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Mise à jour le 7 Mai 2018

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CONFÉRENCE
« PLUTON RÉVÉLÉE PAR LA MISSION NEW HORIZONS
ET LA SIMULATION NUMÉRIQUE »

Par François Forget Planétologue LMD

Institut Pierre Simon de Laplace (IPSL)

Organisée par l'IAP 98 bis Bd Arago, Paris 14ème

Le Mercredi 2 Mai 2018 à 19H30

Exceptionnellement à l’Amphi Farabeuf.

 

Photos : JPM pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)

Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.  Voir les crédits des autres photos

Vidéos des conférences proposées par l’IAP sur Canal U

 

BREF COMPTE RENDU

 

François Forget est bien connu de nos lecteurs, il est chargé de recherche du CNRS attaché à l'Institut Pierre Simon Laplace travaillant en coopération avec diverses Universités parisiennes.

Il est responsable du LMD : laboratoire de météorologie dynamique.

 

Il a travaillé dans le passé aussi au CNES et au centre Ames de la NASA.

Il est spécialisé dans les modèles climatiques planétaires.

 

Il nous fait le point ce soir sur la mission New Horizons qui a découvert Pluton sous un jour nouveau.

 

Je m’inspire de CR précédents sur le même thème par moment.

 

 

 

 

 

 

 

LA GENÈSE DE LA MISSION NEW HORIZONS.

 

 

http://www.planetastronomy.com/special/2015-special/19nov/clip_image007.jpg

L’homme à la base de cette mission, c’est Alan STERN du SwRI (Southwest Research Institute) qui a toujours été motivé par l’étude de ce qui était la dernière planète non explorée à l’époque.

 

En effet quand on revoit la série de timbres publiée en 1991 par les postes US après les dernières missions Voyager, il a été choqué par le texte pour Pluton : pas encore exploré !

 

Cela lui a donné l’idée de bâtir une mission pour explorer la dernière planète, la mission New Horizons. Il va devenir le responsable principal (PI) de cette mission extraordinaire.

 

 

 

 

 

On verra qu’il faudra un lanceur ultra puissant (Atlas) pour lancer rapidement la sonde, en fait elle va atteindre Jupiter en seulement 13 mois, Galileo avait nécessité 6 ans ! Pourquoi si vite ? On veut arriver avant l’hiver sur Pluton !

 

Mais, avant de parler plus en détails de la mission, parlons de Pluton.

 

 

 

PLUTON, LA DERNIÈRE (PRESQUE) PLANÈTE.

 

 

LA DÉCOUVERTE DE PLUTON.

Après Le Verrier et la découverte de Neptune, on pensait avoir atteint la limite du système solaire.

Erreur, c’est Clyde Tombaugh, un agriculteur passionné par les étoiles qui va encore augmenter la taille du système solaire.

Il est embauché à l’Observatoire Lowell (Flagstaff Arizona) pour effectuer un travail ingrat: visionner au comparateur les plaques photo qu'il a faites les nuits précédentes, et devant permettre la découverte d’une éventuelle  planète X  que tout le monde cherche.

C'est la chance qui sourit aux nouveaux, un an après il découvre un soir de fin Février 1930, un petit point qui s'est déplacé sur des plaques de Janvier : ce sera Pluton

Son diamètre est évalué à 2400km densité évaluée à 2 approx

Orbite très excentrique, incliné sur l’écliptique (122°)     29UA à 49UA    247,7 ans

 

Mais en fait Pluton est un système double, en effet, on découvre en 1978 (J Christy et R Harrington) un satellite de taille importante orbitant Pluton, c’est Charon (le passeur des enfers!) 1200 km de diamètre

Hubble découvre d’autres (petits) satellites, on en est à 5 !

 

Pluton est difficile à observer, 50.000 fois moins lumineux que Mars !

 

Mais on peut quand même à l’aide de la spectroscopie étudier sa surface depuis la Terre.

 

http://www.planetastronomy.com/special/2015-special/19nov/clip_image008.jpgEt que découvre-t-on ?

Pluton est couvert de glace de N, CH4 et CO.

La température de surface est de l’ordre de -235°C.

 

Une très (très) faible atmosphère d’azote existe : 1 Pa (la pression terrestre est de l’ordre de 1000 hPa (105 Pa)

 

On voit sur ces graphiques notamment les spectres des différents composants.

 

Bernard Schmitt de l’IPAG est un de nos grands spécialistes dans ce domaine.

 

 

 

 

 

 

 

 

De même on peut procéder à une occultation stellaire, qui permet ainsi de scruter l’éventuelle atmosphère de Pluton.

 

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C’est ce qui s’est produit le 18 Juillet 2012 au VLT.

Là aussi nous avons un grand spécialiste français : Bruno Sicardy du LESIA.

Voici les résultats de cette occultation, ils mettent en évidence la présence d’une légère atmosphère sur Pluton.

 

  

Néanmoins toutes ces occultations permettent d’appréhender la faible atmosphère plutonienne.

On mesure par occultation radio les températures atmosphériques.

 

 

 

L’atmosphère est « beaucoup » plus chaude (-170°C) que le sol, plus chaude de 40K.

 

 

Le sol étant à approx. -220°C (~50K)

 

C’est sans équivalent dans le système solaire !

 

Il y a aussi une évolution saisonnière de l’atmosphère. Comme Pluton s’éloigne de plus en plus du Soleil (va vers l’hiver), son atmosphère se sublime progressivement

 

 

 

 

 

Finalement ce que l’on peut dire sur Pluton, est qu’elle possède un cycle saisonnier très marqué, et c’est une raison pour laquelle on souhaite l’étudier avant son entrée en période hivernale prolongée (plus de 50 ans !).

 

L’atmosphère très fine est dominée par la présence de Méthane.

La surface de Pluton est couverte de glaces de N, Co et CH4 et probablement de produits organiques (les tholins).

 

 

 

 

LA MISSION NEW HORIZONS.

 

 

http://www.planetastronomy.com/special/2015-special/19nov/clip_image016.jpgLa sonde de la NASA, New Horizons est lancée en Janvier 2006 à l'aide d'une puissante fusée Atlas-Centaur V 551, dont la coiffe est essentiellement vide !.

 

Elle a pour but d’étudier ce que l’on croyait à l’époque être la dernière planète du système solaire. (Générateur nucléaire à bord pour l’énergie)

Une fusée si puissante est nécessaire car on veut arriver vite à Pluton, avant le début de l’hiver.

 

Le chemin étant long vers Pluton, un petit coup de main de Jupiter est nécessaire en Février-Mars 2007, une assistance gravitationnelle la pousse vers les confins de notre système solaire.

 

Arrivée dans la région de Pluton été 2015 et visite de certains KBO de 2016 à 2020. La date visée est le 14 Juillet 2015

 

 

 

 

 

 

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La trajectoire vers Pluton est rapide comme déjà dit.

 

Le passage près de Jupiter pour assistance gravitationnelle permet d’essayer les caméras et l’on assiste à une éruption sur IO.

 

 

L’imageur LORRI a en juillet de cette année 2014, détecté Pluton et Charon.

 

On le voit sur cette animation gif.

 

 

 

 

Une vidéo animation de la trajectoire :

vidéo :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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On devrait passer ENTRE les orbites de Pluton et Charon le 14 Juillet 2015.

 

 

Un problème : le 4 juillet quelques jours avant la rencontre, panne de la sonde !

Le calculateur de bord a « rebooté » sur une confusion d’ordres reçus de la Terre. Heureusement au bout de quelques jours on arrive à réparer et à envoyer les bons signaux de commande. Ouf !

 

http://www.planetastronomy.com/special/2015-special/19nov/clip_image020.jpg

Une autre représentation de la rencontre se trouve ci-contre.

On arrive très incliné par rapport au plan des satellites de Pluton.

La vitesse relative de la sonde : 14km/s ! (1 million de km par jour !) 

On passe théoriquement à :

·         10.000km de Pluton et à 27.000km de Charon !

On veut absolument passer dans les zones d’occultation avec la Terre des deux corps principaux ;

Il y a plusieurs phases d’opération avant la rencontre.

 

La phase d’approche (AP 1 à 3) de Janvier 2015 au 13 Juillet 2015

La phase de rencontre (NEP) du 13 au 15 juillet 2015 et

La phase de départ (DP 1 à 3) à partir du 15 Juillet 2015 jusqu’à Janvier 2016.

 

En quelques minutes il faut recueillir le maximum de données.

 

Images merveilleuses connues de tous maintenant, juste quelques remarques.

 

 

 

La plus belle et plus précise image de Pluton en « vraie » couleur.

 

 

Les montagnes sont de glace d’eau (-235°C)

 

 

Elles flotteraient sur des immenses dépôts plus denses de glace d’azote.

 

 

 

 

 

 

 

 

Détail de Sputnik Planitia.

Les craquelures (structures polygonales comme dans les zones glacées terrestres) proviennent d’un processus de convection qui remplace la  vieille surface par du matériau  nouveau.

À l’aide de différents modèles, l’équipe de New Horizons a pu déterminer l’épaisseur de cette couche de glace d’azote solide située dans la partie du « cœur » de la planète et formant des cellules du type polygonales, et à quelle vitesse ce remplacement se produit. Cette couche est aussi très jeune, moins de un million d’années.

Le réservoir de cette glace d’azote se situerait à plusieurs km sous la surface, le peu de chaleur du centre de Pluton favorisant un réchauffement de la glace qui a tendance à remonter en surface avant de refroidir et de replonger dans les entrailles. Un peu comme ces lampes à lave des années 1960.

 

 

 

 

Ces icebergs de glace d’eau « flottent » sur la glace d’azote plus légère.

 

 

L’atmosphère de Pluton.

 

On s’y attendait, New Horizons confirme la présence d’une faible atmosphère, dont on peut voir les différentes couches (voir cet astronews)

 

Les nouvelles images prises à contre-jour de l’atmosphère de Pluton semblent indiquer que celle-ci posséderait plus de couches que ne l’envisageaient les scientifiques.

On le voit parfaitement sur ces deux photos dont celle de droite a subi un traitement afin de faire apparaitre ces couches.

 

Cette atmosphère provoquerait aussi une sorte de crépuscule (twilight en anglais) qui illuminerait les terrains situés dans la partie nuit et que l’on voit bien sur ces deux photos du terminateur.

 

 

On modélise l’atmosphère de Pluton au LMD de F Forget, notamment avec Mélanie Vangvitchith, thésarde.

 

Le LMD (Laboratoire de Météorologie Dynamique) élabore des modèles d’atmosphères, le GCM (Global Climate Model).

 

Ce modèle fonctionne pour de nombreux corps comme Vénus, la Terre, Mars, Titan, Triton, et Pluton.

 

 

Ils sont très fiers, car les mesures ont confirmé les résultats de leur modèle.

 

 

 

 

 

 

La procédure d’occultation a confirmé l’étendue de cette atmosphère loin dans l’espace.

 

On voit ici, les points d’entrée et de sortie de l’occultation et les courbes de températures correspondantes en fonction de l’altitude, en rouge l’entrée, en bleu la sortie.

 

On remarque que les points de départ en température des deux courbes ne sont pas les mêmes, car le point d’entrée était situé dans Sputnik Planum.

 

 

 

 

 

 

Et Charon et les autres satellites ?

 

Charon, dont le diamètre (1214km) vaut approximativement la moitié de Pluton, est dans le système solaire, le plus gros satellite en proportion par rapport à sa planète ; la deuxième place revenant au couple Terre-Lune.

 

On ne pouvait pas imaginer de tels paysages mis au jour par la sonde : montagnes, canyons, glissements de terrains, variations de couleurs etc..

 

Photo : image HR de Charon juste avant l’approche finale du 14 Juillet 2015 (et transmise à la Terre le 21 Sept).

C’est une combinaison des images prises par le spectromètre Ralph/MVIC dans le bleu, le rouge et l’IR.

Cette image nous révèle des détails intéressants comme :

Une ceinture de fractures et de canyons un peu au-dessus de l’équateur, sa longueur : au moins la moitié de la planète, puisque l’on ne voit pas l’autre hémisphère ! Plus long et plus profond que le Grand Canyon.

Ces failles et canyons sont le signe d’une histoire géologique tourmentée de ces objets, dus au refroidissement de la planète.

On dirait que la croûte a été ouverte, ressemblant ainsi à Valles Marineris sur Mars.

 

Les variations de couleurs de Charon ne sont pas aussi importantes que pour Pluton, mais le rouge du Pôle Nord est très caractéristique de dépôts organiques. Plus petit détail : 3km.

 

Un détail en HR de cette vue.

 

L’occultation de Charon a montré qu’il ne possédait pas d’atmosphère notable.

 

 

 

ET LA SUITE ?

 

Ce serait dommage que cette sonde équipée de puissants instruments et qui a couté plus de 700 millions $, ne serve plus à rien.

Il vint donc une idée à la NASA, il y a quelque temps, de trouver d’autres cibles, si possible, grosses, à visiter.

Or, nous sommes situés dans un espace appelé ceinture de Kuiper, énorme réservoir de corps rocheux éparpillés dans l’immensité ;

Il fallait se mettre en chasse de cibles potentielles.

Ces objets s’appellent « objets de la ceinture de Kuiper » ou simplement KBO.

Mais, l’espace est….vide.

 

 

Néanmoins Hubble a trouvé une cible : à savoir le KBO 2014 MU69 situé à 6,4 milliards de km de la Terre. C’est un objet peut être double de 50km de dimension. Il a été baptisé « Ultima Thulé »

 

Elle devrait l’atteindre le 1er Janvier 2019 ; quel beau cadeau de Nouvel An.

 

 

Credit: NASA/Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory/Southwest Research Institute

 

 

 

 

 

 

POUR ALLER PLUS LOIN :

 

Le site de New Horizons au JHUAPL.

 

Toute l’actualité sur la mission sur votre site préféré.

 

Pluto's small moons Styx, Nix, Kerberos, and Hydra, blog d’Emily de la Planetary Society.

 

L'expansion de l'atmosphère de Pluton révélée par occultations stellaires par B Sicardy.

 

Modélisation des atmosphères et des glaces de Pluton et Triton. Thèse de Mélanie Vangvitchith. Passionnant.

 

New Horizons Pluto/KB Mission Status Report for OPAG PI Alan Stern

 

New Horizons Mission Design par le JHUAPL.

 

Blog de la NASA Ames sur Pluton partie A.

 

Blog de la NASA Ames sur Pluton partie B.

 

Blog de la NASA Ames sur Pluton partie C.

 

Finally! New Horizons has a second target, blog d’Emily.

 

Pluton et la mission New Horizons : CR de la conférence VEGA de F Forget du 28 Nov 2015

 

 

 

 

 

Bon ciel à tous !

 

 

Jean Pierre Martin .Commission de Cosmologie de la SAF.

www.planetastronomy.com

 

Les autres CR des conférences IAP.

 

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