Mise à jour le 9 Décembre 2017
CONFÉRENCE DÉBAT
« LE
NOUVEAU SYSTÈME INTERNATIONAL D’UNITÉS (SI)
FONDÉ SUR DES CONSTANTES FONDAMENTALES »
Suivi du Cinq à Sept
À L’ACADÉMIE DES
SCIENCES INSTITUT DE FRANCE
4 Décembre 2018
23 Quai Conti Paris 75006
Photos : JPM pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution
peuvent
m'être demandées
directement)
Avec l’aide JC Bercu et C Larcher.
BREF COMPTE RENDU
La grande salle des
séances de l’Académie pour cet évènement exceptionnel.
Vidéo de l’évènement : voir page d’accueil pour toutes les
vidéos.
Pour profiter pleinement de ce compte rendu, il est utile de se
reporter aussi au
CR
de la réunion de Versailles du CGPM du 16 Novembre 2018
dernier publié sur ce site.
Colloque organisé par Christian Bordé et Christophe Salomon tous
deux de l’Académie des Sciences.
Ce colloque est introduit comme suit :
« L’émergence d’une métrologie quantique a permis de rattacher
toutes les unités de base à des constantes fondamentales de la physique. Un
nouveau système d’unités a donc été proposé à la Conférence générale des poids
et mesures de novembre 2018 qui supprime en particulier le kilogramme étalon
matériel des unités de base. Cette évolution permet de garantir une
universalité, une pérennité et une meilleure reproductibilité des mesures. Le
choix des constantes va assurer une cohérence au nouveau système fondé
essentiellement sur les progrès de l’interférométrie atomique et de la
métrologie électrique quantique. Les développements de ces disciplines et leurs
applications en métrologie seront discutés au cours de cette séance. »
CONFÉRENCE
DÉBAT : Le nouveau SI fondé sur un choix de constantes physiques
fondamentales.
1.
Ouverture de la séance par S Candel
2.
Fondements du système international d’unités : géométrie,
action et entropie par C Bordé
3.
Mesure précise du rapport h/m : le nouveau kilogramme par P
Cladé
4.
L’Ampère à l’ère quantique par W Poirier
5.
L’unité de temps aujourd’hui et dans le futur par S Bize
CINQ À SEPT :
Changeons d’étalon.
1.
Introduction par P Cossart et K Chemla
2.
Mesures
révolutionnaires : origines du système métrique 1792-1815 par K Alder
3.
La
Convention du mètre, 20 Mai 1875 par T Quinn
4.
La science
devient-elle la mesure de toute chose ? par M Himbert.
5.
Des
artefacts aux constantes de la nature : l’unité reste humaine par N De Courtenay
Une remarque, toutes les présentations étaient brillantes et très
intéressantes, mais sont passées très (trop ?) vite.
La prise de notes était difficile, il faudra se reporter aux
présentations mises en ligne avec la vidéo de l’évènement pour avoir plus de
détails.
CONFÉRENCE - DÉBAT
1- OUVERTURE DE LA
SÉANCE PAR SÉBASTIEN CANDEL ET CHRISTOPHE SALOMON.
C’est Sébastien Candel (à droite sur la photo), le Président de
l’Académie des Sciences qui ouvre la séance devant une salle extrêmement pleine,
en expliquant les bases de ce nouveau système international d’unités.
À gauche sur la photo Christophe Salomon.
Il nous dit d’abord quelques mots de la réunion de Versailles,
dont il est question plus haut.
Il explique le rôle majeur joué par 5 personnes de l’Académie
vers les années 1790 :
·
Jean-Charles de Borda
·
Joseph Louis Lagrange
·
Pierre-Simon Laplace
·
Gaspard Monge
·
Marie, Jean-Antoine de Condorcet
|
|
Ce sont ensuite les mesures effectuées par Jean-Baptiste Delambre
et Pierre-François Méchain pour déterminer la longueur d’un arc de méridien de
Dunkerque à Barcelone, qui ont abouti à la définition du mètre.
Ce travail, par moment dangereux dura 7 ans !
Les prototypes du mètre et du kilogramme sont enfin fabriqués en
1799.
Ces nouveaux étalons sont dédiés à tous les temps et à tous les
peuples !
Christophe Salomon, membre du laboratoire Kastler Brossel de
l’École Normale Supérieure, responsable de l’équipe Gaz de Fermi ultra-froids et
membre de l'Académie des Sciences, prend la suite avec notamment un vibrant
hommage à Jean Kovalevsky décédé en Août de cette année.
Signalons J Kovalevsky, était astronome, membre de l’académie des
Sciences et il avait été aussi Président de la SAF dans les années 1970.
La SAF lui a aussi
rendu hommage.
2- FONDEMENTS DU SYSTÈME
INTERNATIONAL D’UNITÉS : GÉOMÉTRIE, ACTION ET ENTROPIE PAR C BORDÉ
Tiré du programme.
Christian Bordé est physicien directeur de recherche émérite au
CNRS.
Il est connu pour avoir inventé et développé la spectroscopie de
saturation, qu'il a mise à profit pour étudier de nombreux effets nouveaux et
fondamentaux en physique moléculaire.
Son nom est attaché à la conception de toute une classe
d'interféromètres atomiques fondés sur l'effet de recul, qui permettent de
réaliser des horloges optiques, de mesurer les masses atomiques et de sonder les
propriétés de l'espace-temps.
En particulier, il a démontré que ces interféromètres
permettaient la mesure très précise des champs d'inertie.
Il a assuré à quatre reprises la présidence des séances de la
Conférence générale des poids et mesures, organe exécutif de la Convention du
mètre.
L’année 2018 est celle du renouvellement complet du système
d’unités avec l’ambition d’établir un système pérenne, universel et cohérent. Ce
système se caractérise par l’abandon des artefacts pour se fonder uniquement sur
les constantes fondamentales de la Physique. La cohérence sous-jacente du
système proposé et la notion de constante fondamentale sont discutées cet
après-midi.
Un système d’unités naturelles a été introduit par Max Planck en
1899.
Il est fondé sur cinq constantes fondamentales
ħ, kB, c, G, e0.
Les deux premières concernent respectivement les mouvements
cohérents et la décohérence thermique dans l’espace des phases au moyen des
concepts d’action et d’entropie.
Les trois dernières précisent la géométrie de cet espace en
présence d’interactions gravitationnelles et électromagnétiques.
Chaque
unité est liée à une constante fondamentale.
Cette géométrie est celle d’un
espace à cinq dimensions
introduit par Theodor Kaluza en 1921.
Les progrès considérables des interféromètres à ondes de matière
dans les domaines atomique et électrique imposent aujourd’hui un nouveau système
dans lequel les deux dernières constantes sont plutôt une différence de masse
entre niveaux d’un même atome et la charge de l’électron.
La cinquième dimension est alors
le temps propre
donné par les horloges atomiques.
Le lien entre les deux systèmes fait intervenir la constante de
structure fine et son équivalent gravitationnel.
Le système proposé apparaît alors comme le meilleur compromis
dans l’état actuel de nos connaissances.
Les équations d’Einstein sont ensuite passées en revue.
Action, entropie sont ensuite discutées.
L’entropie caractérise le désordre.
Extrait d’un texte cité en référence :
« Je voudrais vous parler du lien très fort qui
existe en physique entre les deux concepts de base que sont
la masse de tout
objet et son temps
propre et des conséquences de ce lien.
Le temps propre est la variable qui décrit
l’évolution interne d’un objet. Pour une horloge c’est le temps qu’elle affiche
dans son référentiel propre et à partir duquel on obtient après correction le
temps coordonné et pas l’inverse.
Je vais vous inviter à le considérer comme une
cinquième dimension
et à rejoindre la démarche du grand physicien Theodor Kaluza, mais rassurez-vous
cela va rester concret. Mon chemin personnel vers cette cinquième dimension
passe par
l’interférométrie à ondes de matière. On sait depuis Louis de Broglie
(1923) qu’on peut associer une onde à toute particule massive. La phase de cette
onde est simplement la masse que multiplie le temps propre de la particule (en
plus du facteur de phase spatio-temporel habituel).
Ce produit s’appelle
l’action et pour
donner la phase, il est rapporté à l’unité naturelle d’action qu’est la
constante de Planck. Masse et temps propre sont donc des variables quantiques
conjuguées (tout comme impulsion et espace ou énergie et temps coordonnée) et
c’est là la véritable signification de la controverse entre Bohr et Einstein
(Solvay 1930) illustrée par la boîte à photons, analogue du microscope de
Heisenberg pour le couple temps et masse. On ne peut pas mesurer simultanément
ces deux grandeurs avec une précision infinie contrairement à la suggestion
d’Einstein. La conséquence pour le système d’unités de base est la nécessité de
coupler les définitions des unités de temps et de masse ce qui n’est pas le cas
aujourd’hui. »
POUR ALLER PLUS LOIN :
Au fait c’est quoi l’entropie ?
Enjeux et perspectives de la refonte annoncée du Système International d'Unités
par C Daussy du LPL
Masse et temps : deux grandeurs conjuguées par C Bordé
À lire absolument
Reforming the
SI: On our way to redefine the base units solely from fundamental constants and
beyond par
C Bordé
3- MESURE PRÉCISE DU
RAPPORT h/M : LE NOUVEAU KILOGRAMME PAR PIERRE CLADÉ
Pierre Cladé est ancien élève de l'École Normale Supérieure.
Il a effectué
sa thèse
(son titre : Oscillations de Bloch d’atomes ultrafroids et mesure de la
constante de structure fine) dans l'équipe de Métrologie de systèmes simples et
test fondamentaux du
laboratoire Kastler Brossel,
sous la direction de F. Biraben.
Après deux années de post-doctorat dans le groupe W.D. Philips
aux États-Unis, il a rejoint en 2007, en tant que chargé de recherche au CNRS,
l'équipe où il a effectué sa thèse.
Il poursuit depuis ses travaux sur la mesure de haute précision
de la vitesse de recul
d'un atome par interférométrie atomique et la détermination de la
constante de
structure fine.
Le titre complet de sa présentation : Mesure précise du rapport
h/m : une méthode pour relier les masses microscopiques au nouveau kilogramme.
D’après le programme (en partie) :
Le système d'unité international est redéfini à partir des
constantes fondamentales.
La principale difficulté est la réalisation d'expériences
permettant de relier ces constantes au kilogramme macroscopique.
Lorsqu’un atome absorbe un photon, l’atome recule avec une
vitesse de recul de ħk/m
(où ħ est h/2P)
Si on arrive à mesurer cette vitesse, on mesure h/m.
Ordre de grandeur, cette vitesse de recule est de 6 mm/s pour un
atome de Rb.
Pour cela deux méthodes existent : la balance du watt qui fait un
lien avec la constante de Planck h et la méthode de mesure de densité par
cristallographie aux rayons X (X-ray Crystal Density Method - XRCD) qui fait un
lien avec la masse atomique unifiée mu.
|
|
Les deux méthodes de
mesure. Deux techniques relient le kilogramme à la constante de
Planck. La première, balance
du watt ou de Kibble, consiste à mesurer la force électromagnétique
nécessaire pour soulever une masse d’un kilogramme. Cette force est
fonction de h, ce qui permet d’en déterminer la valeur.
L’autre méthode consiste à compter
le nombre d’atomes contenus dans une sphère quasi parfaite de
silicium. La masse de cette
sphère peut être comparée avec une masse étalon, et on en déduit la
masse d’UN atome de Si !.Et on connait le lien entre h et la masse
d’un atome (recul). |
Depuis plusieurs années, le LKB utilise l'interférométrie
atomique pour mesurer directement le rapport h/mu entre ces deux constantes.
La mesure de ce rapport a permis de comparer les deux expériences
afin de fixer la valeur de h pour la nouvelle définition.
Cette mesure joue aussi un rôle important dans le nouveau SI.
Au cours de cette conférence, on étudie en détail la mise en
pratique du kilogramme à l'aide de la méthode XRCD et de la mesure du rapport
h/mu.
Le rapport h/mu donne une comparaison directe entre les deux
méthodes expérimentales : balance du watt et sphère de Si.
Pour atteindre la mesure de h/m il faut aller très bas en
température (micro kelvin)
h/m joue
un rôle fondamental dans l’ajustement des constantes.
La précision de mesure est de 10-9.
POUR ALLER PLUS LOIN :
Precise
determination of the ratio h / m u : a way to link microscopic mass to the new
kilogram
par P Cladé et al
State of the
art in the determination of the fine structure constant: QE and h:mu
par P Cladé et al
La masse se mesure aussi en secondes
4- L’AMPÈRE À L’ÈRE
QUANTIQUE PAR WILFRIED POIRIER
Wilfrid Poirier est chercheur confirmé au LNE (Laboratoire
national de métrologie et d’essais).
Ancien élève de l’ESPCI, il a reçu son doctorat en physique du
solide en 1997.
Depuis, il consacre ses travaux de recherche à la métrologie
électrique quantique, plus particulièrement à l’étude et l’application de
l’effet Hall quantique.
Ses recherches visent à l’évolution vers un Système International
d’unités plus universel.
Elles concernent les étalons quantiques de résistance, notamment
en graphène, la réalisation de
l’ampère à partir de la
charge élémentaire, ainsi que l’instrumentation quantique.
Rappelons que l’ancienne définition de l’Ampère (datant de 1948)
était jusqu’à présent l’intensité d’un courant passant entre deux fils séparés
de 1 mètre. Mesure très imprécise.
Ces étalons à la base de la mesure de l’Ampère sont le Volt et
l’Ohm, qui sont chacun dépendants d’un effet quantique :
|
|
L’effet Josephson convertit une fréquence en tension
-à
Volt Comme l’effet Hall quantique, l’effet Josephson est
lié seulement à h et e. |
L’effet Hall quantique joue un rôle très important en
métrologie car toutes les calibrations de résistances électriques
sont basées sur cet effet. À cette occasion on introduit la
constante RK (constante de von Klitzling qui vaut h/e2
approx 25,8 kOhm) |
L’Ampère serait basé maintenant sur le volt et l’Ohm à partir de
l’effet Hall quantique.
Ces deux effets sont définis au travers de deux constantes :
RK
pour l’effet Hall = h/e2
Soit : RK
= 25812,807….Ohm
et
KJ pour l’effet Josephson = 2e/h
Soit : KJ
= 483597,9… 109 Hz/V
Ce qui amène aux nouvelles valeurs de h et e :
h = 6,626 070 15 10-34
kg.m2/s et
e = 1,602 176 634 10-19
C
POUR ALLER PLUS LOIN :
The quantum Hall effect and the revised SI par Klaus von Klitzing
Un étalon quantique pour l'ampère,
article de Pour la Science.
Les unités de mesure font peau neuve
5- L’UNITÉ DE TEMPS
AUJOURD’HUI ET DANS LE FUTUR PAR SÉBASTIEN BIZE
Sébastien Bize est chercheur CNRS au SYRTE à l’Observatoire de
Paris.
Ses recherches portent sur les développements d’étalons atomiques
de fréquence de grande exactitude et sur leurs applications.
Il contribue à l’élaboration du temps atomique international avec
des fontaines atomiques, à la réalisation de tests des lois physique
fondamentales et à la recherche de la matière noire.
Il travaille à rendre possible une redéfinition de la seconde du
système international d’unités à partir de transitions optiques.
Il s’intéresse au développement de la géodésie chronométrique.
Le temps pour la physique :
Les phénomènes périodiques mènent à la définition d’étalon de
fréquence, permettant de générer un signal périodique dont la fréquence est
aussi stable que possible.
Les
atomes sont des références universelles pour ainsi dire parfaites.
À une différence d’énergie entre deux niveaux d’un atome
correspond une « fréquence de Bohr », parfaitement stable et universelle. (Les
atomes ne s’usent pas et ne vieillissent pas !!!)
Les
étalons atomiques de fréquence sont connus, on a en souvent
parlé dans ces colonnes (voir références ci-dessous).
Ils donnent naissance aux
horloges à fontaines atomiques.
Atomes refroidis par Laser.
Stabilité de l’ordre de 10-14
Exactitude : 2 10-16
Erreur inférieure à 100 sec sur l’âge de l’Univers (14 Ga) !
Élaboration du TAI
Temps Atomique International.
Cela nécessite des Lasers ultra stables.
On voit sur ce graphique les progrès des étalons atomiques de
fréquence.
Mais ces nouvelles technologies permettent aussi de
tester les lois
physiques fondamentales, comme la gravitation ou la Relativité Générale.
On veut sonder l’espace-temps grâce à
PHARAO, étalon à atomes
froids, qui devrait permettre de mesurer le décalage einsteinien vers le rouge à
2 10-6.
Extrait du site Pharao :
La théorie de la relativité générale l’a prédit :
le temps ralentit à
proximité de toute masse.
Il passe ainsi plus vite au sommet de la Tour
Eiffel qu’à sa base. Cet « effet Einstein » (aussi appelé red-shift en anglais)
est encore plus perceptible lorsqu'on s’éloigne dans l’espace. À tel point que
les systèmes de positionnement par satellite, tel le GPS ou le système européen
Galileo, sont obligés d'en tenir compte pour vous donner votre position avec
précision.
En orbite à 20 000 km d'altitudes, leurs horloges
atomiques avancent en effet de 40 microsecondes chaque jour par rapport à leurs
consœurs restées sur Terre. La mission Pharao permettra de gagner encore en
exactitude.
Pharao deviendra la 1ère horloge à atomes froids en
orbite autour de la Terre.
Elle sera fixée à l’extérieur de la Station
spatiale internationale, sur un balcon du module Columbus – le laboratoire
scientifique européen –. Si Pharao est dite à « atomes froids », c'est parce que
ses atomes de césium seront refroidis par laser à une température proche du zéro
absolu (-273°C).
Ainsi immobilisés, les oscillations de l’onde
qu’ils émettent (leur "tic-tac") sont comptées avec davantage de précision.
Selon le système international d’unité, une seconde
correspond en effet à la durée de 9 192 631 770 ondulations d’une vibration
particulière de l’atome de césium.
Prochaine étape : redéfinir la seconde !
POUR ALLER PLUS LOIN :
Horloges atomiques et Temps : CR conf VEGA de N Dimarcq du 25
Nov 2017
http://www.planetastronomy.com/special/2015-special/06jun/Laser-cosmo-SAF.htm
Manipulation d'atomes par la lumière par C Cohen-Tannoudji
Évaluation des
performances de la fontaine atomique PHARAO, horloge spatiale PHARAO
par M. Abgrall
L’horloge atomique la plus précise du monde
The Cold
that Comes from Light
Einstein : Premier test de la Relativité près de notre trou
noir
Superbe colloque, public nombreux et présentations intéressantes.
Une collection d’ouvrages originaux de l’époque révolutionnaire
se trouvait à l’entrée de la salle des séances.
CINQ À SEPT.
1- OUVERTURE DE LA
SÉANCE PAR KARINE CHEMLA.
Karine Chemla est directrice de recherche au CNRS et travaille
au
laboratoire SPHERE de l’Université Paris Diderot.
C’est une mathématicienne reconnue.
Ses recherches portent sur l’histoire des mathématiques en Chine
ancienne et médiévale, dans la perspective d’une histoire internationale
C'est sa collègue Pascale Cossart qui introduit le colloque de ce soir qui fait suite à la séance
précédente.
Elle fait le point sur l’Académie des Sciences, assemblée
pluridisciplinaire.
·
271 académiciens dont 32 femmes.
·
124 associés étrangers
·
76 correspondants élus
C’est une institution publique indépendante et pérenne :
·
Placée sous la protection du Président de la
République
·
Libre de ses réflexions, de ses avis et de ses
rapports
·
Réformée en 2002 pour faire face à l’évolution
des sciences et de techniques et pour rajeunir ses membres
·
Dotée de cinq missions fondamentales au service
du progrès scientifique :
o
Encourager la vie scientifique (Prix, médailles…)
o
Promouvoir l’enseignement des sciences
o
Favoriser les collaborations internationales
o
Assurer un rôle d’expertise et de conseil
o
Transmettre les connaissances (séances publiques)
2- MESURES
RÉVOLUTIONNAIRES : ORIGINES DU SYSTÈME MÉTRIQUE 1792-1815 PAR KEN ALDER.
Merci pour les notes de C Larcher que je reprends en partie.
Ken Alder est professeur d'histoire à la Northwestern University
(Illinois).
Il a publié
un
livre à succès au titre éponyme chez Flammarion.
Mesurer le monde, traduite en treize langues, a remporté de
nombreux prix aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.
Signalons que pour écrire ce livre, Ken Alder a parcouru à
bicyclette l'itinéraire de Delambre et Méchain.
Sa présentation était très vivante et pleine d’humour.
Je ne reprends que quelques passages.
Il nous explique l’aventure, car c’était vraiment une aventure,
en pleine révolution, de parcourir la France pour un but éminemment
scientifique : mesurer
un arc de méridien terrestre qui va définir ensuite l’unité de distance
qui va s’appeler le mètre.
Deux personnages sont les héros de cette expédition :
·
Jean-Baptiste-Joseph Delambre né à Amiens (Somme)
en 1749, et mort à Paris en 1822.
·
Pierre-François-André Méchain né à Laon (Aisne)
en 1744, mort à Castellòn de la Plaña, Espagne en 1804.
À l’époque de la révolution, il n’y avait pas de mesure unifiée
de distances, le mètre n’existe pas.
Chaque ville avait “sa” référence de mesure, différente de celle
de la ville voisine.
Rien qu’en France il existait plus de 2000 unités de mesure
différentes en cette fin de XVIIIème siècle.
Une anecdote de K Alder : à Saint-Denis, une pinte de bière est
un tiers moins remplie qu'à Paris !
La notion d'Égalité de la Révolution a tout de suite imposé une
unité qui aurait une seule valeur valable tout le temps et dans tout le pays. Il
fallait donc une unification des unités en vigueur et si possible définir une
unité qui soit NATURELLE et INVARIABLE.
Les plus grands savants de l'époque (Cassini, Lagrange,
Condorcet, Lavoisier,….) se réunirent et discutèrent de la meilleure méthode et
il devint rapidement évident que l'unité nouvelle à définir devait être
universelle et donc indépendante du pays inventeur.
Un tel système ne devait appartenir à personne, et ne devait
dépendre ni des hommes ni des évènements, bref être UNIVERSEL ET ÉTERNEL.
Révolution --> égalité --> unité valable dans tout le pays si
possible : naturelle, invariable, universelle, éternelle
Quoi de plus universel que la Terre, il fut donc décidé par
décret, que la nouvelle unité serait la dix millionième partie du quart du
méridien terrestre. (Ce n'est donc pas un hasard si la circonférence terrestre
est de 40.000.000 m).
Pourquoi le quart, car on pensait à l'époque que 90° était un
angle "magique".
Ceci étant il fallait mesurer ce quart de méridien et définir
d’où partir.
En principe il suffit de mesurer une toute petite partie de ce
méridien et si possible en son milieu (vers le 45°).
Il fut donc décidé en 1795, par décret, de mesurer sur le terrain
un arc de méridien autour du méridien de Paris de Dunkerque à Barcelone (soit à
peu près 8°).
Les astronomes Delambre et Méchain y consacrèrent une partie de
leur vie, ils devaient partir chacun d'une extrémité et se rejoindre vers Rodez.
Ce fut aussi une aventure épique en pleine Révolution !
Cette aventure dura de 1792 à 1798 et compta de nombreuses
péripéties.
Si Delambre a parfaitement rempli son contrat (partie Nord de
l’arc), il semble que Méchain ait eu plus de difficultés et de problèmes
personnels.
En effet celui-ci eut quelques mésaventures ; d’abord prisonnier
des espagnols dans sa chambre d’hôtel, il est rongé à cause d’une erreur de 3,2
secondes d’arc qu’il ne parvient pas à corriger. En désespoir de cause il truque
une partie de ses résultats et en supprime d’autres (on le découvrira après sa
mort). Méchain, toujours obsédé par son écart de 3,2 secondes d’arc près de
Barcelone, décida de revenir pour refaire ses mesures. Il s’épuisa à la tâche et
tomba dans une profonde dépression. Il mourut sur place de la fièvre jaune le 20
septembre 1809
Néanmoins grâce à la détermination et à l’intelligence de nos
deux amis, mission accomplie.
Les mètres étalons vont se répandre un peu partout comme celui-ci
rue de Vaugirard.
POUR ALLER PLUS LOIN :
Delambre et
Méchain : la mesure du mètre
Jean Baptiste Delambre biographie
Pierre François Méchain biographie
Mesurer le monde. L'incroyable histoire de l'invention du mètre, 1792-1799
livre à lire absolument 26,40€
Sur les aventures des scientifiques qui ont mené à la
détermination du système métrique, voir ma présentation (qui couvre un champ
plus complet depuis l’Antiquité) sur les aventuriers
de l’Astronomie.
3- LA CONVENTION DU
MÈTRE, 20 MAI 1875 PAR TERRY QUINN.
Terry Quinn est britannique, francophone, et métrologue de
profession.
Il est Directeur Honoraire du Bureau International des Poids et
Mesures (le fameux
pavillon de
Breteuil de notre enfance scolaire !!) il est aussi membre de la
Royal Society.
Il a consacré toute sa vie à la métrologie, la science de la
Mesure.
Sa présentation est brillante et imprégnée du fameux humour
« british » !
Il montre de nombreuses diapos et documents d’époque, et
notamment le fameux pavillon de Breteuil qui était
en ruine
(séquelles de la guerre de 1870) à l’époque quand il fut donné à la communauté
internationale !
La Révolution a défini le système métrique universel pour tous.
Mais ce n’est qu’en 1875 lors de la Convention du Mètre qui eut
lieu à Paris, que de nombreux états (17) s’accordèrent enfin sur ce système
unique et créent le BIPM.
La convention du mètre se réunit entre le 1er mars et
le 20 mai 1875.
Un observatoire moderne est construit en 1875 à côté du pavillon
de Breteuil comme le montrent les illustrations projetées.
En 1891, le CIPM insistait sur « l’importance fondamentale de
déterminer les relations entre les unités métriques et quelques bases constantes
physiques qu’on peut déduire de certains phénomènes naturels ». La première
tentative avait été de définir le mètre à partir du périmètre de la Terre ; on
va ensuite choisir de prendre une longueur d’onde d’un phénomène d’émission
adéquat.
Terry Quinn montre une
photo du
Comité international placé devant la Grande Salle du pavillon de
Breteuil en 1894.
Puis il montre, un siècle plus tard, une photo du nouveau Comité
(dont je n’ai pas la photo !) placé au même endroit.
En comparant ces deux photos, on peut observer qu’en 1894 il n’y
avait que des hommes, tous des européens.
Sur la photo, prise en 1994 il apparaît une femme et des
asiatiques.
Il précise le rôle des différentes instances chargées de définir
les unités.
Il y a trois organismes :
Le CGPM : Conférence Générale des Poids et Mesures qui regroupe
tous les 4 ans l’ensemble des Gouvernements contractuels. La dernière réunion du
CGPM a eu lieu au mois de novembre 2018.
Le CIPM : Comité International des Poids et Mesures, composé de
18 membres ; il se réunit chaque année. Son rôle est de contrôler les travaux du
BIPM.
Le BIPM : c’est véritablement lui qui fait le travail de comparer
les étalons de mesures.
Terry Quinn s’attarde ensuite sur différents bâtiments qui furent
progressivement construits autour du pavillon de Breteuil en précisant la
fonctionnalité de chacun.
POUR ALLER PLUS LOIN :
Histoire du
Pavillon de Breteuil par T Quinn
From
Artefacts to Atoms: The BIPM and the Search for Ultimate Measurement Standards
le livre de T Quinn
conf T Quinn
sur le système d'unités SI du 9 Nov 2016
Le grand
secret du "grand K" du JDD
LA
MÉTROLOGIE au cœur des nouvelles technologies de B Chauvenet CEA
4- LA SCIENCE
DEVIENT-ELLE LA MESURE DE TOUTE CHOSE ? PAR MARC HIMBERT..
Marc Himbert est Directeur scientifique du Laboratoire commun de
métrologie LNE-CNAM (LCM).
Sa spécialité : la métrologie.
Le titre exact de sa présentation : La science devient-elle la
mesure de toute chose ? …ces constantes qui donnent la mesure…
Ce dernier bout de phrase exprime la révolution qui vient juste
de se produire à la CPMG de novembre 2018
Photo : DR
Dans le choix des unités, les
qualités recherchées sont :
·
Pérennité
·
Uniformité
·
Accessibilité
·
Exactitude.
Initialement on cherchait un artéfact naturel ou artificiel
(méridien terrestre pour définir le mètre, rotation de la Terre pour définir le
temps, cylindre en platine iridié pour définir le kilogramme etc.).
Ce système d’unités mécaniques devait fournir un bien commun,
universel, opérationnel et élémentaire « à tous les temps, à tous les peuples ».
L’artefact du « grand K » était opérationnel ; l’utilisation
d’une longueur d’onde assurait un lien avec le monde élémentaire.
À partir de 1983 la démarche est brusquement inversée, la valeur
de « c » est fixée par décret ; elle est définitivement gelée à la valeur c =
299 792 458 m/s sans décimale, sans domaine d’incertitude.
Cependant le nombre de chiffres significatifs choisi assure la
continuité historique.
Cette décision permet de donner au mètre une valeur
définitivement fixe, que l’on peut exprimer de la manière suivante : le mètre
est la distance parcourue par la lumière dans le vide en 1/ 299 792 458 seconde.
Cet exemple simple permet de comprendre tous les autres cas qui
reposent sur une méthode analogue.
Ces décisions permettent d’assurer une pérennité des unités qui
sans cela resterait aléatoire.
Le conférencier expose un autre cas particulier, celui de la
définition de la température qui jusqu’alors reposait sur le point triple du
diagramme de l’eau.
Le kelvin était défini comme égal à 1/273,16 fois la température
thermodynamique du point triple de l’eau.
Mais la molécule d’eau a pour formule H2O ; l’atome
d’oxygène possédant 3 isotopes et l’hydrogène 2 (un troisième en bien moindre
quantité) ; de quelle molécule parle-t-on ?
Dans les nouvelles unités, on intègre les théories plus
récentes : l’électrodynamique, la thermodynamique et surtout la physique
quantique.
Le changement de référence pour le kilogramme s’imposait du fait
de la qualité et la précision des mesures modernes.
La masse du cylindre étalon en platine iridié du BIPM n’était pas
constante, ce qui est gênant pour un étalon…
Maintenant à la suite de la dernière réunion, le kilogramme est défini de telle
façon que la valeur numérique de la constante de Planck h soit exactement 6,626
070 15 10-34 lorsque l’on exprime h dans l’unité SI d’action J s = kg
m2 s-1.
Le système international d’unités vient de
connaître une profonde révision en 2018 : c’est désormais à partir des lois que
la physique établit, et en particulier à partir des « constantes » que ces lois
mobilisent, que nous définirons principalement les références à utiliser pour
les mesures au service de l’économie, de l’environnement et de la société… C’est
un bouleversement conceptuel, qui ouvre la voie, en pratique, à des mesures plus
durables, plus exactes, mieux partagées.
Mise en œuvre du nouveau SI : 20 Mai 2019 !
POUR ALLER PLUS LOIN :
Le kilo
devient quantique article de Science et Vie
Mesures de
la science : instruments et machines pour légitimer le savoir scientifique
5- DES ARTEFACTS AUX
CONSTANTES DE LA NATURE : L’UNITÉ RESTE HUMAINE PAR NADINE DE COURTENAY
Nadine de Courtenay est maître de conférences à l’Université
Paris Diderot, elle est aussi active au laboratoire SPHERE.
Exposé philosophique très intéressant.
Le nouveau SI nous oblige à changer notre façon d’opérer.
Avant, on commençait par définir les unités des grandeurs de base
en choisissant des grandeurs de référence de même nature, directement
accessibles à l’expérience humaine (par ex le kilogramme).
Maintenant on procède à l’inverse, on part de lois de la nature
et on définit des unités.
1 – Principe de la redéfinition d’une unité
-
Adieu au
grand K
(le cylindre étalon du BIPM), heureusement car ce petit cylindre enfermé à
triple tour au Pavillon de Breteuil, si il disparaissait, nous n’aurions plus de
kilo étalon !
-
Un désenchantement du monde de nos échanges
Deux démarches inverses :
Avant : à partir du choix de grandeurs indépendantes
(longueur et temps) on déterminait expérimentalement la grandeur vitesse de la
lumière. c = ΔL/ΔT
Après : on
choisit une valeur fixe et arrondie de c et on en déduit précisément la valeur
du mètre.
Dans le premier cas la démarche était purement expérimentale,
dans la deuxième elle est métrologique.
« Mesurer la valeur d’une constante dans des unités déjà établies
et redéfinir l’une de ces unités après avoir fixé la valeur de la constante ne
sont pas du tout des tâches symétriques
La
première est celle de l’expérimentateur,
la seconde celle du métrologue.
La valeur de la constante qui est fixée et utilisée dans la
redéfinition d’une unité n’est pas une valeur obtenue par la mesure ! »
2 – Activité expérimentale
L’expérimentateur est un explorateur d’une nature qu’il cherche à
faire parler.
Il en déduit la valeur de certaines constantes qu’il mesure avec
la meilleure précision possible.
Il exploite pour cela différents chemins possibles qui conduisent
à des désaccords et à des marges d’incertitude qui ne se recoupent pas.
« Ce type de travail relève de l’exploration, car il engage une
confrontation directe à la nature.
Ces expérimentateurs cherchent à ajuster leurs résultats au monde
sans être guidés par une attente. …Leurs résultat restent toujours susceptibles
d’être entachés d’une erreur systématique inconnue. Il y a des désaccords entre
les résultats par différents labos »
3 - Activité méthodologique du
CODATA
(Committee on Data for Science and Technology)
La première tâche consiste à traiter les désaccords, soit en
arrivant à un consensus qui permet d’intégrer tous les résultats, soit en
opérant une sélection.
Il y a deux visions philosophiques :
-
Décrire un monde tel qu’il est, en décidant des
objectifs à suivre.
-
Délibérer par un exercice de « sagacité » et
« dire la vérité qui s’accorde avec le désir correct »… [c’est un langage de
philosophe…]
La deuxième tâche
consiste à estimer les valeurs des constantes et de les ajuster aux théories
admises.
Finalement il y aurait une méthode pour « connaître » et une
autre « pour agir »
La science « pour connaître » teste la cohérence de nos théories
et traque les erreurs éventuelles.
La science « pour agir » cherche à construire un monde commun à
tous par des anticipations, des décisions, une coordination.
De l’explorateur au
métrologue
« Ces valeurs ne sont pas directement établies à partir des
résultats de mesures obtenus dans les labos.
Elles proviennent d’un travail des métrologues d’un comité
international de physiciens et de métrologues le CODATA.
Ce comité détermine la meilleure estimation possible de chaque
constante
Le CODATA doit traiter les discordances et choisir entre
« consensus » et « dissensus ».
La conférencière explique que la délibération comporte
nécessairement des aspects subjectifs et politiques.
Elle fait remarquer que ce travail est à l’opposé de celui des
expérimentateurs qui s’efforcent d’ajuster ces valeurs au monde qui nous
entoure.
Les
métrologues imposent à des constantes de satisfaire « les relations que dictent
les théories admises, et ajustent les valeurs numériques des constantes aux
théories existantes ».
L’objectif des métrologues du CODATA n’est pas de décrire la
réalité mais de chercher la cohérence des théories entre elles.
Dans cette dernière réforme « le monde est appelé à s’ajuster aux
normes, pas à un monde muet, indépendant de nous, mais au monde conceptualisé,
mis en forme par l’esprit humain ».
Illustration : valeurs de h déterminée par CODATA 2017
chronologiquement à partir de 2011 de haut en bas.la zone verte correspond à la
marge d’erreur de 20 parties pour un milliard, la zone grise de 50 parties. KB :
Kibble Balance et XRCD : sphère de cristal de Si.
POUR ALLER PLUS LOIN :
Vers un
système d’unités vraiment universel par N de Courtenay, article de
Pour la Science. À lire.
Mesure
universelle : le grand K ne fait plus le poids du Parisien
The CODATA
2017 values of h, e, k, and N A for the revision of the SI par Newell
et al
Jean Pierre Martin .Président de la Commission de Cosmologie de
la SAF.
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