Mise à jour 25 Mai 2018
CONFÉRENCE MENSUELLE DE LA SAF
« LES SATELLITES NATURELS DES PLANÈTES,
UNE VARIÉTÉ ÉTONNANTE. »
Par Jean-Eudes ARLOT
Astronome IMCCE (Observatoire de Paris)
À TelecomParisTech 46 rue Barrault Paris 13.
Le Vendredi 18 Mai 2018 à 19H00
Amphi Thévenin
Photos : JPM pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution
peuvent m'être
demandées directement)
Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.
Voir les crédits des autres photos et des animations.
Le conférencier a eu la gentillesse de nous donner sa
présentation sur les villages lunaires, elle est disponible sur
ma liaison ftp et se nomme :
satellites-arlot-mai2018.pdf, qui se trouve dans le dossier
CONF-MENSUELLES-SAF/ saison 2017-2018.
Ceux qui n'ont pas les mots de passe doivent me
contacter avant.
Cette conférence a été filmée en vidéo (grâce à UNICNAM et IDF
TV) et est accessible sur Internet
On la trouve à cette adresse
disponible dans qq jours
Astronome à l'IMCCE (Institut de Mécanique Céleste et des Calculs
des Éphémérides). Directeur de l'IMCCE de 1992 à 2001 Ancien Directeur de
recherches du CNRS
Membre correspondant du Bureau des longitudes
Le système solaire renferme des astres divers, planètes,
satellites, astéroïdes, comètes, météorites,…
Parmi ceux-ci, les satellites des planètes présentent des
variétés étonnantes où l’on trouve des volcans actifs, des océans, des geysers,…
Mieux, l’observation de ces corps nous renseigne sur les planètes elles-mêmes et
sur l’histoire du système solaire. Enfin, ce sont les satellites de Jupiter qui,
depuis 400 ans, nous ont appris à mieux connaître la Terre !
Tout d’abord, les différents corps célestes :
La définition des corps célestes de l’Union Astronomique
Internationale (août 2006):
Les corps du système solaire :
- Les planètes (elles sont huit)
- Les satellites
- Les planètes naines (elles sont « rondes »)
- Les petits corps du système solaire (c’est le reste…) : il n’y
a plus de distinction entre comètes et astéroïdes.
Et un satellite ??
Satellites :
- ils tournent autour d’une planète et le centre de gravité du
système est à l’intérieur de la planète
- c’est le seul critère retenu
- ils sont très divers, de la taille d’une planète (Ganymède est
plus gros que Mercure) à celle d’un caillou !
Ne pas confondre avec les objets binaires quand le centre de
gravité est en dehors du corps central (exemple : les astéroïdes binaires)
Dans le système solaire il y a de nombreux satellites de
planètes :
Illustration : Les principaux satellites naturels du Système
solaire, à l'échelle par rapport à la Terre.
PLANÈTE |
Nbr de sat
principaux |
Nbr de sat
observés |
MERCURE |
0 |
0 |
VENUS |
0 |
1 ? (erreur
passée) |
TERRE |
1 |
1 + |
MARS |
2 |
2 |
JUPITER |
4 |
63 + |
SATURNE |
1 (+ 7) |
62 |
URANUS |
4 (+1) |
27 |
NEPTUNE |
1 (+ 1) |
13 |
Concernant Vénus, fin du XVII on a cru apercevoir
un satellite à Vénus
(Cassini), ça a duré un siècle, mais ensuite l’idée fut abandonnée.
En ce qui concerne notre belle planète, certains astéroïdes
peuvent être captés et deviennent provisoirement satellites de la Terre.
Ce fut le cas de l’astéroïde
3753 Cruithne qui
accompagne notre planète autour du Soleil. C’est un corps de 5 km de diamètre et
officiellement notre satellite ; on dit plutôt quasi-satellite. Découvert en
1986.
Un autre 2002 AA29 etc.. voir
cet astronews que j’avais écrit à l’époque à ce sujet.
LES
SATELLITES DE MARS.
En écrivant les voyages de Gulliver en 1727, J Swift avait eu la
prémonition que les Lilliputiens avaient connaissance de deux satellites de Mars
dont les périodes n’étaient pas trop éloignées des vrais satellites.
Mais c’est à, Asaph Hall, qui avait étudié longuement la planète
rouge (en 1877) que l’on doit la découverte de Phobos et Deimos.
C’est la lunette de 66 cm de l’Observatoire de Washington qui
permit cette découverte.
Ils furent baptisés des noms de Deimos et de Phobos (la Terreur
et la Crainte), qui sont les compagnons habituels du dieu de la guerre.
Ces deux lunes orbitent Mars très près de la surface, Phobos est
en fait en dessous de la
limite de Roche, ce qui veut dire qu’il s’écrasera un jour sur Mars.
LES
SATELLITES DE JUPITER.
À tout seigneur, tout honneur, c’est Galilée qui le premier,
remarque des satellites autour d’une planète (Jupiter), on est en 1610. Une
révolution !
Les satellites de Jupiter, sont observés pour la première fois
par Galilée avec sa lunette. Étape de pensée fondamentale pour l’époque : tout
ne tourne pas autour de la Terre. Remise en cause des dogmes en vigueur. Danger
!
Il note même les éclipses de ces différents satellites.
Illustration : table des éclipses de Io devant servir à
déterminer la longitude du lieu d’observation.
Galilée
envisage même sérieusement de résoudre le problème crucial de la détermination
de la longitude (particulièrement en mer) à l’aide de ces chronomètres que sont
ces éclipses de ces 4 satellites que l’on va bientôt appeler galiléens.
Mais cette méthode s’avérera trop délicate à utiliser en mer (le
problème sera résolu par Harrison un horloger britannique qui y consacra sa vie
et sa santé).
Signalons que l’étude des satellites de Jupiter permit à
Ole Römer d’évaluer
pour la première fois la vitesse de la lumière à l’Observatoire de Paris
en 1676.
Au cours des siècles, les instruments se perfectionnent et les
observations des occultations deviennent plus précises.
On va même utiliser les occultations mutuelles entre satellites,
beaucoup plus précises que les occultations avec Jupiter, car Jupiter est une
planète gazeuse, et l’occultation n’est pas franche.
On gagne beaucoup en précision de position comme on le voit sur
le tableau ci-contre.
Des éphémérides précis
sont fournis par l’IMCCE.
On voit ici une occultation de Ganymède par Io.
Animation gif par C Go.
Une autre de Ganymède occultant Io.
Si le nombre des satellites de Jupiter semble énorme, on a aussi
mis au jour un groupe de satellites lointains ou extérieurs.
Ils sont éloignés du plan équatorial de la planète, et sont
répartis en deux groupes.
Un dans le sens direct, un dans le sens rétrograde :
Les groupes sont :
·
Himalia vers les 10 millions de km de Jupiter
·
Pasiphaé vers les 20 millions de km. Rétrograde.
Maintenant les différentes missions spatiales : Voyager, Galileo,
Juno …nous font découvrir le monde complexe des satellites de Jupiter.
Et notamment un satellite très intéressant : Europe.
En effet celui-ci émet
des geysers d’eau chaude,
indice de la présence d’eau liquide dans son intérieur sous la couche de glace.
Illustration : Hubble photographie les geysers d’Europe
(NASA/ESA)
LES
SATELLITES DE SATURNE.
Un peu après que Galilée s’intéresse à Jupiter et ne comprend pas
les anneaux de Saturne,
Jean Dominique Cassini, devient directeur de l’Observatoire de Paris qui se
construit.
Il s’intéresse particulièrement à Saturne.
|
|
Notes originales de JD Cassini signalant qu'il voit
Saturne avec la lunette de 100 pieds. |
Détail des notes de JD Cassini. |
Puis c’est Huygens qui détecte Titan en 1655, le plus gros
satellite de Saturne, normal, il a les meilleurs instruments de l’époque, c’est
lui-même qui les fabrique.
Cassini découvre lui, bien plus tard (1671-72), Japet puis Rhéa
et d’autres à l’occasion de l’équinoxe où les anneaux sont invisibles, à
l’équinoxe suivante, il découvre Téthys et Dioné.
C’est Cassini lui-même qui remarque une bande sombre dans les
anneaux en 1675, elle va s’appeler la
division de Cassini.
Ce n’est qu’un siècle plus tard que W Herschel découvre Encelade
et Mimas ; les plus gros sont maintenant mis au jour.
Il faudra attendre l’ère spatiale pour augmenter le nombre de
satellites de façon significative.
Durant l’ère moderne, des phénomènes d’occultation d’étoiles
mettent au jour l’atmosphère de méthane de Titan.
Exemple d’occultation en Nov 2003 d’une étoile de magnitude 8,6
par Titan.
Illustration B Sicardy.
Mais là où on en a appris le plus sur Saturne, Titan et les
autres satellites, c’est lors de la mission Cassini-Huygens que nous avons
relaté maintes fois
dans ces colonnes. Aussi je ne m’appesantis pas sur le grand nombre de
découverte de cette superbe mission.
Une des grandes surprises a été l’émission de geysers d’eau
chaude du pôle Sud
d’Encelade par ces fameuses « griffures de Tigre ».
On en est arrivé à la conclusion que des forces de cisaillement
(shear en anglais) mécaniques génèrent de la chaleur (transformation de
l'énergie mécanique en chaleur comme quand vous vous frottez les mains). Ces
forces de cisaillement sont causées par les effets de marées dans la croûte
d'Encelade, particulièrement actives au Pôle Sud dans la région des griffures de
tigre dont nous avons déjà parlées.
Ces forces de cisaillement sont aussi activées par le fait que
l'orbite est excentrique, si bien qu'elles ne sont pas constantes et que les
"griffures" glissent les unes le long des autres périodiquement (de l'ordre du
demi mètre) laissant échapper ainsi la vapeur d'eau dans l'espace.
Il y aurait un océan d'eau liquide
sous la surface qui se comporte comme un réservoir, un peu comme sur Terre,
serait le lac Vostok en Antarctique.
L'eau et la poussières sont éjectées à travers ces puits vers la
surface, la plupart des particules de glace n'atteint pas la vitesse de
libération (240m/s) et retombe sur le satellite. Seule 10% des particules d'eau
s'échappent et vont ensemencer l'anneau E.
Photo : NASA
Nombreux satellites très divers et découvertes des satellites
bergers et gardiens d’anneaux.
Cassini vient de prendre en flagrant délit l'action d'un des
satellites gardiens, Prométhée en train d'attirer par gravité de la matière de
cet anneau.
On remarque dans le bas de la photo une déformation qui est un
reste du passage précédent de Prométhée à cet endroit près de F.
Image prise dans le visible (colorisée par moi) le 14 Mars 2007
d'une distance de 1,8 millions de km.
La sonde Cassini découvre aussi une petite lune dans la division
de Keeler (située à 250 km à l'intérieur de l'extrémité
de l'anneau A).
Cette division qui fait à peine 35km de large, contient en effet
(comme c'est souvent le cas, par exemple Pan dans la division Encke) un
satellite qui "nettoie" tout sur son passage (résonance), il a 7 km de diamètre
approximativement. Il a été nommé Daphnis.
Image prise le 2 Mai
2005 avec le télé à une distance de 600.000km de Saturne.
De plus cette division étant tellement petite qu'il perturbe les
bords en y créant des "vagues" comme le ferait un hors-bord passant près d'un
rivage. Ces effets gravitationnels sur ces bords, devraient permettre d'accéder
au calcul de sa masse d'après Carl Murray de l'Université Queen Mary de Londres
qui fait partie de l'équipe d'imagerie. Cela permettra aussi d'évaluer sa
compacité, est-elle poreuse ou compacte, ce qui serait une indication sur sa
formation.
Pour s'en assurer il suffit de visionner le
petit film fait par nos amis du service imagerie (CICLOPS)
de Carolyn Porco.
Cette animation est la combinaison de 12 photos espacées chacune
de 16 minutes, prises le 1er Mai 2005 d'une distance de 1,1 million
de km avec la caméra téléobjectif.
La formation
des anneaux et des satellites.
Les anneaux (de 70.000 km à 140.000 km de la planète) sont
extrêmement fins (qq dizaines de m).
À l’extérieur des anneaux on compte un grand nombre de petits et
moyens satellites.
Il semble que ces petits satellites (beaucoup sont très
brillants) soient plus jeunes que ce que l’on pensait.
Des simulations numériques ont aidé à bâtir un modèle où des
satellites se forment à partir de la condensation des anneaux. Ce serait des
« bouts d’anneau » condensés (ces « bouts » dépassent la limite de Roche) il y a
quelques millions ou dizaines de millions d’années
Voir absolument
le film vidéo d’animation expliquant ce processus.
LES
SATELLITES D’URANUS.
C’est William Herschel qui découvre les deux plus gros Titania et
Oberon en 1787, les autres en partie par Lassel (Ariel et Umbriel) et Kuiper
(Miranda). D’autres seront découverts par Hubble et par les sondes spatiales.
Ces satellites sont difficiles à observer de la Terre.
Les satellites d'Uranus observés au VLT, notamment par notre
conférencier.
Uranus possède aussi un système d’anneaux, moins élaborés certes
que ceux de Saturne, ils ont été découverts en 1977 et plus tard aussi (Hubble,
Voyager).
LES
SATELLITES DE NEPTUNE.
Comme les trois autres planètes gazeuses, Neptune possède anneaux
et satellites.
Triton le gros satellite a été découvert en 1846 par W Lassel.
Les autres satellites sont beaucoup plus petits.
On se souvient que les anneaux de Neptune ont été découvert par
le regretté André Brahic avant le passage de Voyager, ils s'appellent Liberté
Égalité Fraternité, mais pas de chance peu après Cécile Ferrari découvre un
quatrième, ce sera Courage!
Cela fait CLEF en acronyme ce qui est vraiment la clef de la
compréhension peut être et en anglais c'est la clé musicale, pas mal aussi.
Notre conférencier termine en disant quelques mots de Pluton et
la mission New Horizons.
POUR ALLER PLUS LOIN :
La
découverte de Phobos et Deimos
Les marées et la limite de Roche
Phénomènes des satellites galiléens de Jupiter par l’IMCCE
Les satellites de Jupiter par notre ami Th Lombry de Luxorion.
Encelade :.On a trouvé le secret de ses sources hydrothermales
Le
secret des anneaux de Saturne par S Charnoz
Les petits satellites de Saturne sont-ils les enfants des anneaux ? par S
Charnoz
Observations astrométriques des satellites naturels par l’IMCCE.
Prochaine conférence
mensuelle de la SAF à TeleComParistech :
Vendredi 15 Juin 2018
19H00
CONFÉRENCE DE Françoise COMBES
Astrophysicienne Observatoire de Paris Collège de France SUR
«
LE CÔTÉ SOMBRE DE L'UNIVERS : MATIÈRE ET ÉNERGIE NOIRES..»
Entrée libre mais
réservation obligatoire.
(Vigipirate) (attention amphi presque plein, reste 30 places à ce jour)
Bon ciel à tous
Jean Pierre
Martin Président
de la commission de cosmologie de la SAF
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