Mise à jour 20 Avril 2019
CONFÉRENCE MENSUELLE DE LA SAF
« AUX ORIGINES DE L’UNIVERS,
EN ATTENDANT EUCLID….. »
Par Hervé DOLE
Astrophysicien, IAS, Univ Paris Saclay VP Université Paris Sud
À TelecomParisTech 46 rue Barrault Paris 13.
Le Vendredi 12 Avril 2019 à 19H00
Amphi Thévenin
Photos : JPM pour l'ambiance
(les photos avec plus de résolution peuvent
m'être demandées
directement)
Les photos des slides sont de
la présentation de l'auteur. Voir
les crédits des autres photos et des animations.
Le conférencier a eu la
gentillesse de nous donner sa présentation, elle est disponible sur
ma liaison ftp et se nomme :
PlanckEuclid_SAF_DOLE-12avr19.pdf qui se trouve dans le dossier
CONF-MENSUELLES-SAF/ saison 2018-2019.
Ceux qui n'ont pas les mots de
passe doivent me
contacter avant.
Cette conférence a été
filmée en vidéo (grâce à UNICNAM et IDF TV, merci à Laurent Dongé) et
est accessible sur Internet
N’a pas pu être filmée suite à un accident de dernière minute de notre
vidéaste.
On la trouve à cette adresse
disponible dans
qq jours
Encore un record de réservations battu !!
Hervé Dole est astrophysicien à
l’IAS (Institut d’Astrophysique Spatiale)
d’Orsay et maître de conférences à l’Université Paris Sud.
L’IAS est spécialisé dans
l’instrumentation spatiale, le traitement des données et l’élaboration de
modèles.
Hervé Dole est un spécialiste
notamment du bruit de fond cosmologique.
Après les nombreuses
publications sur les résultats du satellite européen Planck, il nous instruit ce
soir sur ce qu’il faut en retenir et les conséquences que l’on en tire sur notre
Univers.
Son ambition comme il le résume
pour nous : comprendre la structure, l’évolution et les lois physiques
fondamentales régissant l’Univers et ses constituants.
Je m’inspire pour ce CR de CR
passés traitant de sujets identiques.
Un exemple pour commencer : Une
analogie avec la surface du Soleil.
C’est la même physique qui
régit les deux phénomènes.
À gauche la surface du Soleil,
à droite l’image du CMB.
Le Soleil est un plasma où les
photons internes mettent plus de 1 million d’années à sortir (à cause de
l’énorme densité de matière, comme pour le CMB où ils ne peuvent pas sortir
avant 380.000ans à cause de la température).
Les courbes situées en dessous
représentent comment l’énergie se réparti en fonction de la taille angulaire.
C’est aussi la taille des
vibrations de l’Univers primordial.
LA
PREMIÈRE LUMIÈRE DE L’UNIVERS.
Au début, l’Univers est une
grande (et chaude) soupe de particules, elles sont tellement nombreuses qu’elles
s’entrechoquent en permanence ; les photons de lumière sont empêchés par les
électrons libres de se propager librement. Mais au fur et à mesure que l’on
avance dans le temps, vers les 380.000 ans, et la température baissant (il fait
seulement 3000K), ces particules se calment.
Les électrons se combinent avec
des protons et des neutrons pour former enfin des…..atomes.
L’Univers devient transparent.
Le champ est libre pour les
photons de lumière de se propager librement.
En se propageant, ces
radiations ont perdu de leur puissance (leur émission s’est décalée vers le
rouge, c’est le fameux redshift) et se trouvent maintenant dans le domaine
des……micro-ondes.
De ce rayonnement fossile (les
cendres du feu originel !) il reste une trace que l’on peut détecter de nos
jours, c’est ce que l’on appelle le rayonnement fossile ou CMB en anglais pour
Cosmic Microwave Background.
C’est ce rayonnement qui a été
prédit par George Gamov dans les années 1940, puis redécouvert en 1965 par
Penzias et Wilson par hasard et qui a donné naissance à une lignée de satellites
d’étude de ce rayonnement : COBE ; WMAP et enfin Planck.
La grande surprise de Penzias
et Wilson lorsqu’ils découvrirent ce ronronnement provenant de partout dans
l’Univers, a été la très grande homogénéité de ce rayonnement ; il était aux
alentours de 3K c’est à dire comme prévu, dans le domaine micro ondes.
Les satellites envoyés pour
l’étudier plus en détail, ont affiné les mesures, mais la valeur reste
extrêmement homogène et isotrope, puisque l’on trouve dans toutes les
directions : 2,728K dont
les plus petites variations sont de l’ordre de 10-5 soit un millième
de pour cent ! La différence de température entre un point rouge et un point
bleu.
C’est cette vision du ciel qu’a
« vu » le satellite Planck, lancé en 2009 par l’ESA.
Relevés de Planck 2018 pour le CMB. En grisé,
étendue de notre Galaxie. Crédit ESA Collaboration Planck.
Or, que remarque-t-on ? Les
points même très éloignés sont très homogènes, et à l’époque où se sont créées
ces petites fluctuations, ils ne pouvaient pas communiquer entre elles, ils ne
pouvaient pas se « parler ».
Alors, comment expliquer une
telle homogénéité ?
Une théorie a été développée à
cette occasion, l’inflation.
Vers les 10-35 sec,
une expansion énorme se produit pendant un très très court instant, l’espace se
dilate plus vite que la vitesse de la lumière ; et grossit d’un facteur
monumental, toutes les régions de l’Univers qui étaient en contact ne le sont
plus, mais elles ont gardé leur valeur d’origine. Ce qui explique l’extrême
homogénéité de l’Univers. Après cette phase d’expansion exponentielle, celle-ci
devient plus raisonnable pour donner naissance à l’expansion actuelle.
Une vue de
l’évolution de l’Univers.
LES
DEUX GRANDES QUESTIONS :
Au début de l’Univers, celui-ci
semble très homogène. Pourquoi ?
Alors que maintenant, il montre
une très grande inhomogénéité. Pourquoi ?
Comment peut-on expliquer
cela ?
Une première réponse est
apportée avec la résolution du paradoxe d’Olbers, pourquoi la nuit est-elle
noire ?
Vu le nombre d’étoiles du ciel
(si on suppose qu’elles sont en nombre infini), la nuit devrait briller comme en
plein jour
En effet, si, quelle que soit
la direction dans laquelle on porte son regard, nous trouvons une étoile,
pourquoi le ciel nocturne n'est-il pas uniformément brillant ? Et pourtant la
nuit est noire. Alors pourquoi???
Eh bien, c’est qu’en fait il y
a ces trois phénomènes qui jouent sur ce paradoxe :
· La vitesse de la
lumière est finie, certaines lumières d’étoiles ne nous ont pas encore atteint.
· Les étoiles ne
brillent pas éternellement, elles ont eu un début et elles ont une fin, d’autre
part il n’y a pas un nombre infini d’étoiles, même si ce nombre est très grand.
· L’univers est en
expansion, ce qui dilue le rayonnement dans un volume de plus en plus grand, et
fait décaler les longueurs d’onde lumineuses vers les grandes longueurs d’onde,
vers le rouge (redshift).
On en déduit aussi qu’il existe
un horizon
cosmologique, au-delà duquel on ne peut rien voir.
Mais si la nuit paraît noire dans
le spectre du visible (ce à quoi notre œil est sensible), ce n’est pas le
cas dans d’autres longueurs d’ondes : le ciel est illuminé notamment en infra
rouge et en micro
ondes.
Il existe d’autres longueurs
d’ondes dans lesquelles on peut contempler notre Galaxie, comme les X , les
gamma etc..
Voir notre galaxie vue
dans un grand nombre de longueurs d’ondes.
LE
SATELLITE PLANCK :
On a déjà tout dit sur ce
fabuleux télescope en micro-ondes qu’est Planck, voir par exemple :
· conférence
de F Bouchet à la SAF
· conférence
de presse de l’ESA du 21 Mars 2013
Films de présentation sur
Planck : je vous en propose deux :
Vidéo:
et un autre
Planck’s view of the Universe.
Il tourne sur lui-même en une
minute et effectue un relevé complet du ciel en 6 mois, les scientifiques
espéraient 2 relevés pour une mission parfaitement accomplie, ils en ont eu 5 !
La précision de Planck est
telle, aussi, qu’une année de relevés de Planck est équivalent à 1000 années de
relevés de WMAP, le satellite de la génération précédente.
Planck photographie l’Univers
dans 9 canaux , les plus importants pour le CMB sont ceux de 70 ; 100 et 143
GHz.
Le problème a été de traiter
les différents canaux et de séparer ainsi le signal utile du CMB des autres
influences, comme on le voit sur
cette illustration.
D’autres combinaisons
permettent d’accéder à d’autres données concernant le fond du ciel comme on en
parle dans cet article publié par la collaboration Planck : Planck
components separation
Les points sur la carte du CMB
peuvent être décomposés de façon harmonique et nous permettent d’atteindre le
« spectre de puissance » (angular power spectrum) qui mesure les fluctuations
des températures par rapport à la taille des taches.
|
|
La décomposition des informations température |
La construction du spectre de puissance. |
Ce graphique représente de
combien varie la température en chaque point du ciel.
· Le grand pic
correspond à l'harmonique fondamental (comme pour un instrument de musique) qui
indique la taille typique d'un "grumeau" du ciel approximativement 1°.
· Les pics secondaires
(les "harmoniques") donnent d'autres informations complémentaires.
· La gauche du spectre
est celle qui s'éloigne le plus de la courbe idéale, il y a des anomalies
locales. Cela correspond aux "basses fréquences" comme la perte de puissance
dans les graves d'un instrument de musique, c'est à dire aux grandes échelles
angulaires. Il n’y a pas assez de points en fait dans les grands angles (Hervé
Dole dit que c’est par ce que nous faisons des mesures sur un seul univers !)
· Le CMB montre aussi
que l'Univers vibre comme la peau d'un tambour, on s'en aperçoit en traçant le
spectre de puissance de ce bruit de fond.
· L’étude détaillée de
ce spectre permet aux physiciens de déterminer de nombreux paramètres
cosmologiques.
L’UNIVERS PEUT ÊTRE DÉCRIT AVEC SEULEMENT 6 PARAMÈTRES.
En effet, Planck a déterminé
que l’Univers pouvait
être décrit uniquement à l’aide d’un jeu de 6 paramètres !
C’est le modèle LCDM
(Lambda Cold Dark Matter).
Il mène à une nouvelle (mais
très peu différente du modèle précédent) composition de l’Univers : un petit peu
plus de matière ordinaire et noire et à un âge d’Univers légèrement plus
vieux : 13,797 Ga (remarquez la précision :!!).
De tout ceci on en déduit la
composition de l’Univers en masse/énergie :
Les résultats de Planck
indiquent que le mélange des constituants contient un peu plus de matière que
d’énergie.
26,8% de matière noire
4,9% de matière ordinaire (nous
sommes bien peu de chose !)
68,3% d’énergie noire.
Planck révèle aussi la matière
noire.
La lumière primordiale du CMB,
pour nous parvenir, traverse l’espace où elle peut par endroit rencontrer des
masses de matière ordinaire et noire (amas de galaxies par exemple) et subir des
légères déviations dues à un effet de lentilles gravitationnelles, si bien que ce
que l’on (Planck) observe est altéré par cet effet.
Les rayons lumineux sont
légèrement déviés et donnent ainsi une image déformée à l’arrivée (maintenant).
On peut voir
aussi une animation gif d’une portion d’Univers sans effet lentille et
avec.
En retranchant l’action de
cette matière on peut accéder au CMB tel qu’il était à l’origine et aussi ainsi
remonter et reconstruire la carte
des masses de la matière noire qui produit l’effet détecté.
AVENIR : EUCLID.
Comment caractériser l’énergie
sombre ?
On suppose que l’énergie sombre
se comporte, ainsi que les autres composants de l’Univers, comme un fluide
parfait.
Elle doit donc obéir à une
équation d’état.
L’équation d’état, c’est la
relation entre la pression et la densité de ce fluide ; on le note :
W = P/r
Quelques valeurs :
· Pour les
photons : W = 1/3
· Pour la matière noire
et la matière ordinaire : W = 0
· Pour une constante
cosmologique (énergie sombre) : W = -1
Mais le W peut dépendre du
temps : W = Wp + Wa(t)
Un des buts d’Euclid est de
mesurer avec précision :
· Wp 10 fois meilleure
qu’aujourd’hui, et atteindre mieux que 1%
· Wa 40 fois meilleure
qu’aujourd’hui et atteindre mieux que 5%.
On va donc observer l’évolution
de la matière noire et des galaxies, et on va essayer de se situer par rapport à
l’époque de la transition (période où la matière noire dominait l’énergie
sombre) déjà évoquée.
Des effets infimes vont devoir
être mesurés, et il faudra donc construire de nouveaux outils et établir le
protocole de nouvelles expériences.
Mais Euclid va aussi déterminer
la distribution de matière noire en fonction de la distance, c’est à dire qu’il
va déterminer le spectre de puissance de la matière noire et des galaxies au
cours du temps.
Il faut pouvoir mesurer un
grand nombre de redshifts, ce sera le cas avec les redshifts photométriques en
IR.
Elle va accueillir
le plus grand CCD au
monde : 600 Mpix, mesures dans le visible et l’IR.
Euclid, mission de l’ESA est
surtout une mission franco-italienne.
Plus de détails sur la
présentation de Y Mellier citée en référence plus vas.
POUR ALLER PLUS
LOIN :
Big Bang et univers : Planck confirme le modèle cosmologique standard
Planck 2018 Cosmology &
Parameters
Planck cosmological legacy highlights par F Bouchet
Le
côté obscur de l’Univers par H Dole de l’IAS.
La mission Planck, état et
perspectives :
CR de la conf. IAP de F Bouchet du 1er Juin 2010
La mission Euclid (mat noire, énergie sombre) : CR conf IAP de Y Mellier du
7 Avril 2015
Prochaine conférence mensuelle de la SAF à TeleComParistech :
Vendredi 17 Mai 2019
19H00
CONFÉRENCE de Pierre GUILLARD
Sorbonne Université IAP
Sur « EXPLORER LA FORMATION DES GALAXIES
AVEC LE FUTUR TÉLESCOPE JWST»
Réservation à partir du 9 Avril
Entrée
libre mais
réservation obligatoire.
(Vigipirate)
Bon ciel à tous
Jean Pierre
Martin Président
de la commission de cosmologie de la SAF
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