mise à jour le 19 Novembre 2004

CONFÉRENCE DE PATRICK MICHEL,
Docteur en Astrophysique, chercheur au CNRS
"LES GÉOCROISEURS :
UNE MENACE DANS LE SYSTÈME SOLAIRE"

LORS DES RENCONTRES DU CIEL ET DE L'ESPACE

Organisée par l'AFA (Association Française d'Astronomie)
à la Cité des Sciences de Paris

Le 13 Novembre 2004

Photos : JPM pour l'ambiance.

BREF COMPTE RENDU

Patrick Michel travaille, le chanceux à l'Observatoire de la Côte d'Azur (OCA) à Nice, on pourrait rêver moins bien comme lieu de tortures!!

Son propos est de nous prévenir des menaces qui tournent dans l'immensité au dessus de nos têtes, ces morceaux de cailloux que l'on appelle astéroïdes.

Comme vous le savez ces astéroïdes proviennent pour la plupart de ce que l'on a coutume d'appeler la ceinture des astéroïdes, vaste champ de pierres situé entre Mars et Jupiter.

Notre première réaction est de se dire que c'est bien loin tout ça, oui et non, car ces pierres errantes arrivent par action pernicieuse des lois Newtoniennes à venir de temps en temps nous frôler ou partager notre orbite.

On les baptise alors astéroïdes géocroiseurs ou tout simplement géocroiseurs. (NEO en anglais : Near Earth Objects : objets s'approchant de la terre).

Ce n'est pas une menace en l'air (mauvais jeu de mots!), en fait ces objets ont déjà croisé notre planète, il suffit de penser aux pauvres dinosaures vaincus probablement par une pierre de quelques dizaines de km de diamètre (merci à elle, elle a permis à l'homme actuel d'émerger, sans cela nous aurions une drôle de tête aujourd'hui.

Mais on n'a pas besoin de se projeter aussi loin, il suffit de revenir un siècle en arrière avec l'événement de la Tungunska en Sibérie où un corps de 50m de diamètre seulement a détruit 2000km2 en 1908.

Les cicatrices de telles rencontres célestes disparaissent rapidement de notre terre, en effet, rien ne résiste au vent et à l'eau, toutes les marques s'effacent inexorablement , si bien que seul une centaine de cratères d'origine météoritique sont visibles à la surface du globe. Le plus connu est le Meteor Crater en Arizona qui n'est vieux que de 65.000 ans.

Mais que sont ces astéroïdes? Ce ne sont pas comme on l'a cru faussement les restes d'une planète qui a explosé, non ce sont les restes de la nébuleuse solaire qui n'ont pas réussi à former une planète. C'est tout différent. Pourquoi?

La réponse c'est toujours Newton : les deux plus gros corps du système solaire sont bien évidemment le Soleil d'abord et ensuite Jupiter; le soleil attire toutes les planètes autour de lui , mais l'attraction de Jupiter n'est pas négligeable, si bien qu'il existe une zone dans le système solaire où ces attractions entrent en conflit, vous voyez où; oui bien sûr entre Mars et Jupiter, c'est cette fameuse ceinture des astéroïdes, endroit où aucun corps de taille importante ne peut se former, tirailler par les attractions antagonistes de Jupiter et du Soleil. à chaque fois qu'un corps tente de s'agglutiner (s'accréter on dit) il est brisé par ces forces et ré alimente la ceinture.

N'allez pas croire que c'est comme dans Star Wars quand on rencontre un champ d'astéroïdes, en fait dû à l'immensité de l'espace vous avez très peu de chance (!?!) d'en rencontrer un. Désolé Han Solo, l'espace est plein de vide ton Millenium Falcon ne ferra pas de mauvaises rencontres de ce genre sauf dans les films!!

Comme le dit joliment Patrick Michel, les astéroïdes sont l'ADN du système solaire. C'est pour cette raison qu'il faut les étudier.

La ceinture d'astéroïdes que l'on voit ici contient a peu près 1 million de corps plus gros que 1km de diamètre, 50.000 objets sont catalogués.

Les géocroiseurs supérieurs à 1km sont a peu près 1000.

Voici les quelques groupements des géocroiseurs :

- Les Atens : avec le demi grand axe (distance moyenne au soleil) plus petit que celui de la Terre, mais la distance de l'apogée supérieur au périgée terrestre, nommé d'après le 2062 Aten

- Les Apollos : avec le demi grand axe (distance moyenne au soleil) plus grand que celui de la Terre, avec leur périgée inférieur à l'apogée terrestre, nommé d'après le 1862 Apollo

- Les Amors : ce sont des géocroiseurs avec l'orbite extérieure à la Terre mais intérieur à Mars, nommé ainsi d'après 1221 Amor et aussi Eros

- Les IEO : Inner Earth Object : ceux qui sont intérieurs à l'orbite terrestre découvert récemment et très difficile à localiser à cause de leur position près du Soleil..

Tout cela semble compliqué, mais un petit dessin explique tout plus facilement. (tiré du site de l'observatoire de Nice)

Et pour couronner le tout, les plus dangereux de tous sont les PHA : Potentially Hazardous Asteriods , astéroïdes potentiellement dangereux, ceux qui ont une chance (minime) de heurter un jour (demain ou dans 1 million d'années) la Terre.

Tous ces petits corps ont des formes irrégulières et d'autant plus irrégulière que leur taille est petite.

On le constate avec les astéroïdes visités par les diverses sondes spatiales dont la célèbre NEAR (Near Earth Asteroid Rendez Vous) dont vous devez voir le site absolument.

Voici un exemple de quelques uns de ces égarés :

Ida et Dactyl Gaspra

Diverses vues d'Eros par la sonde NEAR

Pourquoi de telles formes patatoïdes? À cause des collisions multiples et des fragments qui s'arrachent. Il peut y avoir accrétion temporaire puis éclatement de l'astéroïde par les forces de gravitation ou par collisions, toutes les formes même les plus tordues sont autorisées. De même la nature de ces astéroïdes dépend du degré d'accrétion qui s'est enclenchée, suivant qu'une différenciation a eu lieu ou pas (lente migration des corps lourds : le fer par exemple vers le centre de l'objet). Une collision mettra à nu le noyau ferrique et donnera naissance à un astéroïde de type ferrique (Kleopatra par exemple).

De plus le phénomène de résonance joue un rôle extrêmement important dans la population des astéroïdes. C'est ce phénomène qui crée des densités de population plus, ou moins importante dans la ceinture. Ce phénomène est lié aux effets de marée entre les différents corps du système solaire, il existe des zones où ces effets s'ajoutent ou se retranchent donnant naissance à des vides ou des pleins comme pour les anneaux de Saturne. Ce sont les lacunes de Kirkwood (Kirkwood gaps).

La probabilité qu'a un astéroïde de nous toucher dépend bien entendu de sa taille, on peut donner le tableau suivant :

Taille du corps	Fréquence de collision terrestre	Effets sur Terre
300m	Tous les 60.000 ans	Destruction à l'échelle d'un pays
600m	Tous les 250.000 ans	Destruction d'un continent
1200m	Tous les millions d'années	Effet planétaire majeur
10.000m	Tous les 100 millions d'années	Adieu veaux vaches cochons et hommes

Rappelons que l'événement de la Tungunska ne faisait que 50m! il faut donc se prémunir contre de tels tueurs.

C'est l'objet de plusieurs programmes automatiques de recherche (principalement US et anglais, nous ne semblons pas concernés en France par ce problème) qui sont :

LINEAR du MIT : Lincoln Near Earth Asteroid Research

SPACEWATCH : du Lunar and Planetary Institute de l'Arizona

NEAT :Near Earth Asteroid Tracking du JPL Pasadena Californie.

En Europe on a crée un panel de 6 experts dans ce domaine , le NEOMAP : Near Earth Objects Mission Advisory Panel dont notre conférencier Cannois fait parti (cocorico!); c'est un comité de coordination qui doit émettre des recommandations sur la meilleure façon de s'affranchir du risque astéroïde.

Cela va donner naissance à plusieurs nouvelles missions dont les plus importantes sont :

Don Quijote mission en deux parties, un impacteur doit exploser à la surface d'un astéroïde et être suivi par un orbiteur pour analyser les conséquences sur l'orbite.

Ishtar tomographie radar d'un astéroïde.

SIMONE : de petits satellites pour étudier les astéroïdes.

D'autres missions.

Voici une animation (attention 7MB!!!) par Deimos Space la société impliquée dans le projet Don Quijote qui vous montre en détail la mission; il vous faut un Media Player (par exemple Windows Media Player que vous pouvez charger ICI).

Les recommandations du NEOMAP ont été publiées en Juillet 2004 et je vous conseille de lire ce texte de 63 pages pdf qui résume très bien la situation et qui décrit la plupart des missions précédentes avec détails.

Ah on est loin de Bruce Willis sauveur du monde!!

Ceci a aboutit aussi dans le monde entier à plusieurs autres missions d'étude, dont une rapportée ici, la mission Deep Impact qui devrait impacter le 4 Juillet 2005 un noyau de comète (Tempel 1).

Donc le monde bouge un peu, c'est rassurant, on va enfin pouvoir connaître les réactions d'un astéroïde à un impact ou à une explosion pour voir ce qu'il faut faire le jour où……….

Et comme conclue notre ami Patrick Michel : la destruction de la Terre par un astéroïde est le désastre naturel le moins probable, l'homme s'attache à rendre d'autres désastres funestes plus probables.

Faut il souhaiter qu'il ait tort?

RÉFÉRENCES À CONSULTER :

Liste en français des géocroiseurs

Par des étudiants en DEUG, un article sur les astéroïdes

Site français très complet sur les NEO

À voir aussi les astrofiles en français.

Par votre serviteur une présentation type Power Point sur astéroïdes comètes et météorites.

L'indispensable centre US répertoriant les petits objets : le Minor Planet Center MPC. :

Bon ciel à tous

Jean Pierre Martin www.planetastronomy.com