mise à jour le 27 Janvier 2005

 

     

CONFÉRENCE SUR "LES TROUS NOIRS GÉANTS"

Sous titrée "Depuis les quasars jusqu'au cœur de la Voie lactée"

Par Suzy COLLIN-ZAHN,
Astrophysicienne à l'Observatoire de Meudon

Directeur de recherches au CNRS

Organisée par la SAF

À l'Institut Océanographique   rue St Jacques, Paris

 

Le Mercredi 19 Janvier 2005 à 20H30

 

Photos : JPM pour l'ambiance.

 

BREF COMPTE RENDU

 

Suzy Collin, présentée ici par Claude Picard président de la commission  de cosmologie de la SAF, est astrophysicienne, elle s'intéresse aux quasars depuis sa thèse sur ce sujet et c'est devenue une grande spécialiste de ces drôles de phénomènes.

 

 

 

 

MAIS AU FAIT QUE SONT CES QUASARS?

Quasars c'est l'abréviation anglo-saxonne de quasi stellar radio sources (source radio quasi stellaire) on dit aussi QSO (Quasi Stellar Object).

Ce sont des astres (qui ont été découverts dans les années 1960 au Mont Palomar comme source de rayonnement radio par Maarten Schmidt), très lumineux qui ressemblent à une étoile mais qui ont un très grand redshift z.

Le facteur "redshift" z représente le décalage de la longueur d'onde de la lumière mesurée par rapport à la longueur d'onde réelle.

 

z = (λ mesurée - λ réelle) / λ  réelle

Les étoiles et galaxies s'éloignent de nous provoquant un décalage de leur lumière vers le rouge par effet Doppler, plus la lumière est rouge plus elles sont loin, z rend compte de ce décalage , voici un site US qui définit clairement ce facteur indicateur de distance avec un exemple de calcul.

En d'autres mots, plus le z est grand et plus la distance est grande. Il caractérise aussi le "retour en arrière" vers l'origine (le BB), par exemple un z= 0 veut dire l'état actuel; z= 1   45% de l'age de l'univers soit 6 milliards d'al : z= 7 correspondant à 5% de l'age de l'univers, 700.000 ans après le BB; plus z grossit plus on se rapproche du Big Bang.

 

Les redshifts que l'on connaissait dans les années 1960 étaient inférieurs à 0.20 (4 milliards d'années lumière).

 

Les quasars ont des z généralement beaucoup plus élevés. Les plus éloignés, sont à 13 milliards d'années lumière de nous (z=5,8) ce qui veut dire qu'ils ont vécu environ un milliard d'années après le Big Bang (avec comme paramètres H0 = 68 km/s/Mpc , densité matière 0.3 (30%) et densité énergie noire 0.7).

Ces quasars sont peu visibles mais en gamma ils apparaissent très brillants comme par exemple 3C279.

 

 

 

Ils sont très puissants et très lointains.

 

L'énergie rayonnée par un quasar typique est équivalent à 10.000 galaxies (1040 W) ou 1000 supernova par an.

 

Ils sont aussi très petits et d'éclat variable.

 

Leur dimension est parfois inférieure à quelques heures lumière c'est à dire un milliard de fois plus petit qu'une galaxie.

Il y a là un paradoxe que les astrophysiciens doivent résoudre : comment produire autant d'énergie dans un si petit volume????

 

Il est impossible de mettre tant d'étoiles dans un si petit volume.

 

La solution viendra 20 ans plus tard : c'est l'énergie gravitationnelle qui est en jeu.

 

CE CORPS NE PEUT ÊTRE QU'UN TROU NOIR.

 

Tout corps peut devenir un trou noir si ses dimensions sont suffisamment petites, comme il a été montré dans un article précédent.

En simplifiant (car il faudrait en fait se placer dans le cadre de la relativité générale) , on peut dire que tout cela est lié à la notion de vitesse de libération : vitesse qui permet de quitter l'attraction d'un astre.

Plus l'astre est massif plus la vitesse de libération est grande; alors certains (déjà au XVIIIème siècle!!!) se sont posé la question suivante : quelle doit être la taille d'un astre pour que la vitesse soit égale à celle de la lumière?

Bonne question en effet. Il deviendrait alors un astre dont même la lumière ne pourrait pas s'échapper : un trou noir.

 

Facile à calculer, pour le Soleil, il faudrait qu'il ait 3km de diamètre pour devenir un trou noir; pour 100 millions de soleil (masse typique d'un quasar) cela ferait 2 UA (unité astronomique).

Pour une masse donnée le rayon limite est appelé rayon de Schwarzschild (Rsch = (2 G M) /c2) ou horizon du trou noir (event horizon en anglais).

 

Alors comment devient on trou noir, par vocation?

Non tout est déterminé à la naissance de l'étoile, par sa masse quand elle commence à allumer les réactions nucléaires.

 

Son avenir est tracé, une étoile moyenne comme notre Soleil va vivre pendant 10 milliards d'années puis grossira pour devenir géante rouge et s'écroulera ensuite sur lui même : une naine blanche est née.

 

Les étoiles plus massives ont une vie beaucoup plus brève et vont finir par exploser. Elles grossissent et deviennent des géantes qui explosent en supernova. Le reste de l'étoile devient alors soit une étoile à neutrons (masse < 3 Ms) ou un trou noir (masse > 3 Ms).

 

Au centre des quasars se trouve un trou noir; comment est il alimenté?

C'est simple, il avale tout ce qui est dans sa zone d'action : gaz interstellaire et étoiles.

 

(dessin Félix Mirabel CEA/ESA)

 

Le gaz ou la matière ainsi avalé spirale autour du trou noir avant d'y pénétrer et perd ainsi son énergie par friction.

 

Il se crée un disque d'accrétion, qui produit du rayonnement , et un jet des deux côtés le long de l'axe de rotation.

 

 

 

 

 

 

 

On peut voir sur cette animation un disque d'accrétion (en simulation) en train de se former, il vous faut Media Player que vous avez certainement sinon c'est gratuit à télécharger, allez y cela vaut le coup de voir cela. (crédit : Reference: C.Kindl, Diploma Thesis (Radiation Fields of AGN-Accretion Disks), U Heidelberg (IWR) 1995). On voit les rayons de lumière courbés par la gravité, on peut ainsi même arriver à voir "derrière" le trou noir.

 

 

 

ON A MAINTENANT PLUSIEURS PREUVES DE L'EXISTENCE DES TROUS NOIRS DANS LES QUASARS.

 

         Les raies spectrales (en X) sont émises tout près du centre et sont déformées par le champ de gravité intense.

         La puissance émise correspond à la puissance maximum des trous noirs avalant du gaz, soit 1040 W pour 1 milliard de Ms

         La zone d'émission est très réduite.

 

Alors la question que l'on peut se poser est la suivante : avons nous des quasars dans notre voisinage?

Il serait bon de le savoir avant qu'il nous avale.

 

La réponse est : OUI mais moins puissant (Ouf on respire!).

 

LES NOYAUX ACTIFS DE GALAXIES (Active Galaxies Nuclei en anglais).

 

Ces "mini" quasars sont au cœur de 2% des galaxies proches, ce sont des noyaux très denses et très lumineux, plus lumineux que la galaxie entière, mais quand même 10 à 100 fois moins lumineux que les "vrais" quasars.

 

On les appelle d'un nouveau nom, les noyaux actifs de galaxies et les galaxies qui les contiennent s'appellent des galaxies actives.

Ils ont les même caractéristiques que les quasars.

 

Un exemple ce ces noyaux actifs de galaxies est NGC 4261 vu par Hubble.(photo de gauche).

 

 

 

 

 

Il existe plusieurs sortes de ces galaxies "quasariennes", notamment :

 

LES GALAXIES DE SEYFERT;

 

La plupart (90%) n'émettent aucun rayonnement dans le domaine des fréquences radio; ce sont les galaxies de Seyfert (du nom du découvreur Karl Seyfert)

 

 

Les noyaux de ces galaxies émettent souvent 10 fois plus de lumière qu'une galaxie standard et leur luminosité peut aussi varier dans le temps.

 

 

 

 

 

 

 

 

Il y a encore des autres objets que l'on compare aux quasars , ce sont en particulier :

 

LES RADIO GALAXIES.

 

Les 10% restant de galaxies actives, émettent dans le domaine des radio fréquences, l'émission provient du cœur et de lobes symétriques provenant de la rencontre tumultueuse des jets de la galaxie avec le gaz interstellaire.

 

Image radio de la galaxie Cyg-A (à 21cm), dans le Cygne. À gauche

(Crédit VLA Conway et Blanco).

On voit parfaitement les deux lobes s'étendant sur 500.000 années lumière et le noyau central.

 

Voici la même image en X par le satellite Chandra. À droite

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

Et voici à gauche l'explication graphique par l'observatoire Chandra

 

Cyg-A est à 700 millions d'al de nous.

 

 

C'est la radio source la plus puissante du ciel!

 

 

On peut aussi voir comme exemple le noyau de M87 vu par Hubble et Chandra.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

OÙ SONT PASSÉS LES QUASARS D'ANTAN?

 

Lorsque les quasars cessent de rayonner (car ils ne vivent pas vieux sinon ils deviendraient trop massifs), les trous noirs restent!

 

On doit donc retrouver la même masse sous forme de trous noirs dans notre environnement proche.

 

Mais la masse des trous noirs dans les noyaux actifs de galaxies proches de nous est cent fois plus petite, alors?

 

Les cœurs des galaxies "normales" contiennent aussi des trous noirs massifs.

On estime la masse du trou noir en étudiant par effet doppler les mouvements des étoiles et du gaz qui l'entourent, car il leur donne de grandes vitesses; il entraîne en effet dans sa course les étoiles qui lui sont proches.

 

On trouve qu'il existe des trous noirs de 1 million à 1 milliard Ms au sein de nombreuses galaxies (probablement au sein de pratiquement toutes les galaxies). Et leur masse totale est approximativement égale à la masse des quasars éteints. Donc c'est une bonne preuve.

 

ET NOTRE GALAXIE À NOUS? LA VOIE LACTÉE

 

Elle n'échappe pas à la règle, on vient de trouver un immense trou noir de quelques millions de Ms au centre de la Voie Lactée dans le Sagittaire, il s'appelle SgrA*.

 

Article à ce sujet : voir présentation

Le trou noir au centre de la galaxie en français.

 

 

On consultera aussi avec intérêt la conférence de D Rouan au sujet du Trou Noir de notre galaxie.

 

Il y a sur le site de l'observatoire Gemini une très belle animation (13MB!! Malheur à ceux qui n'ont pas le haut débit!!) que vous pouvez sélectionner en allant sur cette page

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un travail portant sur 15 ans a permis de déterminer la masse de ce trou noir géant : plus de 3 millions de Masses solaires.

Une chance il n'est pas actif et relativement petit!

 

Mais comme le dit notre conférencière, attention il peut redevenir actif dans….quelques millions ou milliards d'années.

 

 

 

Et de conclure sur notre Galaxie qui va peut être absorber les nuages de Magellan.

 

 

 

 

 

 

 

 

Merci Madame Collin de nous donner de l'espoir sur la possible montée en grade de notre habitat cosmique.

 

Vous nous avez emmené très loin dans l'espace et dans le temps il faut maintenant s'attaquer à des contingences plus terrestres, rentrer chez soi à quelques pico secondes lumière.

 

 

 

QUELQUES RÉFÉRENCES :

 

DES LIVRES :

 

** Livre de Suzy Collin (avec G Stazinka)  Aux Confins de l'Univers, les Quasars (épuisé)

 

** Les trous noirs de JP Luminet en poche dans la série Sciences au Seuil (8,50 €)

Remis à jour récemment

 

Un très bon ouvrage de référence très clair avec de nombreuses illustrations.

 

 

 

 

 

 

 

** Pour la Science numéro spécial Juillet 1997 : épuisé

(existe en cd rom)

 

un article à ce sujet a été scanné et est proposé sur le web,

c'est " Plongeon dans un trou noir" de JP Luminet.

 

 

 

 

 

DES MAGAZINES SPÉCIALISÉS :

** Ciel et Espace Février 2005 ; en plus de Titan (bien sûr) article sur le trou noir au centre de la galaxie par Jean-François Haït: L'existence d'un trou noir massif au centre de notre galaxie se confirme de jour en jour. Une équipe du CEA apporte de nouveaux indices, qui semblent confirmer la rotation du trou noir. Prochaine étape : l'observation de celui-ci grâce à un interféromètre radio géant.

 

** Science et Vie Février 2005 : Article de fond sur "Notre Galaxie est une cannibale!" (18 pages) par B Noël L Orluc et v Greffoz

simple et de belles et claires illustrations.

 

 

 

DES SITES INTERNET UTILES POUR ALLER PLUS LOIN :

 

Thierry Lombry de Luxorion sur les Quasars.

 

         Le trou noir au centre de notre galaxie par l'ESO. En français.

 

         Foire aux questions (FAQ) à propos des quasars (anglais mais simple)

 

         Cours sur les trous noirs par l'Université du Tennessee (vous savez là d'où venait Davy Crockett!!) super bon.

 

         Hubble et les quasars.

 

         Chandra et les quasars

 

         Hubble et le trou noir massif de notre galaxie.

 

         Notre trou noir a été actif récemment d'après l'ESA, info très récente (26 janvier 2005)

 

         Encore un site sur le super trou noir de notre galaxie.

 

         Explications simples sur les trous noirs en anglais par la NASA.

 

         Les noyaux actifs de galaxies par le GSFC (anglais).

 

         Article précédent dans les Astronews : un trou ça va, deux trous bonjour les dégâts!

 

 

Bon ciel à tous

 

 

Jean Pierre Martin   www.planetastronomy.com

Membre de la SAF