de 3000K, niveau suffisamment bas pour
que le rayonnement se déplace sans interaction avec la matière. C'est la
dernière fois que le rayonnement est entré en interaction avec la matière et
pour cette raison on l'appelle surface de dernière diffusion. (surface of
last scattering en anglais).
On l'appelle aussi
ère du découplage (séparation) du rayonnement (decoupling en anglais) et de la
matière ou recombinaison.
L'Univers
devient transparent et on peut encore observer cette première lumière sous la
forme du rayonnement cosmologique à 2.7 K.
Les petits écarts
de température de ce rayonnement reflètent les inhomogénéités de la densité de
matière. Les zones les plus denses vont davantage attirer de matière et grossir
plus rapidement que les autres, jusqu'à ce que le "critère de Jeans"
soit atteint.
C'est une formule
qui donne la masse minimum nécessaire pour que la gravitation d'un corps puisse
vaincre sa pression interne de rayonnement.
Il s'agit de la
masse de Jeans, Mj qui est fonction de la puissance 3/2 de la pression de
rayonnement.
À cette masse de
Jeans correspond une longueur de Jeans.
Pour les
températures mises en jeu, voici les valeurs des Mj correspondantes :
La température trec
étant la température de recombinaison (vers 3000K).
t < trec : MH~ t3/2 Mj # MH » 1011Ms
t = trec : Mj # 106 Ms et Lj = 10 kpc
t > trec : MH ~ t et Mj ~ t-1 Mj « MH
A partir de là,
les nuages de matière vont s'effondrer pour former les premières étoiles et les
premières structures.
Tout ceci ne
fonctionne d'ailleurs pas trop mal à condition que l'on ajoute une bonne dose
de matière noire, de manière à ce que les modèles prédisent une évolution
compatible avec les observations disponibles de l'univers le jeune possible.
CHAMPS
MAGNÉTIQUES
Les
problèmes du modèle standard :
La théorie
actuelle du BB nous explique Michel Hulot, a quelques défauts ou du moins
certains aspects sont difficiles à expliquer, comme la création des premières structures.
Pour cette raison certaines théories font jouer un rôle
plus important aux champs magnétiques.
Dans la période
considérée, la température est telle que les atomes sont nécessairement
ionisés. Il y a donc des particules de charges différentes qui naviguent dans
le plasma, qui lui reste globalement neutre. Celui-ci est sans doute turbulent
et les déplacements rapides des diverses charges créent des champs magnétiques.
La portée des
champs magnétiques est caractérisée par la longueur de Debye, et
pendant cette ère plasmatique elle est proportionnelle au temps.
Des cellules (ou
vortex) se forment et plus le temps s'écoule plus ces cellules grandissent.
Les champs créés
sont d'une intensité énorme : jusqu'à 1016 Gauss, pour information le champ terrestre est
de 0,5G (l'unité actuelle est le Tesla; 1 T = 10.000 G)
Le champ
gravitationnel va amplifier le champ magnétique et participe à la création de
grandes structures, sans faire intervenir de la matière
noire, c'est la grande caractéristique de cette théorie.
Ces champs
pourraient accélérer la concentration de matière induite par la gravitation et
faciliter ainsi largement la formation des premières structures, sans
d'ailleurs avoir besoin de matière noire.
Cela ne veut pas
dire que le problème de la matière noire est résolu, car beaucoup d'autres
phénomènes mettent en évidence un important défaut de masse si on ne se réfère
qu'à la matière ordinaire.
En conclusion :
C'est
une approche nouvelle intéressante, qui gagnerait à être développée malgré sa
complexité théorique, qui consiste "tout simplement" à prendre en
compte les phénomènes magnétiques qui sont vraisemblablement intervenus dans
l'Univers jeune.
Dans l’Univers le
champ magnétique participe de façon majeur à :
–La formation, le
renforcement ou le maintien des structures et des objets astrophysiques.
–La production de
moyens efficaces pour convertir l’énergie gravitationnelle en énergie cinétique
et rayonnement.
–L’évolution de
l’Univers et de ses composantes.
POUR
ALLER PLUS LOIN
Michel Hulot nous
conseille les livres suivants :
"Plasma
Astrophysics" par Tajima et Shibata
de Perseuas Book
Group (1997).
"Le
rayonnement cosmologique" par M Lachièze-Rey
chez Dunod (1997)
« The
Early Universe » de G. Börner
–Springer (4e édition) 2003
•
« An Introduction to Cosmologie » de J.V. Narlikar
–Cambridge (3e édition) 2002
« Cosmological
Physics » de John A. Peacock
–Cambridge
University Press 2001
–
»Handbook of Astrophysics » de Martin V. Zombeck
–Cambridge
University Press 1990
À consulter sur
Internet :
Le Big Bang vu par nos amis
des astrofiles.
Cours de cosmologie
de la SAF (J Fric) très complet. Format pdf.
Cours
de cosmologie par le LAOG de Grenoble.
L'ère radiative
par Thierry Lombry de Luxorion.
Le CMB et l'ère
radiative par l'université de l'Oregon.
La
thermodynamique du Big Bang par la grand spécialiste d'IN2P3, Alain
Bouquet. Prése,ntation PPT de 4,6MB.
Sur le Bruit de
fond CMB toujours par Alain Bouquet, présentation PPT de 9MB.
L'évolution de
l'Univers par l'Université du New Jersey (anglais).
La physique des
plasmas vue par Wikipedia.
Cosmology,
the early universe, sur les différentes époques par l'Université Cornell.
(anglais)
Aussi très
détaillé sur les
différentes époques du BB par l'Université de l'Utah.
La
chronologie (timeline en anglais) du Big Bang par le Fermilab, avec un superbe
poster.
Sur la masse de Jeans.
document pdf en anglais.
La masse de Jeans et
la gravité, critères (anglais).
Bon ciel à tous
Jean Pierre Martin SAF Commission de Cosmologie