mise à jour le 10 Juillet 2006

 

CONFÉRENCE
"DÉFAUTS TOPOLOGIQUES ET UNIVERS PRIMORDIAL"

Par Mairi SAKELLARIADOU

King's College London,
Organisée par l'IAP

98 bis Av Arago, Paris 14 ème

 

le mardi 4 Juillet 2006 à 19H30

 

 

 

Photos : JPM.pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)

 

 

 

BREF COMPTE RENDU

 

 

 

 

 

 

Par ce mardi beau et chaud (contrepétrie belge!) de coupe du monde de Football, amphi quand même relativement plein (Mr Mouette il faut demander un budget pour de l'air conditionné!) pour écouter Mairi Sakellariadou du King's Gollege de Londres, une des plus vieilles universités (attention au faux ami en anglais "college" veut dire université ou faculté!!, le collège au sens français du terme c'est school et le lycée high school!!) fondée justement par le roi George IV.

 

 

Pour information James Clerk Maxwell venait du King's College.

 

 

Mairi Sakellariadou va nous parler ce soir dans le cadre du colloque sur la cosmologie inflationnaire organisée par l'IAP,  des défauts topologiques et de leurs liens avec l'Univers primordial.

 

 

 

 

 

 

LE MODÈLE DU BIG BANG.

 

Mairi commence son exposé par une description du modèle actuel du Big Bang que nos lecteurs connaissent bien et qui est résumé en ces quelques lignes.

 

Principe cosmologique : à grande échelle (ce qui veut dire à l'échelle des distances entre galaxies), l'Univers est le même dans toutes les directions.

 

Une illustration est cette image de l'APM Galaxy Survey qui donne une idée de l'immensité et de la répartition des galaxies, cette photo représente une largeur de ciel de 30°.

 

Le modèle actuel du Big Bang décrit surtout ce qui s'est passé après. Il décrit comment l'Univers chaud et dense s'est dilaté et s'est refroidi.

Il ne dit rien de ce qui à explosé et dans quoi.

 

L'Univers primordial était très chaud, la température est liée à la longueur d'onde des photons émis (loi de Boltzmann) :

·        les objets chauds ont des courtes longueurs d'onde (grande énergie) et

·        les objets froids ont des longues longueurs d'onde (plus faible énergie).

 

La lumière des objets célestes est importante car c'est à peu près tout ce qu'on reçoit comme information des étoiles et galaxies.

L'Univers en se dilatant se refroidit et les galaxies s'éloignent de nous à une vitesse proportionnelle à leur distance (loi de Hubble- Lemaître) ceci donne naissance au phénomène de décalage vers le rouge (red shift).

L'Univers est encore plein d'une radiation qui est le résidu de la chaleur dégagée par le BB, c'est le fond diffus de radiation cosmologique (ou CMB en anglais) qui vaut aujourd'hui 2,7K (-270°C), l'Univers est donc …..froid dans son ensemble.

 

Pour information 4 10-12 sec après le BB, sa température était de l'ordre de 3 1015 K!!!

 

L'Univers est à ce moment là une soupe de particules élémentaires et d'anti-particules dans un état condensé et chaud dans ….une tête d'épingle.

 

Tout dans l'Univers vient de cette soupe primordiales, nous aussi.

 

300 ou 400.000 ans après le BB, l'Univers se calme et il devient transparent, c'est l'image de cette époque que nous avons aujourd'hui avec le CMB, pour voir plus loin dans le passé; on ne peut que faire des calculs théoriques.

 

La physique des particules élémentaires qui est TESTÉE ET VÉRIFIÉE dans les accélérateurs de particules, peut nous emmener jusqu'à 10-10 sec après le BB.

 

Pour voir plus près encore du BB il faudrait utiliser l'Univers même comme ultime accélérateur de particules.

 

 

 

PROBLÈME AVEC LE MODÈLE STANDARD.

 

La température du fond diffus est étonnement homogène , 1 partie pour 100.000 dans toutes les directions, or la lumière a été émise quelques centaines de milliers d'années après le BB, c'est à dire à une période où l'information n'aurait pas pu parcourir (limitée par la vitesse de la lumière) plus de 1° d'arc dans le ciel de l'époque.

 

Dans l'Univers primordial, des régions de cet Univers séparées par une distance plus grande que celle que la lumière aurait pu parcourir, ne peuvent donc rien savoir l'une de l'autre.

 

Donc quand on observe des régions du ciel éloignées, elles sont en fait bien plus distantes que les 300 ou 400.000 ans.

Il ne s'est donc pas passé assez de temps pour des informations aient pu passer d'une région à l'autre, alors comment expliquer l'homogénéité de la température entre ces régions?  D'où le problème!

 

Ceci a donné naissance au célèbre modèle de l'inflation qui s'est rajouté au Big Bang, il a été élaboré par A Linde et A Guth en 1981, qui sont d'ailleurs les invités de ce colloque sur la cosmologie inflationnaire à l'IAP il y a quelques jours. (the first 25 years of the inflation cosmology)

 

(Photo d'écran de Alan Guth pendant sa présentation sur l'historique de l'invention de l'Inflation prise pendant le retransmission vidéo du colloque).

 

 

 

 

 

À son début l'Univers était dominé par la matière exotique ce qui a provoqué une expansion très rapide, analogue à une gravité répulsive.

L'échelle de l'Univers change de 1040 en l'espace de 10-32 secondes, l'Univers mesurait 1cm!

 

 

La conséquence d'une telle expansion rapide : elle a aplati l'espace et l'a homogénéisé comme on le voit avec cet exemple d'une fourmi marchant sur un ballon.

 

Après cette période inflationnaire, la quantité d'énergie a réchauffé l'Univers et a produit après condensation la matière que l'on voit aujourd'hui.

 

Les très faibles irrégularités locales ont servi de point de condensation pour la formation des galaxies.

 

 

 

Pendant le premier million d'années c'est l'ère des photons ensuite la matière prend le relais avec la formation des grandes structures.

 

 

BRISURE DE SYMÉTRIE ET FORMATION DE DÉFAUTS TOPOLOGIQUES.

 

 

En introduction, pour faire comprendre la notion de brisure de symétrie, Mairi Sakellariadou nous propose une comparaison avec une table dressée pour le dîner.

 

Il y a autant d'assiettes que de couverts, mais la question se pose: doit on prendre les couverts de droite ou les couverts de gauche (je dois avouer que généralement c'est avec l'assiette à pain que le problème se pose pour moi), la disposition est symétrique entre la gauche et la droite de chaque invité. Lorsque quelqu'un décide de prendre un des couverts, il y a brisure spontanée de symétrie.

Mais il est possible (dîner de cosmologistes!!) que votre voisin de droite prenne le couvert à sa gauche et votre voisin de gauche le couvert à sa droite, alors vous n'avez plus de couverts pour vous, c'est un défaut topologique.

 

 

 

 

De telles brisures de symétrie existent dans la vie courante, par exemple, l'eau.

Liquide l'eau est symétrique, elle a le même aspect dans toutes les directions. En baissant la température, elle devient glace, c'est un changement de phase, les cristaux de glace ne sont pas symétriques, ils ont une direction préférentielle; il y a perte de symétrie.

 

De même si on observe la surface d'une étendu d'eau qui a gelé en hiver, elle n'est pas parfaitement uniforme, la congélation ne s'est pas faite d'une seul tenant, ces défauts sont analogues à des défauts topologiques.

 

 

En cosmologie, c'est similaire, les transitions de phase amènent des défauts topologiques qui peuvent être de deux ordres :

·        du 1er ordre : dramatiques

·        du 2ème ordre : en douceur

 

Les transitions du premier ordre se produisent par la formation de bulles de la nouvelle phase qui apparaît au milieu de l'ancienne et qui grossissent jusqu'à remplir tout l'espace.

Les transitions du deuxième ordre ont pour caractéristique que l'ancienne face se transforme d'une manière continue.

 

BRISURE SPONTANÉE DE SYMÉTRIE DANS L'UNIVERS PRIMORDIAL.

 

Les symétries qui sont brisées à très basse température ne le sont pas habituellement à haute température.

Si la température de l'Univers à son début était suffisamment haute, il aurait subit une transition de phase lors de son expansion et de son refroidissement.

 

On pense qu'il s'est produit un certain nombre de transitions de phase avec brisure de symétrie dans l'Univers primordial, qui auraient pu conduire à la formation de défauts topologiques.

 

La séparation des forces de l'Univers lors de la baisse de température, correspond à une telle brisure de symétrie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Revenons à notre exemple de la table avec les couverts, il y a deux choix possibles : gauche et droit; il y a donc des frontières entre les régions de choix différents, ce sont les murs de domaine ("domain walls" en anglais).

 

Que se passe t il si il y a plus de choix possibles?

 

À cet effet notre conférencière nous cite une analogie pour nous faire comprendre; une pendule et les fuseaux horaires.

 

 

 

 

En principe on pourrait prendre n'importe quelle heure comme heure locale dans chaque pays ou ville, mais pour éviter des problèmes, on choisit une convention qui fait que l'heure est la même dans tout le pays. De même à l'échelle mondiale, on créé les fuseaux horaires par convention et par commodité.

 

Les fuseaux horaires correspondent à une brisure spontanée d'une symétrie continue, il apparaît alors des singularités aux Pôles (ou des vortex). Autour de chaque pôle le fuseau horaire change de 24 heures le long d'un chemin fermé autour du pôle.

Le fuseau horaire n'est pas défini autour du pôle, la symétrie est restaurée.

 

 

 

LES CORDES COSMIQUES.

 

Une corde cosmique est un défaut topologique à une dimension dans la structure même de l'espace-temps.

Elles se produisent quand des régions différentes de l'espace sont soumises à des transitions de phase entre différents domaines qui se rencontrent.

 

Les cordes cosmiques auraient joué un rôle prédominant dans l'évolution cosmologique. Ces défauts topologiques seraient issus d'un changement de phase trop rapide (donc imparfait) de l'Univers, peu après le Big Bang.

 

Remarque : une corde cosmique (cosmic string) n'a rien à voir avec les cordes de la théorie des cordes (string theory), c'est dommage d'avoir choisi le même nom, mais enfin il est trop tard.

 

Il n'y a pas encore d'observations de cordes cosmiques, ce n'est qu'une hypothèse pour le moment.

Seul le calcul théorique semble prouver leur existence.

 

Des défauts topologiques se forment aussi au cours de transitions de phase dans certains systèmes de matière condensée comme les superconducteurs ou les superfluides.

 

Exemple : la superfluidité de l'Hélium 3.

Quand il est superfluide à très basse température (très proche du zéro absolu), l'He3 ne se comporte plus comme un liquide normal avec des molécules indépendantes, il se comporte comme si les molécules étaient liées entre elles, il se produit localement des vortex, des tourbillons, ce sont en fait des défauts. Ces zones là ne reviennent pas immédiatement à leur état initial, ces défauts pourraient être une mémoire de ce qui s'est passé avant.

 

De même des cristaux liquides montrent des séries de défauts topologiques.

 

 

COMMENT LES CORDES COSMIQUES ÉVOLUENT ELLES?

 

L'expansion de l'Univers étire les cordes.

 

 

(dessin tiré de Cambridge Cosmology)

 

Quand deux longues cordes se croisent, elles échangent leurs extrémités ou forment une boucle.

 

Les cordes cosmiques si elles existent devraient être très fines, de l'ordre du diamètre d'un proton et auraient une densité énorme.

Ce seraient des sources d'énergie gravitationnelle.

Une corde cosmique de 1km de long exercerait une force de gravité plus importante que celle de la Terre.

 

Les cordes cosmiques auraient formé un réseau de boucles dans l'Univers primordial et leur action gravitationnelle seraient responsables de l'accrétion de matière qui a donné naissance aux super structures.

 

 

Une des conséquences de cette énorme action gravitationnelle est la formation de lentilles gravitationnelles bien connues de nos lecteurs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Les cordes cosmiques sont étudiées en fait sur des calculateurs qui procèdent à des simulations numériques, comme nous le montre cette animation que Mairi nous passe avant sa conclusion.

 

L'animation a été effectuée par Christophe Ringeval de l'Université de Genève, on voit les grandes cordes se couper et donner naissance aux grandes structures de l'Univers.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CONCLUSIONS.

 

Pour décrire les premiers stades de notre Univers, on construit des modèles cosmologiques inspirés par la physique des particules élémentaires.

 

Les modèles comme les cordes cosmiques, donnent des signatures que l'on peut tester en les comparant avec les observations de l'astrophysique.

 

Ceci nous permet de décrire les premiers instants de l'Univers et tester des théories qui demanderaient des énergies bien au delà de nos possibilités actuelles et même futures des accélérateurs de particules.

 

Le modèle des cordes cosmiques est en accord avec le modèle standard du Big Bang.

 

On ne pourra jamais voir une corde cosmiques, on ne peut que constater leurs effets.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Merci pour ce voyage dans l'extrême!

 

 

 

 

 

 

POUR ALLER PLUS LOIN.

 

Un site de base de l'Université de Cambridge sur les cordes cosmiques (en anglais), à voir absolument.

Dont notamment certaines simulations qui sont sur cette page et sur celle-ci.

 

Les cordes cosmiques par l'encyclopédie Wikipedia. (anglais).

 

Défauts topologiques et fluctuations du rayonnement fossile : de nouvelles prédictions par l'IAP.

 

Formation des grandes structures par des défauts topologiques par l'IAP.

 

Les cordes cosmiques par Th Lombry de Luxorion.

 

La première seconde de l'Univers par nos amis des Astrofiles.

 

Les défauts topologiques par le groupe ultra basses températures de Grenoble.

 

La conférence de P Peter sur les tout premiers instants de l'Univers (cycle Einstein 2005).

 

 

 

 

Un livre à lire : DES DÉFAUTS DANS L'UNIVERS;

 

 

En se formant sur un lac, en hiver, la glace montre des petites imperfections en zigzag dues à la congélation indépendante des différentes parties de sa surface. Les physiciens appellent ce type de phénomènes des " défauts topologiques ".

 

De façon analogue, l'expansion et le refroidissement de l'Univers primordial, où régnaient des conditions exceptionnelles inaccessibles à nos technologies, n'ont sans doute pas pu se dérouler uniformément et des défauts cosmiques ont dus être générés.

 

Bien sûr, l'approche de ces défauts requiert la compréhension des diverses branches de la physique, mais les connaissances les plus pointues en la matière sont ici exposées en termes clairs et sans équations, et ainsi rendues accessibles, pour la première fois, à un large public.

 

Sont mises en valeur les données les plus récentes obtenues tant par des observations astrophysiques que par des expériences mettant en jeu des matériaux peu ordinaires, à la base des futures technologies, ou encore par des simulations numériques, purement théoriques. Le grand nombre d'illustrations associées au texte permet d'en comprendre les difficultés, jamais techniques mais souvent conceptuelles

 

 

 


Ces fascinants objets théoriques, fruits de l'union de la physique des particules élémentaires et de la théorie de l'expansion cosmologique, conjonctions entre le monde de l 'infiniment petit et celui de l 'infiniment grand, peuvent nous permettre de mieux comprendre le comportement de la nature à des énergies extrêmes. Ils pourraient aussi être responsables de la formation des grandes structures (galaxies, amas de galaxies...) présentes dans l'Univers. Pourrons-nous jamais les observer ? L'avenir nous le dira..

 

Sommaire du livre :

 

 

 

 

 

C'est tout pour aujourd'hui!

 

Bon ciel à tous

 

Jean Pierre Martin

http://www.planetastronomy.com/