Mise
à jour 02 Juillet 2024
CONFÉRENCE de
Etienne BURTIN Astrophysicien CEA (IRFU)
« PERCER LE MYSTÈRE DE
L’ÉNERGIE NOIRE AVEC
LE GRAND RELEVÉ DE GALAXIES DESI»
Organisée par la SAF
En direct du siège et par téléconférence
Le Samedi 22 Juin 2024 à 15H00
À l'occasion de la réunion de la Commission de Cosmologie
Photos : JPM, MC et TM pour l'ambiance.
Les
photos des slides sont de la présentation de l'auteur.
Voir les crédits des autres photos et des animations.
Le
conférencier a eu la gentillesse de nous donner sa présentation, elle est
disponible sur
ma liaison ftp et
se nomme :
Juin2024-burtin-DESI-2.pdf,
qui se trouve dans le dossier COSMOLOGIE-SAF/
saison 2023-2024.
Ceux
qui n'ont pas les mots de passe doivent me
contacter avant.
Les actualités
présentées
sont ici.
La
vidéo de la séance se trouve : en
cours de montage.
Les
enregistrements des commissions cosmologie sont sur le site de la SAF/Cosmologie
à l’adresse suivante :
Nous
étions une douzaine dans la salle et 16 sur Zoom.
DESI : Dark Energy Spectroscopic Instrument
Etienne Burtin est physicien à l’IRFU, l’Institut de Recherche sur les lois
Fondamentales de l’Univers, située au CEA Saclay, au département cosmologie.
Il a
débuté dans la physique des particules sur la structure du proton avant de se
diriger vers la cosmologie.
Il
est
déjà
venu nous voir
il y a peu, pour nous parler de DESI et des grands relevés, il se
trouve
qu’une nouvelle campagne vient de se terminer et il nous en parle aujourd’hui.
Voici son introduction :
Le
grand relevé de galaxies DESI vient de publier les résultats de sa première
année d’observations.
La
précision de DESI dépasse déjà celle de tous les précédents relevés cumulés.
Dans cette présentation nous passerons en revue les résultats de DESI portant
sur la détection des oscillations acoustiques de baryons et leurs implications
cosmologiques et nous montrerons les contraintes que DESI apporte pour percer le
mystère de l’Energie Noire.
Etienne Burtin nous parle d’abord du modèle cosmologique LamdaCDM
Jusqu’à 380.000 ans après le BB (à l’époque du CMB, où z=1000) l’Univers est
sous forme de plasma.
L’Univers serait composé de
De rayonnement
De matière ordinaire (5% du contenu énergétique)
De matière noire (25%) et
De l’énergie noire (70%)
Les
Baryons (nous, les étoiles..) ne représentant que 5%
Le
rôle important des
ondes acoustiques BAO
est ensuite expliqué :
UN
RAPPEL SUR LES BAO :
Les
oscillations acoustiques baryoniques (BAO) sont des oscillations périodiques de
la matière baryonique (c'est-à-dire la matière ordinaire composée de protons et
de neutrons) dans l'univers primordial.
Elles se sont produites
en raison des interactions entre la matière et le rayonnement dans l'univers
très jeune.
La
vitesse du son dans ce contexte est cruciale car elle influence la taille des
structures observées aujourd'hui.
Les
fluctuations de densité créées par les instabilités gravitationnelles se
déplacent à cette vitesse du son dans le plasma primordial, générant des ondes
acoustiques. Lorsque l'Univers se refroidit suffisamment pour permettre aux
électrons de se combiner avec les protons pour former des atomes d'hydrogène (le
CMB), les photons se découplent des baryons, marquant la fin de ces oscillations
acoustiques. Ces oscillations
ont laissé une empreinte
caractéristique qui peut encore être observée aujourd'hui dans la distribution
des galaxies.
La
vitesse du son dans le plasma primordial (qui dépend du rapport photons/baryons)
influence directement la distance à laquelle ces ondes acoustiques peuvent se
propager avant la recombinaison.
Cette distance se manifeste dans la distribution des galaxies sous la forme
d'une échelle caractéristique, connue sous le nom d'échelle des BAO (BAO
standard ruler en anglais), que l'on peut observer aujourd'hui dans la structure
à grande échelle de l'Univers.
Elle
correspond à une distance caractéristique d’environ 500 millions d’al. Cette
« règle cosmique » peut être utilisée pour étudier l’Univers à différentes
époques.
Fin
du rappel.
Dans
le plasma de l’Univers primordial, il y a propagation d’ondes acoustiques dues
aux surdensités de matière et de rayonnement.
Ce
sont les oscillations acoustiques baryoniques (BAO : Baryonic Acoustic
Oscillations)
Ces
BAO ont un paramètre caractéristique, la «
distance BAO » au
niveau des galaxies les plus lointaines à différentes époques.
C’est un paramètre qui dépend de la distance de deux objets lointains à la même
époque. Ce paramètre se dilate avec l’expansion de l’Univers.
La
distance caractéristique de deux objets jeunes est plus petite que pour deux
objets récents, à cause de l’expansion de l’Univers.
À
l’époque du fond diffus cosmologique (CMB
z = approx 1100) ; vers 380.000 ans après le BB, quand l’Univers devient
transparent, les BAO se figent.
La
mesure des BAO, à différentes époques, dans les relevés de galaxies permet aux
cosmologistes de contraindre des paramètres cosmologiques importants, tels que
le taux d'expansion de l'Univers et la densité de matière baryonique.
Pour
cela il faut énormément de spectres à mesurer en même temps. C’est le rôle du
télescope DESI.
DESI
est capable de mesurer 5000 spectres sélectionnés en même temps toutes les 20
minutes.
DESI
est monté sur le 4m de Kitt Peak en Arizona.
2
milliards d’objets 35
millions de spectres.
En
tout : 10 spectro et chaque spectro = 500 fibres (100 microns de diamètre)
motorisées.
DESI
s’intéresse tout particulièrement à 5 classes d’objets dont les redshifts sont :
D’après le CEA :
Pour construire la
carte de l’Univers, DESI a choisi 5 types de “traceurs” de la distribution de
matière de l’Univers dans le but d’accéder à des époques différentes de
l'histoire de l’Univers, de maintenant jusqu’à 11 milliards d’années.
L’univers proche est sondé par un échantillon de galaxies très brillantes
(Bright Galaxy Sample, BGS). Ensuite DESI utilise des galaxies rouges lumineuses
(Luminous Red Galaxies, LRG) qui sont des galaxies massives ayant terminé leur
cycle de formation d’étoiles. Viennent après les galaxies à raies d’émissions
(Emission Line Galaxies, ELG), galaxies plus légères et formant des étoiles qui
permettent de sonder l’Univers entre 8 et 10 milliards d’années. Enfin,
l’univers lointain est reconstruit grâce aux objets les plus lumineux de
l’univers, les quasars. Ils sont utilisés de deux manières distinctes, soit
directement par leur position comme dans le cas des galaxies, soit
indirectement, en détectant les nuages de gaz d'hydrogène dans leurs spectres
grâce à l'absorption dans la forêt Ly-alpha.
·
Pour
0 <z < 0,4 : 13 millions des galaxies les plus brillantes
·
Pour 0,4 < z <
1 : 8 millions de galaxies LRG (Luminous Red Galaxies)
·
Pour 0,6 < z <
1,6 : 16 millions de galaxies ELG (Emission Line Galaxies) galaxies à raie
d’émission
·
Pour 0,9 < z <
2,1 : 3 millions de quasars (QSO) et pour z > 2,1 les galaxies avec raie Lyman
alpha.
En
tout près de 40 millions d’objets.
Les
cercles bleus correspondent chacun à UNE fibre, les petits cercles à l’intérieur
de ces cercles correspondent aux objets étudiés, la couleur donnant leur nature.
Toutes ces mesures menant à une
représentation 3D
d’une partie de l’Univers dont on voit clairement la structure filamentaire.
Cette carte à trois dimensions du ciel est produite par DESI. Chaque point
représente une galaxie ou un quasar dont le spectre et ainsi le décalage vers le
rouge ont été mesurés et permettent de déterminer la distance à laquelle ils se
trouvent.
Crédit : Claire Lamman/DESI collaboration and Jenny Nuss/Berkeley Lab
Tiré
du communiqué de l’organisation :
En mesurant cette
distance caractéristique (l’échelle BAO) pour plusieurs types de galaxies
différents, la collaboration DESI a ainsi mesuré l’histoire de l’expansion de
l’Univers au cours de 11 derniers milliards d’années. L’analyse fine de ces
données permet de préciser notre compréhension de l’Energie sombre, dont la
nature est encore inconnue et qui est responsable de l’accélération de
l’expansion de l’Univers. En particulier, les résultats de DESI tendent à
montrer que l'Énergie sombre pourrait ne pas être décrite par une constante
cosmologique mais qu’elle aurait évolué au cours du temps.
L’ÉCHELLE BAO.
Revenons à cette échelle standard BAO.
Vue
d’artiste des BAO, où les galaxies ont tendance à s’agglomérer en sphères.
Le
rayon de ces sphères (trait blanc) correspond à l’échelle BAO servant à
déterminer l’évolution des galaxies.
Crédit : Zosia Rostomian / Lawrence Berkeley National Laboratory)
L’échelle
BAO :
rd
= distance parcourue des ondes acoustiques jusqu’au CMB.
Perpendiculaire à la ligne de visée :
DM(z)
= Diamètre angulaire de la distance (comobile), thêta BAO étant l’angle BAO
Dans
la ligne de visée :
H
(z) = Taux d’expansion de l’Univers. Delta zBAO = séparation angulaire
Ces
deux derniers paramètres décrivent l’évolution de l’expansion de l’Univers.
LES
RÉSULTATS.
On
compare les données avec ce qui correspondrait d’une parfaite fidélité au modèle
Lambda CDM.
À
priori les premières analyses ne donnent pas un désaccord flagrant.
Histogrammes des “pics BAO” pour
les différents types de traceurs de la matière mesurés par DESI. Les
points de mesure montrent l’écart des points de mesure avec le
modèle LambdaCDM ainsi qu’un modèle cosmologique pour lequel la
quantité d’énergie sombre varie au cours du temps (ligne tiretée).
Crédit: DESI collaboration, A. de Mattia
|
|
Contraintes apportées par DESI
dans le cadre d’un modèle où l’énergie sombre peut varier au cours
de l’évolution de l’Univers (les contours montrent les intervalles à
68% et 95% de confiance). Les contraintes sont faites en combinaison
avec les données du fond diffus cosmologique (CMB) et de plusieurs
échantillons de supernovae provenant de groupes différents
(Pantheon+, Unions and DES-SN5YR).
L’énergie sombre est considérée
comme un fluide avec une densité ρ et une pression P reliée par une
équation d’état P = w ρ. Une constante cosmologique serait à w0=-1
et wa=0.
Crédit: DESI collaboration, A. de
Mattia |
Comme le montre la figure inférieure, les données BAO de DESI, combinées avec
les mesures du CMB et pour les différents échantillons de supernovae, préfèrent
w0 > -1, wa < 0, alors que les valeurs attendues pour la constante cosmologique
sont (w0, wa) = (-1, 0) (en pointillés sur la figure). Il semble donc que les
données préfèrent une accélération de l’expansion légèrement différente d’une
constante cosmologique : plus rapide au début de la domination de l’énergie
sombre, il y a 6 milliards d’années, et moins rapide aujourd’hui.
L’énergie noire n’aurait pas été constante au cours du temps.
DESI
semble indiquer une valeur de w = - 0,997 +/- 0,025 proche d’une constante
cosmologique mais pas égale.
DESI ET LA CONSTANTE DE HUBBLE.
Les
mesures de DESI ne donnent pas directement une valeur pour H, la constante de
Hubble, mais elles tracent la quantité de matière dans l’Univers (Omega m).
Cette figure montre
les mesures de H0 par DESI en fonction de divers cas de figure.
Mais dans l’ensemble Omega m est plus petite que celle provenant du CMB,
c’est-à-dire que H0 est un peu plus grand que celui du CMB.
DESI donne une valeur moyenne de H0 = approx 68 km/s/Mpc.
Donc
différente des mesures provenant des Super Novae.
Il
existe bien un problème (une tension disent les anglo-saxons) sur la constante
de Hubble.
Crédit : Collaboration DESI.
DESI ET LA MASSE DES NEUTRINOS.
Quelques rappels :
La
masse du ou des neutrinos, c’est un peu l’Arlésienne de la cosmologie, jusqu’à
présent on ne connaissait pas la masse des différents types de neutrinos, on ne
connaissait que le rapport de masse entre eux.
Évidemment pas très satisfaisant pour l’esprit, aussi de nombreuses expériences
ont été menées afin de résoudre ce problème.
Au
début on pensait les neutrinos sans masse, en fait ils en ont une mais très très
faible.
Ils
n’ont pas de charge et ce sont des particules élémentaires comme n et e-.
Ce
sont des leptons (comme l’électron) de la famille des Fermions (les quarks sont
un autre membre de cette famille); on sait qu’il y a essentiellement deux types
de particules
élémentaires :
· Les Fermions sont des particules liées à la matière, ce sont tout ce
que l’on connaît : les atomes et les molécules
· Les Bosons, sont les « messagers » des Forces de la nature (qui sont
au nombre de 4) le photon est le plus connu de tous
Les
Fermions sont partagés en trois familles (pourquoi trois ??? mystère pour le
moment) de Quarks et Leptons :
Seule la première famille donne naissance à de la matière stable.
Il
y a trois familles de neutrinos « ordinaires ».
· Le neutrino électronique
· Le neutrino tauique
· Le neutrino muonique
Il y
a de nombreuses sources de neutrinos :
· L’atmosphère
· Le Soleil
· Les réacteurs nucléaires
· La Terre (neutrinos géologiques)
· Les accélérateurs de particules
· Les explosions d’étoiles : les supernovas
· Les accélérateurs astrophysiques (trous noirs…)
· L’Univers et ses neutrinos cosmologiques.
On
s’est aperçu au cours du temps que les neutrinos changeaient d’état le long de
leur parcours. C’est en 1998 que Super Kamiokande a découvert l’oscillation des
neutrinos signifiant que ces particules ont une masse.
Il
faudrait au moins avoir une idée de la masse des neutrinos ; c’est le but de l’expérience
KATRIN (Karlsruhe
Tritium Neutrino) de nos amis Allemands.
Fin
du rappel.
Les
mesures de DESI ont permis d’améliorer les contraintes sur la somme des masses
des neutrinos, on a trouvé :
Somme des masses neutrinos < 0,072 eV à 95% de confiance.
Les
prochaines données de DESI (2028), et les données de la mission Euclid
apporteront un éclairage supplémentaire.
POUR ALLER PLUS LOIN :
Lorsque les neutrinos rencontrent les « oscillations acoustiques baryoniques »…
Les
premiers résultats de DESI constituent la mesure la plus précise de l’expansion
de notre Univers
Dark
Energy Spectroscopic Instrument
DESI
en route vers l'Énergie Sombre
Measuring the Universe with Baryon Acoustic Oscillations
Lien
vers tous les articles techniques
publiés par l’équipe DESI.
The
2024 BBN baryon abundance update
Quelques nouvelles des neutrinos
par Th Lasserre
Les neutrinos de
l’Univers :
CR de la conf SAF (Cosmo) de Th Lasserre du 18 Janvier 2014. à lire absolument
Les Neutrinos :
Honorés par le Prix Nobel de physique
neutrinos conf SAF Yh Lasserre 10 juin 2020
Direct
neutrino-mass measurement based on 259 days of KATRIN data
DESI
2024 VI: Cosmological Constraints from the Measurements of Baryon Acoustic
Oscillations
PROCHAINE RÉUNION
COSMOLOGIE : Samedi xx Octobre 2024 15h AU SIÈGE
Une
invitation sera envoyée deux semaines avant.
PROCHAINE CONFÉRENCE MENSUELLE DE LA SAF :
Prochaine conférence SAF. : le
mercredi 11 Septembre 2024 (CNAM) 19 H
avec Alain
RIAZUELO Astrophysicien
IAP sur « LES DERNIÈRES
NOUVELLES DES TROUS NOIRS »
Réservation comme d’habitude à
partir du 15 Août 9h00 ou
à la SAF directement.
La suivante : le 9 Octobre
: Transmission en direct sur le canal YouTube de la SAF : https://www.youtube.com/channel/UCD6H5ugytjb0FM9CGLUn0Xw/feautured
Bon
ciel à tous
Jean
Pierre
Martin
Président de la commission de cosmologie de la SAF
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