J Duprat micrometeorites SAF 17 fev 2010



Mise à jour le 22 Février 2010



CONFÉRENCE "DES POUSSIÈRES EXTRATERRESTRES EN ANTARCTIQUE, UNE NOUVELLE FENÊTRE SUR NOTRE SYSTÈME SOLAIRE "
Par Jean DUPRAT
Centre de Spectrométrie Nucléaire et Spectrométrie de Masse
Au FIAP, 30 rue Cabanis, 75014 Paris (métro Glacière).
Le Mercredi 17 Février 2010 à 20H30

Photos : JPM. pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)
Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur. Voir les crédits des autres photos et des animations.
(Jean Duprat a eu la gentillesse de nous donner sa présentation complète (en pdf), elle est disponible sur ma liaison ftp et s'appelle. SAF-Duprat.pdf elle est dans le dossier CONF-MENSUELLES-SAF)

Ceux qui n'ont pas les mots de passe doivent me contacter avant.

BREF COMPTE RENDU





La présentation étant disponible en ligne, le compte rendu sera donc succinct.





Le Centre de Spectrométrie Nucléaire et Spectrométrie de Masse (CSNSM) dépend du CNRS (IN2P3) et de l'Université Paris Sud (Orsay). C’est un laboratoire pluridisciplinaire présentant une forte composante de physique nucléaire fondamentale.


La formation du système solaire remonte à 4,5 milliards d'années; par l'effondrement d'un nuage de gaz et de poussières; mais quels témoins sommes nous capables de retrouver de cette époque? Sur Terre, on a perdu la mémoire de la roche originelle, notre planète s'est différenciée (formation d’un cœur, d’un manteau et d’une croûte), il y a eu la tectonique des plaques etc..




On s'intéresse à la poussière interplanétaire (micrométéorites) car on espère trouver une poussière non modifiée depuis la formation du système solaire. Contrairement aux planètes ou les astéroïdes massifs, ces poussières n’ont pas subi de différenciation et sont un témoignage unique sur les étapes les plus primitives du Système Solaire.


A propos des météorites?
Elles sont de deux ordres :
· soit des achondrites provenant de corps différenciés
· soit des chondrites (constituées de chondrules, petites sphérules de silicates et de métal, formés dans le vide spatial) provenant de corps non encore différenciés, donc plus anciens , se sont ceux-là qui sont intéressants.


Où peut-on trouver ces météorites? On les a collectées dans les déserts chauds, car comme elles sont noires elles se voient très bien sur le sable, mais de plus en plus les contrebandiers trafiquent ce genre de pierres et il devient de plus en plus difficile de se procurer de belles pièces sans passer par des circuits illégaux.
On s'est donc tourné vers un autre type de désert : les Pôles.
Actuellement, les nations les plus actives dans la collecte de météorites en Antarctique sont : les USA, le Japon et l'Italie.



L'Antarctique est intéressant car il se produit en certains endroits un phénomène d'accumulation.

Dans son déplacement vers la mer, le fluide de glace heurte la roche et un processus d'accumulation se produit au cours des milliers d'années, comme il est représenté sur cette figure.

On comprend ce phénomène sur cette figure très claire.











Mais d'où viennent les micro-météorites?

Elles proviennent de trois endroits bien spécifiques du système solaire :
· La ceinture d'astéroïdes située entre Mars et Jupiter
· La ceinture de Kuiper, site d'objets cométaires trans-neptuniens situé vers les 70UA et
· Du nuage de Oort, grand réservoir à comètes situé aux confins du système solaire.

Les poussières interplanétaires provenant des comètes sont très primitives et elles ont été conservées dans des zones les plus froides, donc dans un état proche de leur état original.



Flux des météorites et poussières à la surface de la Terre.

Si on considère la Terre entière, l'ordre de grandeur des :

· Météorites arrivant sur Terre : 3 à 8 tonnes par an
· Micrométéorites : 20 à 40.000 tonnes par an!!

L'apport le plus important est donné par la poussière!




POURQUOI L'ANTARCTIQUE?

Les premières poussières extra terrestres ont d'abord été recherchées dans les lacs saisonniers du Groenland par le pionnier Michel Maurette, puis plus récemment à partir d'avions stratosphériques ou satellites, mais leur collecte était difficile.

On s'est rapidement intéressé au Pôle Sud, où la collecte était très efficace.
Pourquoi un tel intérêt?

Si le Pôle Nord est proche des terres émergées, il est pollué par des poussières terrestres provenant de l’érosion et de l'activité humaine. .
Par contre le Pôle Sud, est lui très éloigné des terres et loin de toute pollution humaine ou du moins, si pollution humaine il y a, elle est récente et il est possible de trouver des moyens de s’en affranchir.
M. Maurette a initié dans les années 80-90, les collectes de micrométéorites dans les champs de glaces à proximité de la station Dumont d’Urville.
Depuis le début des années 2000, les collectes de micrométéorites polaires sont organisées sous la responsabilité de J. Duprat. L’ensemble des activités scientifiques sur ce continent sont rendues possible grâce à la logistique mise en place par l’Institut Polaire Paul Emile Victor (IPEV).

Les collectes récentes ont principalement lieux dans les régions centrales de l'Antarctique située à plus de 1000km des côtes.




C'est là que se trouve la station, maintenant permanente de Dome-C Concordia, que l'on peut atteindre par convoi à partir de la base navale permanente de Dumont d'Urville.


Les points caractéristiques de cette station :
· 3500m de glace sous les pieds
· 1100km à l'intérieur des terres
· pas de crevasses
· pas de faune, pas de flore
· très peu de vent
· très peu de chutes de neige (10cm par an), très sec.
· température mini : -80°C maxi : -20°C.






La collecte des poussières doit être très rigoureuse, en effet, il faut creuser pour mettre au jour des couches de neige provenant d'avant l'arrivée de l'Homme à cet endroit reculé du continent antarctique. À Dome C il suffit de prélever des couches situées à quelques mètres de profondeur.

On recueille la neige que l'on met dans un fondoir et on récupère les poussières de taille supérieures à 0.03 mm.

Voici différents types de poussières extra terrestres de la base de Concordia.

De g à d : poussière fondue à l'entrée dans l'atmosphère; poussière non fondue; les deux de droite : poussières non fondues à grain fins, les plus primitifs.




LE RETOUR DE LA MISSION STARDUST.

Nous avons longuement décrit cette mission dans ces colonnes, Stardust avait pour mission principale de recueillir dans un aerogel, des échantillons de poussières cométaires (de la comète Wild 2) et de les ramener sur Terre, ce qui fut fait. Ils ont ensuite été analysés par divers laboratoires.

On a pu récupérer quelques centaines de particules de 1 à 10 micron. C'était le premier retour d'échantillons cométaires pris in-situ.

1^er résultat : certains pensaient que les comètes étaient très différentes des astéroïdes; et bien c'est faux. La composition globale des comètes est similaire à la composition des chondrites carbonées comme celles d'Orgueil.
Le système solaire semble donc bien avoir été bien mélangé lors de sa formation.

2^ème résultat : dans la matière recueillie, il existe des phases réfractaires (qui se sont formées à haute température, donc près de la proto étoile) qui contiennent les minéraux Al et Ca (appelés CAI rich : soit Calcium Aluminum rich Inclusions) qui condensent à 1200°C. Ce sont parmi les premiers minéraux qui ont condensé dans le disque protoplanétaire.

3^ème résultat : on a trouvé beaucoup de sulfure de Fer comme dans les poussières de Concordia.


LES MICROMÉTÉORITES DE CONCORDIA.


L'analyse isotopiques des grains de Stardustainsi que celle des poussières cométaires de Concordia ont été effectué au Laboratoire de Minéralogie et Cosmochimie du Muséum National d’histoire Naturelle grâce à la technique de spectrométrie de Masse par émission ionique secondaire mise au point par G. Slodzian (CSNSM-Orsay) qui permet d’analyser des zones de l'ordre du micron.

Les grains extra terrestres de Concordia contiennent des nouveaux matériaux friables, constitués de plus de 50% de matière organique carbonée (matériaux ultra carbonés), dont on ne comprend pas bien l'origine. Ces poussières sont des grains CHON similaires à ceux détectés dans la comète de Halley.

On a étudié le rapport D/H (Deutérium/Hydrogène normal, marqueur des zones froides du système solaire ; ainsi un D/H élevé signe le fait que la matière organique analysée provient des régions froides du disque protoplanétaire, situées à quelques dizaines d’UA) et il semble que les grains cométaires soient enrichis en Deutérium.
Ceci semble indiquer que ces poussières ont été formées près de leur proto-étoile puis éjectées vers le fond du système solaire (vent-X?), ce qui conduit à certaines hypothèses quant au tout début de la formation de notre système solaire.

La proto étoile passe par une phase d'activité intense, où elle irradie la matière qui l'entoure (le disque circumstellaire) avec des particules très énergétiques. Ces particules produisent des réactions nucléaires dans celui-ci, donnant naissance à des éléments radioactifs (Al26; Ca41, etc..) que l'on retrouve dans les phases réfractaires.
.
Un sénario possible pour la formation de ces phases réfractaires est la théorie proposée par Shu et al avec l'introduction du vent-X.
Il existe aussi d’autres scénarii pour expliquer la présence de ces éléments radioactifs, en particulier l’apport de ces derniers par une étoile massive, bref une question encore ouverte.


EN CONCLUSION.

Les poussières cométaires sont "parmi" les plus vieux restes du système solaire en notre possession
Ou plutôt, il serait en fait plus juste d'écrire qu'elles sont parmi les phases minérales les plus primitives du système solaire en notre possession. En ce sens qu'elles ont été très peu modifiées depuis leur agrégation il y a 4.5 Ga...

Le film "Poussières du Pôle" nous a été projeté, il a obtenu le prix du film de chercheur en 2008.
Pour le commander, voir le site du CNRS.



POUR ALLER PLUS LOIN.

Micrométéorites : analyses isotopiques de poussières interplanétaires par J Duprat présentation pdf.

Collecte de poussières extraterrestres dans les régions centrales Antarctique, document pdf.

Les molécules organiques dans le système solaire par P Thomas, excellente présentation pdf.

L'origine des radioactivités éteintes : CR de la conférence de Marc Chaussidon (Institut 20 Fev 2007).

Le Musée National d'Histoire Naturelle, les météorites.

Les météorites de l'Antarctique par nos amis Canadiens.

De l'Antarctique au désert de l'Atacama, la quête de la matière extraterrestre par le CNRS.

Gérard Jugie : CR de la conférence sur la station Concordia en Antarctique UNESCO 15 Jan 2009

Météorites et formation du système solaire par Pierre Thomas et collègues.

Les micrométéorites : des neiges antarctiques à la formation du système solaire par Cécile Engrand du CSNSM présentation pdf.

Dating the Earliest Solids in our Solar System par le PSRD (Hawaii)

L'irradiation du système solaire primitif, article de La Recherche.

The formation of the solar system, assez complet.



Publications de Matthieu Gounelle.

The origin of chondrules and refractory inclusions in chondritic meteorites par M Gounelle, Shu et al.

The origin of short-lived radionuclides in solar system par Matthieu Gounelle.



On peut lire aussi à ce sujet :

Que sais-je: Les météorites - Puf Matthieu Gounelle

Micrometeorites and the mysteries of our origins Par Michel Maurette ed. SPRINGER




Bon ciel à tous


Jean Pierre Martin membre de la commission de cosmologie de la SAF
www.planetastronomy.com
Abonnez-vous gratuitement aux astronews du site en envoyant votre nom et e-mail.