Mise à jour le 8 Novembre 2019
CONFÉRENCE de Lora JOVANOVIC
Doctorante au
LATMOS (Laboratoire Atmosphères,
Milieux, Observations Spatiales)
Sur « PLUTON, UN OBJET SURPRENANT »
Organisée par la SAF
Dans ses locaux, 3 rue Beethoven, Paris XVI
Le Samedi 26 Octobre 2019 à 15H00
à l'occasion de la réunion de la Commission de Planétologie.
Photos : JPM pour l'ambiance. (Les photos avec plus de résolution
peuvent m'être
demandées directement)
Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur. Voir
les crédits des autres photos si nécessaire
J’ai mis la présentation des actualités
sur ma liaison ftp
elle est disponible au téléchargement et s’appelle.
Pluton-SAF_LJovanovic.pdf (la
partie concernant ses propres recherches a été supprimée pour des raisons de
confidentialité)
Elle est dans le dossier PLANETOLOGIE SAF de la saison 2019-2020.
Ceux qui n'ont pas les mots de passe doivent
me contacter avant.
J’ai pris la liberté de m’inspirer de précédents CR personnels
pour compléter ce rapport.
BREF COMPTE RENDU
Lora Jovanovic est une jeune doctorante au LATMOS à St Quentin en
Yvelines.
Elle commence par l’historique de la découverte de Pluton en.
Après Le Verrier et la découverte de Neptune, on pensait avoir
atteint la limite du système solaire.
Erreur, c’est Clyde Tombaugh, un agriculteur passionné par les
étoiles qui va encore augmenter la taille du système solaire.
Il est embauché à l’Observatoire Lowell (Flagstaff Arizona) pour
effectuer un travail ingrat : visionner au comparateur les plaques photo qu'il a
faites les nuits précédentes, et devant permettre la découverte d’une éventuelle
planète X que tout le monde cherche.
C'est la chance qui sourit aux nouveaux, un an après il découvre
un soir de fin Février 1930, un petit point qui s'est déplacé sur des plaques de
Janvier : ce sera Pluton
Son diamètre est évalué à 2400km densité évaluée à 2 approx
Orbite très excentrique, incliné sur l’écliptique (122°)
29UA à 49UA
247,7 ans
En résonance 3/2 par rapport à Neptune.
Mais en fait Pluton est un système double, en effet, on découvre
en 1978 (J Christy et R Harrington) un satellite de taille importante orbitant
Pluton, c’est Charon (le passeur des enfers !) 1200 km de diamètre
Hubble découvre d’autres (petits) satellites, on en est à 5 !
Pluton est difficile à observer, 50.000 fois moins lumineux que
Mars !
ET C’EST
LA MISSION NEW HORIZONS.
La sonde de la NASA, New Horizons est lancée en Janvier 2006 à
l'aide d'une puissante fusée Atlas-Centaur V 551, dont la coiffe est
essentiellement vide !
Elle a pour but d’étudier ce que l’on croyait à l’époque être la
dernière planète du système solaire. (Générateur nucléaire à bord pour
l’énergie)
Une fusée si puissante est nécessaire car on veut arriver vite à
Pluton, avant le début de l’hiver (sur Pluton !).
Le chemin étant long vers Pluton, un petit coup de main de
Jupiter est nécessaire en Février-Mars 2007, une assistance gravitationnelle la
pousse vers les confins de notre système solaire.
Arrivée dans la région de Pluton été 2015 et visite de certains
KBO de 2016 à 2020. La date visée est le 14 Juillet 2015
La densité est affinée : 1,85.
7 instruments à bord de la sonde.
Instruments |
Objectifs principaux |
ALICE
|
Composition de l’atmosphère
Profil vertical |
LORRI
|
Image panchromatique haute résolution de la surface |
PEPPSI
|
Échappement atmosphérique |
Ralph
|
Composition de la surface
Géologie |
REX
|
Pression et température de l’atmosphère proche de la surface |
SDC
|
Poussières interplanétaires |
SWAP
|
Échappement atmosphérique |
Et en 2015, on arrive près de Pluton.
Rencontre retransmise en direct à la Cité des Sciences.
On
découvre un nouveau monde !
Voici la
meilleure vue de Pluton par le télescope spatial Hubble.
Pluton le 13 Juillet alors qu’elle est à seulement 768.000km de
Pluton (moins de deux fois la distance de la Terre à la Lune).
Photo prise par la caméra LORRI.
On reconnait le phénomène géologique baptisé « le cœur » de
couleur plus claire que le reste de dimension approx. 1600km de large.
On distingue aussi de nombreux cratères d’impact.
Crédit NASA/JHUAPL/SWRI
Ici une
image gif montrant une rotation de Pluton.
PLUTON
EST UN OBJET GÉOLOGIQUEMENT ACTIF ET DIVERS.
Progressivement on découvre
l’énorme diversité
de la surface et son activité géologique.
|
|
Pluton serait un « monde océan », il
comprendrait un océan liquide (eau salée) en son intérieur, sous la couche
de glace.
On s’en est aperçu en s’intéressant
à Sputnik Planitia,
ce vaste bassin en forme de cœur, recouvert de glace d’azote et en faible partie
de glace de CO. À cette température (-235 °C) ces deux types de glace sont plus
denses que la glace d’eau..
Sa surface est recouverte de polygones, correspondant à des
cellules de convection.
On pense que l’origine de ce bassin serait dû à un impact avec un
gros corps, la glace de N2 se serait ensuite accumulée au cours du temps dans ce
cratère de plusieurs km d’épaisseur, menant à un excès de gravité en ce point,
une anomalie gravitationnelle positive comme disent les scientifiques.
Cette anomalie gravitationnelle aurait déstabilisé l’axe de
rotation de Pluton et provoqué, un basculement des pôles de la planète (True
Polar Wander en anglais) réorientant l’axe de rotation de Pluton près de l’axe
de rotation Pluton-Charon. Actuellement ce bassin a changé de place.
Tous ces mouvements nécessitent de la part des scientifiques, la
présence d’un océan d’eau liquide souterrain situé sous les quelques 100 km de
croûte de glace de la planète.
Une couche intermédiaire d’hydrate de méthane est envisagée.
Illustration : ce que l’on pense actuellement de la composition
de Pluton. Crédit : Nature Géosciences May 2019.
Cette eau liquide comporterait aussi des sels et de l’ammoniaque,
afin de faire descendre le point de congélation.
Quant à la surface de Pluton, on sait qu’elle est à base de
glaces de N2 ; CH4 ; et CO, tout cela reposant sur de la glace d’eau. La
température moyenne de surface est de l’ordre de -228°C.
On a mis en évidence des cryovolcans à la surface de Pluton,
notamment
Wright Mons et Piccard Mons.
Wright Mons (image du haut diamètre 150 km) a une altitude 4000 m
et une dépression de 5000 m de profondeur.
Quant à Piccard Mons (diamètre 225 km), 6 km de haut et 5 km de
profondeur.
La présence de cryovolcans est une indication de la géologie
avancée de cette planète.
On compte aussi de nombreux
cratères d’impact de toutes tailles sur Pluton.
Plus intéressant, on a découvert de
nombreuses failles à la surface de Pluton, signe d’une activité tectonique
surprenante pour un corps aussi loin dans le Système Solaire.
En étudiant bien cette photo en détails, on se rend compte des
différentes variétés de reliefs impressionnants que l’on trouve sur ce petit
corps glacé. On passe des plaines bien cratérisées (à gauche) à des fissures et
gorges nombreuses pour atteindre la région de cryovolcanisme Wright Mons à
droite, et enfin le terminateur. Les images de cette mosaïque sont dues à la
caméra LORRI (Long Range Reconnaissance Imager) associée au spectromètre LEISA
((Linear Etalon Imaging Spectral Array), elles datent du 14 Juillet 2015, le
plus petit détail est de 500m.
Lors de son survol au-dessus de Pluton, en juillet 2015, la sonde
New Horizons nous a donné à voir de nombreux paysages auxquels on ne s’attendait
pas comme ses plaines glacées (glace d’azote), ses montagnes de glace d’eau et
surtout les terrains mystérieux appelés en anglais « bladed terrains » (que l’on
pourrait traduire par lames de glace ou terrains entaillés). Ils sont à base de
glace de méthane.
NdlR : je reprends une explication déjà donnée dans un des
mes astronews.
Ce
genre de terrain n’avait pas trouvé d’explication à ce jour. On voit ci-contre
un exemple de ce terrain dans la zone baptisée Tartarus Dorsa.
Image de Ralph/Multispectral Visual Imaging Camera du 14 Juillet
2015.
Crédit: NASA
/ Johns Hopkins University Applied Physics Laboratory / Southwest Research
Institute.
En fait les scientifiques après une étude attentive (dirigée par
Jeffrey Moore, chercheur à l’Ames Research Center de la Nasa), ont remarqué que
cela pouvait ressembler à un phénomène que l’on trouve surtout sur les pentes de
la Cordillère des Andes à haute altitude (plus de 4000m) et appelé « pénitents
de glace (ou de neige) ».
On trouvera de très belles photos de ces étranges formations sur
ce site.
Ce sont des lames de neige (glace) durcies de quelques mètres de
hauteur comme on le voit sur
cette photo. Elles sont dirigées dans la direction du Soleil. Ces structures
ne se forment pas sublimation de la vapeur d’eau et prennent la forme de lames.
Revenons à Pluton, ces formations seraient dues, d’après les
ascientifiques qui ont mené des récentes études à ce sujet, à de la glace de
méthane. Elles sont toujours situées aux altitudes élevées et près de l’équateur
de la planète. Elles peuvent atteindre plusieurs m de haut. Ce serait donc le
résultat du passage du méthane sous forme solide à haute altitude. L’étrange
forme proviendrait des variations climatiques de Pluton, loin du Soleil, le
méthane atmosphérique se congèle, plus près du Soleil, il se sublime et repasse
dans l’atmosphère.
On voit sur
cette carte la localisation de cette zone de terrain. (Cercle blanc).
Les scientifiques pensent aussi que ce phénomène serait aussi
fréquent sur la face “cachée” de Pluton.
En creusant ces informations, les scientifiques sont tombés sur
un monde dominé par la glace.
"La glace d'eau est proche de zéro degré comme dans tous les
glaciers ; donc, elle est relativement molle, elle s'écoule et elle forme des
glaciers.
Sur Pluton, cette glace est à moins 230 degrés et elle est aussi
dure que de la roche ; donc en fait, sur Pluton, c'est la glace qui forme les
montagnes,
Les
montagnes de Pluton sont formées de glace d'eau parfois tachetée de givre
de méthane.
L'immense glacier en
forme de cœur sur sa
surface est lui constitué d'azote.
On voit sur
cette représentation la répartition des différents éléments de cette région.
Ce cœur de Sputnik Planitia est composé de cellules de convection
(un peu comme sur Terre dans les terrains polaires avec les polygones
caractéristiques) de glace d’Azote un peu bombées sur lesquelles sont déposées
des grains de glace de méthane. Comme on le voit sur
ce dessin pris lors d’une conférence sur Pluton.
L’ATMOSPHÈRE DE PLUTON.
Elle est complexe et liée à
la sublimation des
glaces.
Elle a été découverte avant le passage de New Horizons en 1988
par occultation stellaire.
Une très (très) faible atmosphère d’azote existe : 1 Pa (la
pression terrestre est de l’ordre de 1000 hPa (105 Pa), de plus il y aurait 0,5%
de CH4 et 0,04% de CO.
L’atmosphère de Pluton possède aussi un profil thermique
particulier. Il y a inversion de température vers 400 km d’altitude.
L’atmosphère est « beaucoup » plus chaude (-170°C) que le sol,
plus chaude de 40K. Le sol étant à approx. -220°C (~50K)
Ceci est dû la grande quantité de méthane de l’atmosphère (0,5%)
qui donne un effet de serre.
Comme Pluton s’éloigne de plus en plus du Soleil (va vers
l’hiver), son atmosphère se sublime progressivement
Si bien qu’à l’aphélie (le point le plus loin du Soleil), il n’y
aurait presque pas d’atmosphère, alors qu’au périhélie, l’atmosphère se forme de
nouveau.
Il y a donc une évolution saisonnière de l’atmosphère.
Une chimie très complexe se produit dans l’atmosphère, des
aérosols se forment, ce sont des particules (10 nm à 0,1 mm) qui réagissent avec
les UV et donnent naissance à des corps organiques.
Ils forment peut-être des nuages dans l’atmosphère et on a
détecté jusqu’à 20 couches atmosphériques ; comme on le voit sur la photo
ci-dessus. (crédit JHUAPL/NASA)
En se retournant, la sonde New Horizons prend cette
photo en
contre-jour de Pluton où l’on voit parfaitement son atmosphère.
Nos amis
Jean François Forget et Tanguy Bertrand du LMD travaillent justement sur ce
sujet.
Ils étudient l’atmosphère de Pluton (et des planètes en général)
grâce à des modèles de circulation, les GCM (General Circulation Models).
Notre conférencière met au point des simulations de l’atmosphère
de Pluton en laboratoire, c’est même le sujet de sa thèse, c’est la raison pour
laquelle bien qu’elle nous ait exposé son travail, je ne dévoile rien de ses
documents.
Ces simulations ont lieu dans le labo du Latmos à Guyancourt.
CONCLUSION.
·
Avant le passage de New Horizons nous avions peu
de connaissance sur le monde de Pluton.
·
Le survol nous a permis de découvrir ce monde
fascinant.
·
C’est en fait un système binaire Pluton-Charon et
4 satellites en plus.
·
Pluton est géologiquement actif, comprenant un
océan liquide en son intérieur, on note la présence de cryovolcans à sa surface.
·
Sa surface de glaces d’azote et de méthane repose
sur un socle de glace d’eau.
·
Grande diversité des reliefs de surface
·
Atmosphère complexe en couches.
POUR ALLER PLUS LOIN :
Un océan sous la surface de Pluton ?
How the Pull of an Icy “Heart” Sent Pluto’s Poles Wandering
Formation of the Sputnik Planum basin and the thickness of Pluto’s subsurface
ocean
The Pluto
System After New Horizons par A. Stern Southwest et al Research Institute
Surface
Compositions Across Pluto and Charon
Geological mapping of Sputnik Planitia on Pluto
Un site très complet sur Pluton :
Pluto rules.
Sputnik
Planitia par Wikipedia avec de nombreuses photos.
The CH4 cycles on Pluto over seasonal and astronomical timescales par Forget
et Bertrand
Pluton, les nouveaux mondes : CR de la conf IAP d’A. Doressoudiram du 2 Mai
2017
Pluton et New Horizons : CR de la conférence SAF de F Forget du 19 Nov 2014
Le dossier
New Horizons et Pluton sur votre site préféré.
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15 Février 2020 15H au siège :
Sujet et invité à
définir
Bon ciel à tous
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Martin SAF Commission de
Planétologie
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