mise à jour le 18
Mai 2006
CONFÉRENCE
SUR
"LA NUIT N'EST PAS NOIRE,
L'ÉVOLUTION DES GALAXIES RÉVÉLÉE PAR SPITZER"
Par Hervé DOLE,
Maître de conférences Paris Sud Orsay; IAS Orsay
Organisée par la
SAF
À l'Institut
Océanographique rue St Jacques, Paris
Le Mercredi 17 Mai 2006 à 20H30
Photos d'ambiance
: JPM. (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées
directement)
BREF COMPTE RENDU
Le titre de la
conférence de ce soir est assez énigmatique, Hervé Dole, jeune maître de conférences
à Paris Sud et au célèbre IAS (Institut d'Astrophysique
Spatiale) d'Orsay mais aussi baroudeur de l'Arizona, où il a été en poste
en tant que chercheur associé à la non moins célèbre UA (University of Arizona)
de Tucson.
Il est
astrophysicien, spécialisé dans les galaxies et en particulier dans les
galaxies Infra rouge. Inutile de dire qu'il a donc travaillé sur Spitzer notre
avant poste infra rouge dans l'espace.
Il possède aussi sa page Internet que je vous
conseille d'aller visiter.
Alors, pourquoi la
nuit est elle noire, non ce n'est pas du paradoxe d'Olbers dont nous allons
parler ici, mais plutôt de différents points de vue en fonction des différentes
longueurs d'onde lumineuses (vous savez tous cela depuis que vous avez assisté
à la conférence que j'ai donnée à la SAF sur les observatoires spatiaux dont le
compte rendu est
ICI et la version complète sur le site de la SAF sur le site de l'IAP (bon
courage, il
y a 300MB de données!).
La nuit est bien noire dans le domaine
visible, mais elle est plutôt brillante en IR, en radio et en X, il suffit de
s'en persuader en regardant les différentes vues de notre galaxie dans les
différentes longueurs d'ondes comme sur l'animation de droite (merci à mon fils
qui l'a faite et à la NASA qui a fourni les photos!).
On remarque que
dans le visible le centre galactique est opaque, les poussières stellaires nous
cachent la vue, mais dans l'IR ces poussières sont en fait
"éclairées" par les étoiles environnantes et ré-émettent dans l'IR ce
qui les rend lumineuses.
Pourquoi y a t il
de telles différences, cela va être en partie le sujet de cette conférence;
dont le plan est le suivant:
L'APPROCHE
MULTI LONGUEUR D'ONDE
Voici un exemple
d'une galaxie vue dans différentes longueurs d'onde.
NGC 1512 dans tous
ses états de l'UV à l'IR vue par Hubble
(Photo ESA/NASA)
Chaque type de
longueur d'onde renseigne sur une caractéristique particulière de la galaxie.
Les UV
nous renseignent sur les étoiles très jeunes et les IR sur les plus vieilles et
froides.
Tout ceci menant à
la vue composite de ces diverses vues. (photo ESA/NASA)
LA NUIT
N'EST PAS NOIRE.
La poussière
interstellaire absorbe les UV et le visible et émet dans l'IR, d'où l'intérêt
d'étudier les galaxies en IR.
|
|
On voit sur
cette diapo en noir, une simulation de galaxie ne contenant pas de poussières
et en rouge une avec énormément de poussières. L'échelle horizontale est la
longueur d'onde (de g àd de l'UV vers l'IR) et verticale échelle log de la
puissance "lumineuse". Que remarque t on de fondamental? Si une
galaxies exempte de poussières possède un spectre dans le visible, une (en
rouge) avec beaucoup de poussières voit son spectre se décaler vers les IR
très fortement. |
Sur cette diapo
c'est en fait un spectre typique de galaxie, où l'on voit dans la partie
gauche le rayonnement dans le visible correspondant aux étoiles et sur la
gauche la partie absorbée par la poussière et donc ré émise en infra rouge. |
Quand on
s'intéresse à tout le spectre de distribution de l'énergie de l'Univers on
arrive à une courbe comme celle ci.
En ordonnée la
puissance du signale en nW/m2/angle solide et en abscisse la gamme d'énergie
(échelle log).
Ce graphique est
très intéressant car en comparant les ordres de grandeur on remarque que la plupart de l'énergie de l'Univers se
trouve en micro ondes (le CMB) et en IR., le reste étant de deux ordres
de grandeur plus petit.
Alors intéressons
nous à ces deux types d'ondes.
LE BRUIT
DE FOND COSMOLOGIQUE (CMB).
Ou rayonnement
diffus ou rayonnement de fond.
On ne reviendra
pas sur la découverte fortuite par Penzias et Wilson en 1965 ce qui leur a valu
le prix Nobel quelques années plus tard, c'est un rayonnement homogène de
2,725K qui rempli le ciel de tous côtés.
Son origine :
Il correspond à
l'Univers primordial lorsque régnait un équilibre entre
rayonnement et matière. C'est la fin de l'époque de la soupe de
particules empêchant tout rayonnement de s'échapper, la température à baissé
(il fait 3000K) l'Univers vieillit (il est quand même très jeun, il a
300.000ans, un bébé à l'échelle humaine) et soudainement les photons peuvent
s'échapper et devenir "visible", ce rayonnement perd de l'énergie au
cours du temps (effet Doppler, redshift) et il nous arrive maintenant à 2,7K,
il baigne tout l'Univers dans le domaine des ondes radio.
Nous en avons
parlé lors des résultats de WMAP dans cet astronews
précédent.
On peut donc
compléter notre distribution d'énergie de l'Univers maintenant comme ci contre.
La prochaine
mission devant prendre le relais de WMAP est la mission
européenne Planck, départ prévu 2008.
LE FOND
EXTRAGALACTIQUE INFRA ROUGE OU FOND DIFFUS IR (CIB).
Il a été
découvert en 1996 il ne provient pas du Big Bang, il correspond au
rayonnement de toutes les générations de galaxies depuis le début des temps.
La majorité de la
lumière des galaxies distantes nous arrive aujourd'hui dans le domaine de
l'infrarouge, à des longueurs d'ondes supérieures à 5 microns.
Voici tiré d'un
article de Hervé Dole, la courbe de distribution de puissance du fond extra
galactique dans la gamme 0,1µ à 1mm.
La courbe violette
représente le spectre tel qu'il a été mesuré de différentes façons : soit par
les télescopes
HESS, ou les instruments IRAC de Spitzer etc..
L'intensité du CIB
est mesuré comme étant seulement 5% du CMB; mais est quand même supérieure au
reste du rayonnement : le visible et l'X.
OBSERVATIONS
DES GALAXIES.
L'intensité du
fond diffus infrarouge est maximale dans l'infrarouge lointain.
On s'est aperçu
qu'une grande partie de ce rayonnement IR diffus devrait provenir des sources
IR intenses appelées ULIRG
: Ultra Luminous Infra Red Galaxies, galaxies extra lumineuses en IR; mais
quelle leur origine?
On pense que cette
extrême luminosité est produite par la formation en grand nombre d'étoiles
suite à des collisions de galaxies ou par les AGN (Galaxies à Noyaux Actifs).
Voici pris par
Hervé Dole et son équipe des galaxies
lointaines IR vues par Spitzer, le champ de vue est un carré de 5 arc minutes
de côté.
Ici le trou de
Lockman, une région qui est "assez" vide du ciel.
Ces recherches ont
fait l'objet d'un communiqué
de presse.
DERNIÈRES
NOUVELLES SUR LE CIB.
(Basé sur le
communiqué de presse du CNRS)
Des galaxies
"cachées" responsables de 80% du fond de rayonnement diffus
infrarouge remplissant le ciel viennent d'être identifiées, grâce à une
nouvelle méthode indirecte d'analyse des données du satellite Spitzer de la
NASA.
L'Univers baigne
dans un rayonnement diffus composé de photons radios et infrarouges. Le
rayonnement radio, appelé rayonnement fossile, est très intense et a été
produit aux époques les plus anciennes de l'histoire de l'Univers. Le
rayonnement infrarouge, ou fond diffus extragalactique, a quant à lui pour
origine la lumière émise par les galaxies depuis leur formation.
Mais ce
rayonnement diffus provient de galaxies dont la plupart restaient invisibles
aux télescopes. La quête de ces galaxies "cachées" s'est donc
engagée, dans l'espoir d'améliorer les connaissances sur les processus
physiques aboutissant à la formation et à l'évolution des galaxies.
Des chercheurs de
l'Institut d'Astrophysique Spatiale (CNRS - Université Paris Sud) et de
l'Université d'Arizona (dont notre ami Hervé Dole) viennent d'obtenir, grâce au
photomètre multibande MIPS du satellite Spitzer de la NASA, les images parmi les plus profondes jamais prises dans
l'infrarouge, principalement aux longueurs d'ondes de 24 microns et dans
l'infrarouge lointain, à 70 et 160 microns.
Grâce aux images à
24 microns, l'équipe a identifié près de 20 000 galaxies, dont certaines de
flux apparents très faibles, et donc potentiellement très lointaines. En
revanche, presque aucune galaxie n'était détectée sur les images dans
l'infrarouge lointain. Or c'est dans ce domaine que les chercheurs pensaient
trouver le rayonnement diffus infrarouge le plus intense.
Les chercheurs ont
décidé d'empiler sur les ordinateurs de l'IAS
les images de plusieurs centaines à
plusieurs milliers de galaxies détectées à 24 microns, afin d'obtenir
des sources lumineuses beaucoup plus intenses que le rayonnement individuel de
chacune des galaxies. C'est la technique du "stacking".
(qui est utilisée par les astronomes amateurs quand ils veulent obtenir une
améliration du signal sur bruit, avec notamment des programmes comme IRIS)
L'équipe a répété
cet empilement mais dans l'infrarouge lointain, où les galaxies sont invisibles
individuellement. Les mêmes sources y ont été détectées, et constituent la
signature recherchée dans l'infrarouge lointain des galaxies
"cachées".
L'analyse précise
des images finales a révélé que ces galaxies sont très puissantes.
En comptabilisant
toute leur énergie, on a montré qu'elles sont responsables de 80% du fond
diffus infrarouge. L'étude a aussi montré que la majorité de ces galaxies sont
"à flambée de formation d'étoile" : contrairement à notre Voie
Lactée qui forme peu d'étoiles en moyenne, ces galaxies forment, dans des
épisodes violents, plusieurs dizaines de masses solaires d'étoiles par an. Il
incombera aux prochains satellites astronomiques de trouver les galaxies qui
composent les 20% restants, et qui seront peut-être les galaxies primordiales
tant recherchées par les scientifiques.
Sur ce graphique on a représenté la
répartition des divers fonds diffus : de droite à gauche (des plus grandes aux
plus petites longueurs d'onde, ou des plus petites aux plus grandes énergies) :
le bruit de fond cosmologique (CMB; le fond diffus IR (CIB) et le bruit de fond
optique dans le visible (COB).
Le CMB a son
origine au début de l'Univers, les CIB et le COB (appelés aussi bruit de fond
extra galactique ou EBL : extra- galactic Background Light) sont dus à la
lumière émise par toutes les galaxies.
Tous ces
bruits de fond remplissent l'Univers entier.
Les nombres
inscrits dans chaque bruit de fond correspondent à la luminosité de chacun. On
remarquera que l'EBL représente 5% de la luminosité du CMB (47 sur 960); ce qui
veut dire en terme imagé qu'il y a 115 photons IR pour un seul photon
visible!!!
Pour terminer
Hervé Dole nous passe une petite vidéo expliquant
ces dernières techniques.
Là
voici, on voit l'empilement en train de se produire et les résultats. On
voit les images à différentes longueurs d'onde , chaque image est le résultat
de l'empilement d'un nombre de galaxies qui apparaît dans le coin en haut à
droite (approximativement 1800 galaxies) . On remarque l'augmentation du
signal/bruit particulièrement à 70 et 160 microns. C'est dans ces zones IR que
l'intensité est la plus forte.
CONCLUSIONS
FUTURS PROJETS
Il y a
complémentarité entre visible et IR
La poussière est
omniprésente dans les galaxies.
On a découvert un
fond diffus Infra Rouge fondamental.
C'est ce fond
diffus qui intègre toute l'histoire de l'évolution et de la formation des
galaxies.
Son étude est
importante pour comprendre donc leur formation et évolution.
On attend avec
impatience les satellites Planck et Herschel pour continuer l'étude.
Merci Hervé Dole
pour ce voyage passionnant.
POUR
ALLER PLUS LOIN.
Le fond
extra galactique IR, le communiqué de presse en français.
Spitzer découvre les
galaxies lointaines.
La face cachée des
galaxies IR par G Lagache et B Guiderdoni en français.
Le fond infra rouge décodé
par le DAPNIA (CEA).
Un article de
Douglas Scott sur les
fonds CMB et CIB en anglais de 17 pages au format pdf.
Une présentation
Power Point de Emeric Le Floc'h sur les ULIRG
de 6,4MB.
Sur ce site :
Un astronews sur
les derniers
résultats de WMAP.
Archives des
astronews sur l'Univers
en IR.
Présentation sur
les télescopes
spatiaux à la SAF.
Bon ciel à tous
Jean Pierre
Martin www.planetastronomy.com
Membres de la SAF