Mise à jour le 17 Avril 2012
 
 
CONFÉRENCE MENSUELLE DE LA SAF
"L’UNIVERS : HASARD OU NÉCESSITÉ ?"
Par Suzy COLLIN-ZAHN
Astrophysicienne à l’Observatoire de Paris (LUTh)
 Au FIAP, 30 rue Cabanis, 75014 Paris (métro Glacière).
Le Mercredi 11 Avril 2012 à 20H30
 
Photos : JPM. pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)
Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.  Voir les crédits des autres photos et des animations.
Suzy Collin a eu la gentillesse de nous donner sa présentation complète, elle est disponible sur ma liaison ftp et s'appelle
Collin-SAF-2012.ppt , elle est dans le dossier CONF-MENSUELLES-SAF/ saison 2011/2012)
Ceux qui n'ont pas les mots de passe doivent me contacter avant.
 
Cette conférence a été filmée en vidéo (grâce à UNICNAM et IDF TV) et est accessible sur Internet
 
Le compte rendu sera succinct étant donné que la présentation est disponible au téléchargement.
 
La foule des grands jours pour Suzy Collin.
 
 
 
 
Suzy Collin-Zahn est chercheur (retraitée) associée à l’Observatoire de Paris Meudon, au LUTh (Laboratoire Univers Théories).
 
Elle s’est beaucoup intéressée aux quasars et trous noirs.
 
Ce soir elle nous parle d’un sujet qui touche aussi à la philosophie et qui est très débattu parmi la communauté scientifique et aussi parmi les médias (nombreux livres parus à ce sujet) :
 
Pourquoi y-a-t-il de la vie dans l’univers ? ou :
L’Univers : hasard ou nécessité ??
 
 
 
 
 
 
LES MOTIVATIONS.
 
 
Deux révolutions au XXème siècle ont modifié radicalement notre vision de la matière :
·        La relativité générale (élaborée principalement par A Einstein) qui régit l’infiniment grand
·        La mécanique quantique (élaborée principalement par M Planck) qui régit l’infiniment petit (le monde des particules)
 
 
Ces deux visions sont incompatibles entre elles, pour le moment, et ce sera le grand défi du XXIème siècle d’essayer de les réunir en une seule théorie ; il y a quelques pistes prometteuses :
·        La quantification de la gravité (gravitation à boucle ; supercordes..)
·        Compréhension de la matière et de l’énergie noires
 
 
LES FAITS.
 
Un peu de cosmologie pour commencer.
 
Voici une figure qui devrait nous aider à comprendre ce qui s’est passé depuis le Big Bang.
 
Il est intéressant de noter la correspondance entre le temps et la température de l’Univers.
 
L’Univers primordial correspond aux 3 premières minutes, qui a vu la nucléosynthèse créer les premiers éléments simples : protons, neutrons, électrons, noyaux d’Hélium.
Après ; tout s’arrête : la température est trop basse (un milliard de degrés, tout est relatif !).
 
La composition de l’Univers en Hélium restera pratiquement identique à celle de cette époque.
 
 
 
 
 
L’antimatière, présente en égale quantité avec la matière au début de l’Univers, disparaît, c’est un grand mystère, on ne sait pas encore pourquoi.
 
La température, baisse de plus en plus avec l’expansion. Arrivée à 3000K (380.000 ans après le BB approx.), les particules peuvent enfin se combiner pour donner des atomes.
Succédant à un brouillard intense, l’Univers devient transparent.
La lumière peut enfin s’échapper, on la « voit » maintenant sous forme d’un reste qui se situe dans le domaine des micro ondes : le bruit de fond cosmologique ou CMB. On découvre qu’il est incroyablement homogène.
Cela a été mesuré et étudié finement par les satellites dédiés comme COBE, WMAP et maintenant Planck.
À chaque nouveau satellite, on progresse dans les mesures du CMB, gagnant un facteur 10 en résolution à chaque fois.
 
Il faudra encore attendre un peu (c’est la période des âges sombres) avant d’avoir les premières étoiles et les premières galaxies au bout de 500 millions d’années.
 
Les mesures des fluctuations infimes du CMB, nous permettent de définir, un modèle de la composition de l’Univers, le modèle de concordance.
On définit Oméga, comme étant le rapport entre la densité de masse-énergie mesurée et une densité, appelée critique, pour laquelle l’Univers aurait une courbure nulle (univers plat).
(pour info densité critique : approx 3 atomes H/m3 !!!!)
 
Il y a différents Oméga qui mènent à la composition de l’Univers :
·        Oméga Lambda correspondant à une énergie répulsive (que l’on baptisera énergie noire) évaluée à ¾ et
·        Oméga « M » correspondant à une énergie attractive et évaluée à ¼
 
Il est à remarquer qu’étoiles et galaxies représentent 0,5% de l’Univers, soyons donc humbles.
 
 
 
 
 
 
Les dernières mesures et théories mènent à un Univers quasiment……. plat, comme cela est résumé sur cette diapo.
 
(H représente la constante de Hubble, le taux d’expansion actuel de l’Univers).
 
Q représente l’intensité relative des fluctuations du CMB, il est très faible (normal car très homogène) : 1/100.000.
 
Ce sont ces infimes fluctuations de matière qui vont être les graines des étoiles et galaxies.
 
 
 
 
 
 
Les éléments légers ont été formés dans les 3 premières minutes de l’Univers, mais pour qu’une vie soit possible, il faudra des éléments lourds (Carbone, Oxygène, Calcium, etc…)
Cela viendra bien plus tard, on aura besoin des étoiles pour cela, donc sans étoiles, pas de vie possible.
Ces éléments une fois formés, vont se disséminer dans l’espace et enrichir l’Univers, il faudra plusieurs générations d’étoiles pour arriver à des éléments complexes, support de la vie.
 
Par exemple, le Carbone, ne sera abondant que plusieurs milliards d’années après le Big Bang ; donc la vie nécessite un Univers qui dure longtemps, sinon pas d’éléments comme C.
 
Contraintes sur les constantes cosmologiques pour avoir un Univers « vivable »
 
La densité d’énergie répulsive (Lambda) doit être inférieure à la densité de matière, sinon, l’accélération de l’expansion débuterait trop tôt, les étoiles et galaxies n’auraient pas le temps de se former. En fait Oméga Lambda doit être très petit.
 
 
 
Relation entre Q (fluctuations du CMB) et Oméga Lambda.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Contraintes sur les constantes physiques pour un Univers « vivable ».
 
·        Sur les quatre forces :
Ø      Les étoiles et l’Univers doivent durer longtemps: c’est possible parce que le rapport aG = gravité/ force électromagnétique est minuscule (10-36 ).
Ø       Si la gravité était plus forte: (M proportionnel à aG-3/2) cela donnerait naissance à des petites galaxies très denses avec interactions d’étoiles, donc orbites planétaires perturbées, donc une courte durée de vie des étoiles (t prop aG-1) donc pas le temps pour une évolution de se produire …
Ø      Si la gravité était trop faible, cela donnerait naissance à des étoiles trop grosses, les réactions nucléaires ne s’allumeraient probablement pas.
Ø      Si la force nucléaire forte était plus grande (de 2%),  l’hydrogène et les éléments légers disparaîtraient rapidement, il n’y aurait pas d’éléments plus légers que le Fer. Si elle était plus petite, aucun élément plus lourd que l'hydrogène ne se formerait, donc pas de carbone etc…
Ø      Si la force électromagnétique était plus grande, les électrons repousseraient les autres atomes. Si elle était plus petite, ils ne seraient pas maintenus dans leur atome. Dans tous les cas aucune molécule.

·        Sur les constantes physiques fondamentales :
Ø      Si elles différaient d’une quantité infime de leur valeur réelle, l’Univers aurait subi une évolution complètement différente. Pour aboutir à ???
Ø      Problème de l’antimatière : le rapport matière/antimatière est de 1/109 ; si cela n’avait pas été le cas, nous ne serions que lumière, la matière n’aurait pas pu se former. Où cette antimatière, grand mystère !
 
 
LES INTERPRÉTATIONS.
 
Un ajustement fin des constantes est-il nécessaire à la viabilité de notre Univers ?
 
La carbone est synthétisé dans les étoiles (après que l'hélium se soit produit dans le cœur, celui-ci se contracte, s'échauffe et commence à produire du carbone) par la réaction suivante (réaction triple alpha) :
 
\mathrm{^8_4Be+{}^4_2He\to{}^{12}_{\ 6}C+7,367\ MeV}
 
La probabilité de fusion de Be et He est faible, car le Be a un temps de vie très court (10-15 sec), mais cette probabilité est augmentée par le fait que le Carbone possède un niveau d’énergie un peu supérieur à la somme des énergies au repos (masse = énergies, la fameuse formule d’Einstein) du Be et du He.
Cela signifie que C peut se former par la phénomène appelé Résonance.
C’est Fred Hoyle qui a trouvé cela en 1952 comme preuve du principe anthropique, en effet il aurait suffit d’une légère variations de ces niveaux d’énergies pour que le Carbone n’existe pas aussi abondamment.
De même plus tard ce Carbone s’associera à un autre He pour donner……de l’Oxygène.
 
 
LE PRINCIPE ANTHROPIQUE.
 
Mais la notion de principe anthropique n’est vraiment introduite qu’en 1973 par Brandon Carter.
 
Pourquoi l’Univers tel qu’il est paraît si impeccablement adapté à l’émergence de la vie (telle que nous la connaissons) ?
C’est le « bio-friendly universe » de Hubert Reeves.
 
Il fallait de nombreux « si » et franchir de nombreux obstacles techniques pour que la vie apparaisse comme ce qui vient d’être énoncé par Suzy Collin :
·        Un univers âgé de plusieurs milliards d’années
·        Une nucléosynthèse qui se produise
·        Une synthèse du Carbone et des éléments plus lourds à partir de noyaux d’Hélium au sein des étoiles
·        Un ajustement fin des paramètres cosmologiques : une toute petite variation de leur valeur mènerait à un Univers stérile et sans complexité
·        Etc….
 
Brandon Carter introduit deux notions de principes anthropiques :
·        Le principe anthropique faible : Les conditions que nous observons autour de nous sont nécessaires à notre existence, mais nous ne devons pas les généraliser à l’ensemble de l’Univers.
·        Le principe anthropique fort : Les paramètres fondamentaux caractéristiques de notre Univers doivent être tels qu’ils ont permis l’émergence d’observateurs à une certaine étape de son évolution .
 
 
Alors, hasard ou non?? Cela pose un vrai problème; en effet comment se fait-il que ces paramètres soient si "parfaits"?
Cela a-t-il été fait pour que la vie apparaisse, ou est-ce un incroyable hasard ou fait-on partie d'un ensemble plus vaste, un Multivers dont nous serions le composant avec "vie"  il existe des centaines de milliards de Terres dans l’Univers, serions nous les seuls avec des êtres que l’on appelle intelligents ?
 
Avons nous la chance d’habiter un Univers fertile (comme le dit Hubert  Reeves)?
 
 
 
Voici les réponses de notre conférencière :
 
·        Nous n’avons pas à nous poser ce problème. La Vie n’a pas de signification profonde. Les dés sont tombés ainsi. Opinion partagée par beaucoup de scientifiques.
·        Réponse spiritualiste: l’Univers a été fait pour aboutir à l’Homme. C’est le « Grand Dessein » (GD). Pour: de rares cosmologistes (Thuan). Contre: la plupart des autres (Rees, Hawking, Carter…). Le GD est largement accepté aux États-Unis, et a débouché sur une « explication scientifique » du créationnisme. En France cette tendance se manifeste par l’UIP.
·        Toutes les constantes pourront être expliquées par une théorie fondamentale (« Théorie du tout »). La NÉCESSITÉ gouverne donc l’Univers. Mais la théorie du tout est encore loin !
·        L’Univers est infiniment plus grand que ce que nous en voyons, il est constitué de « poches » dans lesquelles les constantes ne sont pas les mêmes, et nous vivons dans l’une de celles qui ont les bonnes constantes. C’est donc le HASARD qui le gouverne. Cette possibilité est actuellement basée sur deux théories : la gravitation quantique à boucles et les supercordes. La première prévoit des univers cycliques et la seconde des univers multiples.
 
 
En quelques mots :
·        Les supercordes : Elle tente d’unifier la gravité avec les autres forces. Elle nécessite 10 ou 11 dimensions, c’est l’univers des particules super symétriques (SUSY). Inflation éternelle, Mutlivers..Il se crée des bulles dont certaines seraient « vivables », nous serions dans l’un d’elles.
·        La gravité quantique à boucle : Essaie de créer une théorie quantique de la gravité, mais sans l’unifier avec les autres forces, elle est plus récente que la théorie des cordes et ne nécessite pas de dimensions supplémentaires. Rebond de l’Univers possible ou Univers cyclique, nous serions dans un cycle « vivable ».
 
 
Pour ces deux théories, bien entendu, pas encore de confirmation observationnelle
 
Le principe anthropique est-il scientifique ?
 
Manifestement il est simple (rasoir d’Ockham : la solution la plus simple est la meilleure)
 
Il est évolutif.
 
Est-il réfutable ? les théories qui le fondent devraient l’être.
 
Existe-t-il des observations ? Pas facile : problème des horizons. On ne peut même pas observer notre propre Univers à cause de l’expansion, alors les autres Univers…. Un objet à 13 Gal se trouve maintenant à 30 Gal. Dans une dizaine de Milliards d'années, on n’observera que…. Notre Galaxie, à cause de l’expansion. Le ciel sera bien triste !
 
D’après les nouvelles récentes ; on pourrait observer des rebonds d’anciens univers dans le CMB.
 
 
Les ondes gravitationnelles (non détectées encore) pourraient nous aider.
 
On attend beaucoup des dernières données de Planck.
 
 
 
 
 

 

 
CONCLUSION.
 
Intervention des trous noirs, les conditions à l’intérieur d’un TN sont semblables à celles de l’Univers au moment du BB.
 
 
Il faut continuer à chercher......
 
 
POUR ALLER PLUS LOIN.
 
 
Foundations of Modern Cosmology cours de l’Université de Virginie.
 
Un Nouvel Univers par F. Combes, Bulletin SFP- Mai 2004
 
Le CMB de Gamov à Planck
 
L’univers observable par astronoo..
 
When is a prediction anthropic? Fred Hoyle and the 7.65 MeV carbon resonance
 
Le principe anthropique, ou la place de l'homme dans l'univers par P. North, Institut d'astronomie de l'université de Lausanne
 
Entre le chaos primordial et l'émergence des êtres vivants: le problème du principe anthropique par S Giguere Uni. Laval (Canada)
 
La place de l’homme dans l’univers par TXT.
 
Révision simple sur le Big Bang par votre serviteur.
 
Cosmologie ou théologie? Par Alain Bouquet.
 
Trinh Xuan Thuan (TXT) parie sur un dessein intelligent dans l'univers.
 
7 Nombres qui font l’Univers : CR de la conférence Vega de B Lelard du 17 Mars 2012.
 
 
 
Consulter aussi le numéro spécial de La Recherche daté Avril 2012 : Dieu et la Science.
 
 
 
 
 
 
Bon ciel à tous
 
 
Jean Pierre Martin   Président de la commission de cosmologie de la SAF
www.planetastronomy.com
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