Mise à jour 19 Janvier 2016   - ajout vidéo

CONFÉRENCE MENSUELLE DE LA SAF
 «MIRAGES ET LENTILLES, LA GRAVITATION EN ACTION»

Par David VALLS-GABAUD
Dir de recherches CNRS, LERMA Obs de Paris Astrophysicien,
Institute Of Astronomy Cambridge

À l’AgroParisTech 16 rue C Bernard Paris 5.

Le Mercredi 13 Janvier 2016 à 19H00  Amphi Tisserand

 

Photos : JPM pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)

Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.  Voir les crédits des autres photos et des animations.

Le conférencier a eu la gentillesse de nous donner sa présentation, elle est disponible sur ma liaison ftp et s'appelle :

Valls-Gab-lentilles_SAF-jan16.pdf, elle est dans le dossier CONF-MENSUELLES-SAF/ saison 2014-2015. .

Ceux qui n'ont pas les mots de passe doivent me contacter avant.

 

Cette conférence a été filmée en vidéo (grâce à UNICNAM et IDF TV) et est accessible sur Internet

On la trouve à cette adresse  

https://youtu.be/zH-jvF9QEE8?list=PL1ZHG2CIuv2c-5-nLPkpUHEMZ4PwUkNGI

 

 

 

 

 

David Valls Gabaud est vice président de la société astronomique de France.

 

Il est actuellement en poste au prestigieux Institute of Astronomy de Cambridge (que nous avions visité lors d’un des derniers voyages de la SAF).

 

Il a effectué des missions à l’ESO au Chili et à Hawaï au CFHT.

 

Il donne aussi de nombreux cours et conférences publics.

 

 

 

 

 

 

 

LES EFFETS LENTILLES ET MIRAGES GRAVITATIONNELS.

 

 

Le sujet de ce soir : un des effets les plus bizarres de la relativité générale d’Einstein, les mirages et lentilles gravitationnelles provoqués par la distorsion de l’espace-temps.

David va surtout s’attacher à l’aspect historique de cette aventure.

 

Si pour Newton la gravitation est une force, la grande idée d’Einstein a été de considérer la gravitation comme l’effet de la courbure de l’espace-temps.

 

En effet, la Relativité d’Albert Einstein implique que toute masse courbe l’espace, et plus la masse est forte, plus la courbure est grande. Les rayons lumineux passant à proximité d’une telle masse sont déviés ; c’est ce principe qui permit en 1919 de prouver sa théorie lors d’une éclipse.

Dans ce cas, en 1919, la masse mise en jeu (le Soleil) était relativement petite, les déviations étaient faibles.

 

 

 

Mais que se passerait-il si un amas de galaxies proche remplaçait le Soleil et qu’un objet très lointain, une autre galaxie beaucoup plus lointaine par exemple, soit dans la ligne de visée ?

 

La masse interposée entre l'observateur et cette galaxie invisible induit un effet de loupe et fait apparaître ainsi des images (déformées) de cette galaxie mais dont la luminosité est amplifiée, et est rendue ainsi visible.

C’est similaire à l’effet de mirage sur terre lorsque par exemple, lors d’un coucher ou d’un lever de soleil, la variation de densité de l’air déforme son image.

 

L’effet décrit par Einstein est un effet de lentilles gravitationnelles (gravitational lens en anglais), cette expression apparait pour la première fois en 1919 dans des écrits de Sir Oliver Lodge.

 

 

Cet effet est dû à une lentille de forme bizarre qui n’a pas de foyer, comme on le voit sur le dessin ci-contre.

 

Les images d’un objet situé derrière la « lentille » vont dépendre de la taille de cette lentille et de sa répartition spatiale de masse, cela peut donner une ou plusieurs images de l’objet lointain et dans certains cas, même, un anneau appelé anneau d’Einstein.

 

On y voit comme sur les différents clichés diffusés dans les revues, les différents aspects que peut prendre une galaxie lointaine qui passe derrière une masse importante servant d'amplificateur de lumière. Suivant que l'on est dans l'axe ou décentré on peut voir plusieurs images de l'objet. (Ex:Abell 2218)

 

 

 

 

 

 

Voici un autre exemple de la déformation d’un champ de galaxies par effet de lentilles gravitationnelles.

 

Il y a

·         changement de position des galaxies

·         images démultipliées

·         déformation des la forme des galaxies objets.

 

 

Le ciel observé n’a donc rien à voir avec le ciel réel !

 

 

 

 

 

 

 

Le premier cas d’effet de mirages a été détecté en 1979, lorsque l’on découvrit un quasar double (quasar = région compacte entourant un trou noir supermassif au centre d'une galaxie massive) baptisé QSO 0957-63.

 

Ils étaient très proches l’un de l’autre et on s’est aperçu en mesurant les spectres de ces deux objets, que ces spectres étaient absolument identiques. (Voir à gauche)

 

Or la probabilité pour qu’il en fut ainsi est pour ainsi dire nulle. C’est en fait la même image d’un objet unique.

 

C’est le premier effet lentille détecté dans l’Univers.

 

 

 

 

Cet effet peut se manifester de différentes façons suivant les tailles, formes, distances des objets sources et de la forme de la lentille.

Comme on peut le voir sur la photo ci-contre.

Notamment le célèbre anneau  d’Einstein plus ou moins complet suivant les configurations.

 

Dans certains cas, peut aussi se produire la croix d’Einstein, où dans ce cas on voit 4 images du lointain quasar (8Gal) déformé par une galaxie de premier plan proche  (400Mal).

 

 

 

 

Les amas de galaxies agissent comme des télescopes gravitationnels.

 

Donc, même les premiers photons, ceux du CMB, du bruit de fond cosmologique sont aussi affectés par cette déformation de l’espace-temps.

 

Dessin : crédit Caltech.

 

Billion = milliard en français

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’univers pourrait être une immense lentille gravitationnelle !!!

 

 

Suivant sa forme (plat, courbe positif, courbe négatif, tortueux comme un dodécaèdre de Poincaré etc..), les images dans le ciel auraient des origines différentes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LES MICRO LENTILLES GRAVITATIONNELLES.

 

Si l’effet de lentille gravitationnelle permet de détecter des objets très lumineux, l’effet micro lentille (micro lensing en anglais) permet d’étudier des objets beaucoup moins brillants. Idéal pour des objets de notre Galaxie par exemple.

 

 

Dans cet effet, la masse de la « lentille » est faible ou très faible (étoile, planète au lieu de galaxies, amas de galaxies).

 

Les étoiles tournent autour du centre galactique dans notre Voie Lactée, et il peut arriver qu’une étoile ou une planète dans un système extra solaire, passe devant une étoile lointaine, dans ce cas, il se produit une augmentation de luminosité lorsque la
« lentille » passe devant la source.

 

De plus si la lentille possède une planète, un deuxième pic de luminosité se produit indiquant sa présence.

 

 

 

 

Afficher l'image d'origineOGLE = Optical Gravitational Lensing Experiment

Exemple de courbe de lumière lors d'un événement de microlentille gravitationnelle (OGLE-2005-BLG-006)

Détection par six télescopes différents (OGLE, Robonet, Canopus, Danish, Perth, Moa)

 

Les relevés OGLE, semblent indiquer que l’étoile lentille (probablement une naine rouge de 0.2 Ms) est orbitée par une planète d’approx 5 masses terrestres située à 3UA et 10 ans de période dont on voit les détails dans le coin supérieur droit.

Axe horizontal : en jours.   Courbe : © ESO.

 

 

 

 

C’est une méthode importante de détection d’exoplanètes.

 

 

 

HISTORIQUE DES LENTILLES GRAVITATIONNELLES.

 

 

Il semble que Newton avait pensé à cet effet, mais son contexte n’était pas le bon, donc il n’est pas à l’origine de cette idée.

 

Par contre Jean Paul Marat (oui, celui de la fameuse baignoire et de son assassinat) était médecin et scientifique et il a réfléchit à ce problème d’optique. On remarquera que ce sera aussi le traducteur français du traité d’optique de Newton.

 

Il avait des bonnes relations avec un autre scientifique de l’époque : Benjamin Franklin, par contre il ne s’entendait pas avec son collègue Lavoisier.

 

Il travaille beaucoup sur la lumière et publie des ouvrages scientifiques.

 

Il se fâche avec ses collègues de l’académie des sciences et est obligé d’arrêter ses expériences scientifiques.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le premier calcul correct de la déviation de la lumière par une masse est dû à Henry Cavendish qui après un calcul élaboré (en physique newtonienne bien sûr) trouve la bonne formule de la déflexion solaire au limbe (0,83’’) :    δ = 2GM/Rc2

 

C’est dans un de ses manuscrits (1783) que l’on trouve cette courbure de la lumière par la gravité.

 

Einstein se rend bien compte dès 1912 que la lumière doit être déviée par la gravité, on le lit dans ses cahiers (ici, ses notes pendant un voyage en train de Prague à Berlin) que l’on trouve aux archives Einstein.

Et lorsqu’il publie sa théorie de la Relativité Générale en 1915, il calcule la déflexion près du limbe du Soleil, il trouve le double de Cavendish, car l’effet relativiste est maintenant pris en considération : 1,75’’ d’arc correspondant à : δ = 4GM/Rc2

Ce sera vérifié par l’éclipse de Sobral (Eddington) de 1919, Albert Einstein devient immédiatement célèbre.

 

 

Le vrai pionnier : Frantisek LINK.

 

Il avait étudié Eddington et il réalise que la déflexion lumineuse d’Einstein, devrait produire des images de différentes sortes, mais surtout que cet effet était amplificateur de lumière des objets situés derrière la lentille.

Il présente ses idées à Paris, l’Académie des Sciences, introduit par Charles Fabry le 16 Mars 1936, le titre : « sur les conséquences photométriques de la déviation d’Einstein ».

Malheureusement cette communication ne sera jamais citée en référence dans la littérature scientifique, car en français !

 

Voici quelques uns des schémas qui seront publiés un peu plus tard, aussi en français :

 

 

 

Il était très optimiste sur les possibilités de ce phénomène, contrairement à Einstein (voir plus loin).

Sa conclusion : « La réalité des phénomènes dont nous avons donné un aperçu dépend de la validité de la déviation d’Einstein. Il serait lors très intéressant de chercher systématiquement dans tous les domaines de l’astronomie stellaire des cas favorables à la production de ces effets, non seulement pour la vérification supplémentaire de la théorie, mais aussi pour l’explication de certaines variations d’éclat »

 

Cela date de quelques mois avant les notes d’Einstein à ce sujet que l’on peut voir sur la copie ci-contre.

 

C’est en fait une visite de Robert Mandl à Einstein qui a déclenché ce nouvel intérêt d’Einstein pour cet effet.

 

D’ailleurs, il ne semble pas très emballé par ses résultats et ne croit pas qu’il y ait une forte chance d’observer de tels phénomènes en astronomie !!

 

Il ne tient même pas à publier à ce sujet, et c’est seulement sur insistance de Mandl, qu’il publie cette courte conclusion.

 

 

 

 

 

Contrairement à Einstein, cette publication va attirer l’intérêt de quelques astronomes comme F Zwicky (à qui on attribuera d’avoir imaginé cet effet, alors qu’il n’y était pour rien) et Russel (celui du diagramme HR).

 

Il semble bien qu’un peu plus tard, en 1981, Maria Petrou, une étudiante de Cambridge d’origine grecque ait voulu proposer comme sujet de thèse l’effet des lentilles gravitationnelles, et qu’elle ait été censuré par son directeur de thèse qui refusa de publier ses résultats (sur le halo de matière noire dans les nuages de Magellan) où elle indiquait notamment les principaux effets d’amplification lumineuse. Le Directeur s’est excusé bien plus tard, lui rendant ainsi justice.

 

 

 

 

 

CONCLUSIONS DE CETTE PARTIE HISTORIQUE.

 

·         Newton ne fut pas le précurseur de l’explication ce phénomène

·         Certains ont publié des faux calculs comme Soldner

·         Le calcul correct de la déviation (newtonienne) est publié par Cavendish

·         C’est Link qui fut vraiment le pionnier de l’explication de cet effet, il n’a pas été reconnu de son temps

·         Un mystère : pourquoi Einstein était-il si pessimiste au sujet de cet effet ?

·         Tout le monde à oublié Maria Petrou et sa thèse !

 

 

 

 

LES À-CÔTÉS DE LA CONFÉRENCE.

 

 

C’est Danielle qui vous accueille toujours à l’entrée de la salle et qui vérifie que vous êtes bien inscrit par rapport à la liste, sinon, gare à vous…..

 

 

Merci à elle pour son décvouement !

 

 

 

 

 

 

 

 

Cette fois ci, nous avons eu la chance d’avoir dans la salle un des correspondants de la SAF pour l’Espagne, en effet, la SAF possède 24 correspondants principalement en Europe et en Afrique du Nord.

 

Notre ami ce soir s’appelle Satur Garcia-Marin, il a participé de nombreuses fois aux RTAA (Rencontres Transfrontalières d’astronomes) qui se tiennent alternativement en France et en Espagne.

 

Bienvenue à lui pour ce court séjour à Paris.

 

 

On voit ici Satur au centre, entouré par MH Ducroquet à gauche de l’image et JC Gavet membre aussi de la SAPCB qui de sont chargés de la visite à Paris de notre ami.

 

 

 

 

 

 

 

POUR ALLER PLUS LOIN :

 

 

Les lentilles gravitationnelles par Stéphane Paltani Département d’astronomie, Université de Genève

 

Lentilles gravitationnelles Dossier Pédagogique par Réjouisciences Université de Liège

 

The conceptual origins of gravitational lensing par D Valls-Gabaud

 

Special Lectures on Experimental Gravity Gravitational Lensing par Paul Lasky Uni de Tübingen.

 

Gravitational Lensing, the early theory par D Valls-Gabaud en anglais.

 

Un trou noir passant devant une galaxie, avec effet de lentille.

 

 

 

 

 

 

Prochaine conférence mensuelle de la SAF : Mercredi 10 Février 2016   19H00   AgroParistech   Amphi Tisserand

Nous avons le plaisir de recevoir :

Éric Gourgoulhon   Dr de recherches CNRS   LUTh Observatoire de Paris   Astrophysicien.

 

Un nouveau regard sur les trous noirs :  

Introduction aux TN et développements observationnels récents.

 

 

Entrée libre mais réservation obligatoire. À partir du 14 Janvier 2016, attention salle pratiquement pleine !!..

 

 

 

Bon ciel à tous

 

 

Jean Pierre Martin   Président de la commission de cosmologie de la SAF

www.planetastronomy.com

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