Mise à jour le 23 Février 2018
CONFÉRENCE - DÉBAT
« LES TROUS NOIRS : LEUR NATURE,
ET LEUR RÔLE EN PHYSIQUE ET EN ASTROPHYSIQUE »
À L’ACADÉMIE DES
SCIENCES INSTITUT
DE FRANCE
13 Février 2018
23 Quai Conti Paris 75006
Photos : JPM pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution
peuvent m'être
demandées directement)
BREF COMPTE RENDU
La grande salle des
séances de l’Académie pour cet évènement exceptionnel.
1.
Les Trous noirs, une
introduction par Thibault Damour
2.
Les trous noirs quantiques par
Pierre Vanhove
3.
L’évolution des trous noirs
et leurs galaxies hôtes par Marta Volonteri
4.
Observer les trous noirs :
une nouvelle astrophysique par Éric Gourgoulhon
Les trous noirs sont une des prédictions les plus
novatrices de la théorie de la relativité générale d’Einstein. Il a fallu une
cinquantaine d’années de développements théoriques, et d'observations
astronomiques, pour commencer à appréhender leur signification physique, et pour
comprendre comment ils sont formés lors de l'évolution des étoiles et des
galaxies. Les trous noirs jouent aujourd’hui un rôle crucial non seulement en
astrophysique mais aussi en physique des particules, et en particulier dans les
théories essayant d’unifier la relativité générale et la physique quantique.
Après avoir rappelé l'histoire et la nature des trous noirs, la conférence
expliquera le rôle qu'ils jouent en physique et en astrophysique, et présentera
les observations actuelles et futures dont ils sont l'objet.
Une remarque, comme toujours, toutes les présentations étaient
brillantes et très intéressantes, mais sont passées très (trop ?) vite.
La prise de notes était difficile, il faudra se reporter aux
présentations mises en ligne avec la vidéo de l’évènement pour avoir plus de
détails.
L’évènement étant accessible à tous en vidéo, je ne ferai pas de
long CR.
1 ) LES TROUS NOIRS :
UNE INTRODUCTION PAR THIBAULT DAMOUR
Académie des sciences, Institut des Hautes Études Scientifiques,
Paris
Tibault Damour est physicien théoricien, professeur à l’Institut
des Hautes Études Scientifiques et membre de l'Académie des sciences.
Il est connu pour ses travaux novateurs sur les trous noirs, les
pulsars, les ondes gravitationnelles et la cosmologie quantique.
Il a reçu, entre autres distinctions, la médaille Einstein et la
médaille d'or du CNRS.
Voici ce qui en est dit de sa présentation sur le site :
Bien
que Karl Schwarzschild ait trouvé dès janvier 1916 la première solution de type
trou noir des équations d’Einstein, il a fallu une cinquantaine d’années de
développements théoriques pour commencer à appréhender leur signification
physique et leur formalisation mathématique.
En parallèle, les progrès conceptuels et les découvertes
observationnelles de l'astronomie et de l'astrophysique du vingtième siècle ont
convaincu les astrophysiciens de la nécessaire existence des trous noirs dans
l'univers réel.
On résumera la physique classique des trous noirs qui a été
explorée dans les années 1970 et a révélé une grande richesse de propriétés :
irréversibilité, formule de masse, propriétés mécaniques, électriques,
hydrodynamiques et thermodynamiques.
On résumera aussi les confirmations observationnelles directes de
l’existence de trous noirs apportées par les observations récentes de la
collaboration LIGO-Virgo.
Quelques extraits de slides :
|
|
Les trous noirs posent un problème fondamental : où passe
l'information lorsqu'une particule tombe dans le trou noir ?
L'entropie d'un trou noir s'exprime :
-avec A l'aire du trou noir, k la constante de Boltzmann, h la
constante de Planck, c la vitesse de la lumière et G la constante de
gravitation.
Si le TN possède une entropie, il possède alors …une
température !
Il serait donc capable de…rayonner ! Mais rien ne peut sortir
théoriquement d’un TN, alors ? Ce sont les fluctuations quantiques qui vont
résoudre le problème.
Dans le vide (qui n’est pas vide !) il existe des paires
particules/antiparticules, des particules virtuelles, qui vont se créer et
disparaitre.
Elles vont donner naissance à un rayonnement « d’évaporation »,
le rayonnement de Hawking.
POUR ALLER PLUS LOIN :
Les
troublants trous noirs présentation pdf par T Damour. À voir absolument.
Le rayonnement de Hawking par J Fric de la SAF (Cosmologie)
Trous Noirs et Grav Quant à boucles : CR conf SAF avec Al. Perez du 11 Mai
2016
2 ) LES TROUS NOIRS
QUANTIQUES PAR PIERRE VANHOVE
Institut de physique théorique, CEA, Saclay
Pierre Vanhove est chercheur à l’institut de physique théorique
du CEA à Saclay, membre du Churchill College à Cambridge et membre associé au
laboratoire « symétrie miroir et représentations automorphes » à Moscou.
Grâce aux symétries de dualité, il détermine les corrections
quantiques de théorie des cordes à la gravitation d’Einstein.
Par ailleurs, il a développé des méthodes mathématiques nouvelles
pour calculer les amplitudes de diffusion en théorie des champs et a calculé la
première correction de gravité quantique à l’angle de déviation de la lumière
par le Soleil, calculé par Einstein en 1915.
Voici le résumé de sa présentation :
Les détections des ondes gravitationnelles fournissent des
informations de plus en plus précises sur les trous noirs astrophysiques
classiques, mais leur nature quantique reste encore inaccessible à l’expérience
et l’observation malgré leur importance pour la physique fondamentale.
Toute théorie de gravité quantique prédit la production de trous
noirs quantiques microscopiques à très haute énergie.
En 1974, Stephen Hawking découvre l’évaporation des trous noirs
par l’émission d’un rayonnement quantique.
En 1996, A. Strominger et C. Vafa font le premier comptage des
états microscopiques de trous noirs grâce à la théorie des cordes.
Aujourd’hui, la nature du rayonnement d’Hawking pose un défi
majeur à la physique théorique, pourtant une meilleure compréhension peut amener
à l’observation de manifestations physiques de la gravitation quantique.
Dans cet exposé, nous présenterons les caractéristiques
universelles de la structure quantique des trous noirs microscopiques.
Nous expliquerons comment le comptage des états microscopiques
des trous noirs contraint fortement toute théorie de gravitation quantique.
Les TN classiques sont définis par :
·
Leur Masse
·
Leur Moment angulaire et
·
Leur charge.
Pour résoudre l’incompatibilité entre la RG et la MQ, il y a deux
chemins possibles :
·
Faut-il modifier la gravitation, c’est la théorie
des cordes ou
·
Faut-il modifier la mécanique quantique, c’est
l’approche gravité quantique à boucles
La cohérence de la gravité quantique nécessite l’introduction de
micro trous noirs.
|
|
Le paradoxe de l’information quantique : L’évaporation des TN :
Que devient l’information :
·
Si elle disparaît avec le TN : cela viole lrègles
de la MQ
·
Si elle est émise comme radiation de Hawking,
cela viole aussi les règles de la MQ
D’où l’idée de Hawking de trouver la MQ incomplète.
Illustration : Le diagramme ci-contre illustre une explication de
l’effet Hawking.
Il se crée en permanence des paires particule/antiparticule qui
s’annihilent au bout d’un temps très court : des fluctuations quantiques du
vide.
Il est illustré sur le schéma par les flèches oranges.
Il est possible qu’une paire particule/antiparticule se forme de
part et d’autre de l’horizon d’un trou noir (en gris) ; il est donc possible
qu’une des particules puisse échapper au champ gravitationnel tandis que l’autre
reste prisonnière (flèches bleues).
En 1997 Juan Maldacena, propose une théorie des champs conforme
(en anglais conform field theory ou CFT) à partir d’une théorie de jauge.
Elle va s’appeler la
correspondance
AdS/CFT pour Anti de Sitter/CFT. Elle donnerait une résolution formelle du
paradoxe sans violer les lois de la MQ.
En 2005, S Hawking admet que l’information n’est pas perdue et
qu’il faut modifier la RG mais pas la MQ !
Alors que faire ??
POUR ALLER PLUS LOIN :
La
gravitation quantique présentation par P Vanhove à l’ENS.
Gravité et
MQ conférence vidéo par P Vanhove à l’IPhT
Les micro
trous noirs par Wikipedia.
Les micro
trous noirs primordiaux par A Barrau et al.
Le trou
noir et le principe holographique – par Luxorion
L’univers holographique (4) : la conjecture de Maldacena blog de JP Luminet.
3 ) L’ÉVOLUTION DES
TROUS NOIRS ET LEURS GALAXIES HÔTES PAR MARTA VOLONTERI
Institut d'Astrophysique de Paris
Marta Volonteri
est directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique
(CNRS) depuis 2012.
Elle a obtenu son diplôme de Laurea en physique en 1999 et son
doctorat en astronomie en 2003 à l'Université de Milan, en Italie.
Après sa thèse, elle a travaillé à l'Université de Californie à
Santa Cruz (États-Unis), à l'Institut d'astronomie à Cambridge (Royaume-Uni) et
a été professeur à l'Université du Michigan (États -Unis).
Sa recherche se concentre sur la formation et l'évolution des
trous noirs massifs, ainsi que sur la dynamique stellaire et les ondes
gravitationnelles.
Voici le résumé :
Des trous noirs massifs(TNSM) pesant des millions de masses
solaires et davantage siègent aujourd’hui au centre des galaxies, y compris dans
notre propre Voie lactée. Leur masse représente environ un millième de celle de
la masse stellaire de la galaxie qui les entoure.
De tels trous noirs massifs sont aussi à l’origine de l’énergie
des noyaux actifs de galaxie et des quasars que l’on trouve dans toute
l’histoire de l’Univers profond, jusqu’à quelques centaines de millions d'années
après le Big Bang.
Les progrès remarquables des observations et des modèles
théoriques ont non seulement établi leur existence, mais démontré la corrélation
de leur évolution avec celle de leur galaxie hôte.
La rétroaction des noyaux galactiques actifs actionnés par les
trous noirs massifs est un ingrédient clé pour expliquer les taux de formation
d’étoiles observés.
Il y a une interaction complexe entre la croissance des trous
noirs et l'évolution cosmique des galaxies.
Cet exposé traitera de la façon dont les trous noirs massifs se
sont développés dans les galaxies, tant dans les premières galaxies émergeant
des âges sombres que dans les galaxies locales.
Les trous noirs dans l’Univers :
·
Les trous noirs stellaires correspondant à
l’effondrement d’une étoile massive en fin de vie
·
Les trous noirs super massifs (quelques millions
à qq milliards de masses solaires) au centre de la plupart des galaxies. Ce sont
les sources des noyaux actifs et des quasars.
Parmi ces derniers, il peut y en avoir des massifs actifs,
lumineux comme des galaxies entières. Exemple :
3C273 qui fait 1012 fois la luminosité du Soleil approx. La
région active étant de la taille du Système Solaire.
Il existe aussi des trous noirs inactifs, catégorie heureusement
à laquelle appartient,
le nôtre
au centre de notre galaxie. Il est à peine plus lumineux que notre Soleil.
La masse des trous noirs situés au centre des galaxies est liée à
la masse totale de la galaxie, en première approximation on a trouvé un rapport
de l’ordre de :
1 à 1000 ou 10.000.
Graphique : masse des TNSM en masses solaires par rapport à la
masse totale des galaxies en masses solaires aussi.
Ces TNSM possèdent donc un rôle essentiel dans l’évolution de la
galaxie hôte.
La formation des TN massifs.
Ils sont formés à partir de la même matière dont les galaxies
sont formées : gaz et matière noire.
Le point de départ est une galaxie primitive composée d’un halo
de matière noire et d’un centre avec condensation du gaz. La plus grande partie
du gaz va former des étoiles, mais une petite partie va former le TN central
suivant une des routes indiquées sur ce schéma.
La croissance de ces trous noirs massifs peut se faire par fusion
entre trous noirs ou par accrétion de gaz.
Il semblerait qu’il existe une rétroaction entre le TN central et
la galaxie, à savoir :
·
Alimentation : la galaxie nourrit le TN à travers
les flots de gaz
·
Rétroaction : les TN actifs produisent de
l’énergie sous forme cinétique et radiative.
L’énergie produite par le TN chauffe et raréfie le gaz qui ne
peut plus ni nourrir le TN ni fabriquer d’étoiles.
Si le TN devient « affamé », il redevient inactif, la production
d’énergie cesse, la gaz peut refroidir, former des étoiles etc.. et le cycle
recommence.
En conclusion :
·
Les TN massifs sont au centre de la plupart des
galaxies
·
Leurs processus de formation sont encore
largement inconnus
·
Les TN massifs ont grandi principalement par
accrétion
·
La production d’énergie des TN actifs façonne
leur environnement grâce à la rétroaction
·
La fusion de TN massifs promet un nouvel espace
de découvertes
POUR ALLER PLUS LOIN :
Relations between central black hole mass and total galaxy stellar mass in the
local universe par M Volonteri
The Formation
and Evolution of Massive Black Holes par M Volonteri
Co-évolution cosmique Trous noirs/Galaxies par Françoise Combes
4 ) OBSERVER LES TROUS
NOIRS : UNE NOUVELLE ASTROPHYSIQUE PAR ÉRIC GOURGOULHON
Observatoire de Paris, Meudon
Éric Gourgoulhon est directeur de recherche au CNRS, au
Laboratoire Univers et Théorie de l'Observatoire de Paris (Meudon).
Ses travaux portent sur divers domaines de la physique des objets
compacts (étoiles à neutrons, trous noirs) et des ondes gravitationnelles.
Il est l'un des développeurs de la bibliothèque numérique Lorene
pour la résolution des équations d'Einstein, ainsi que du module de géométrie
différentielle du logiciel libre de calcul formel SageMath.
Il est également auteur d'un ouvrage sur le formalisme 3+1 de la
relativité générale, ainsi que d'un manuel de relativité restreinte.
Depuis la première observation en septembre 2015 de la fusion de
deux trous noirs en ondes gravitationnelles, l'astrophysique est entrée dans une
nouvelle ère.
En parallèle, dans le domaine électromagnétique, de nouveaux
instruments (Event Horizon Telescope et VLTI/GRAVITY) commencent actuellement
des observations à très haute résolution angulaire du trou noir massif au cœur
de notre galaxie, pour la première fois à l'échelle de l'horizon des évènements.
Je décrirai les perspectives ouvertes par ces nouvelles
observations, aussi bien sur le plan astrophysique (mécanismes de formation des
trous noirs stellaires) que sur le plan des théories de la gravitation (tests de
la relativité générale).
On sait qu’il existe plusieurs types de trous noirs,
principalement :
-Les TN stellaires : évolution ultime d’étoiles massives (3 à
quelques dizaines de masses solaires comme Cygnus X1), il en existe quelques
dizaines de millions par galaxie.
-Les TN super massifs : situés en principe au centre de toutes
les galaxies massives (comme M87), leurs masses : de qq centaines de milliers à
qq milliards de masses solaires.
-Les TN de masse intermédiaire comme
ESO 243-49 HLX-1
Une vingtaine de systèmes binaires de TN en fonction de leurs
dimensions.
Credit: Jerry
Orosz (see http://mintaka.sdsu.edu/faculty/orosz/web/).
Les cinq fusions de trous noirs détectées à ce jour par ondes
gravitationnelles, ainsi qu'un sixième signal en pointillé pas encore confirmé.
Crédit :
LIGO/VIRGO
En violet, des mesures précédentes
de plus petits TN basées sur l’émission X.
Le
trou noir super massif au centre de notre Galaxie : Sgr A*
Voici sur ce graphique cette étude sur 15 ans des étoiles situées
en son centre.
On voit ici à gauche, les orbites de 6 étoiles tournant autour du
TN central.
Le film que vous pouvez voir : http://www.eso.org/public/videos/eso0226a/ est
un must à voir !
Je vous donne une autre version plus bas inclue dans ce CR.
Ce n’est PAS une animation, c’est le relevé réel de mouvements
d’étoiles.
On voit un ballet d'étoiles qui suivent des orbites Képlériennes,
on en déduit le point autour duquel elles tournent, il est invisible, sa masse
serait de quelques millions de masses solaires, c'est un trou noir géant, celui
qui est au centre de notre galaxie (comme de la plupart des galaxies). C’est Sgr
A*.
Ce TN central
ferait approx 4 millions de masses solaires, l’étoile proche (S2) qui orbite ce
TN a une vitesse orbitale de 2% de la vitesse de la lumière et sa période est de
16 ans.
Vidéo (https://youtu.be/r3qSr5HmGkI)
Maintenant le nouveau défi : peut-on le voir depuis la Terre ????
Grâce à un réseau mondial de télescopes, on devrait pouvoir
tenter d’obtenir une image du TN de notre galaxie ou du moins de son disque
d’accrétion.
Ce réseau c’est l’EHT (Event
Horizon Telescope)
Une autre possibilité est
l’instrument
Gravity monté au VLT.
En conclusion : l’observation des trous noirs est entrée dans une
ère nouvelle avec l’introduction de nouveaux télescopes plus performants et même
de télescopes à l’échelle mondiale.
Ils nous donnent une opportunité de vérifier la gravitation en
champ fort et de voir si il existe des violations au fait que le TN n’a pas de
cheveux.
POUR ALLER PLUS LOIN :
Les trous noirs, observations : CR de la conf. d’Éric Gourgoulhon à la SAF
(Cosmologie) le 26 nov 2011
Trous noirs et ondes gravitationnelles CR conf SAF d’Éric Gourgoulhon du 10
Fev 2016.
Black Holes and X-ray binaries
The balance of power:
accretion and feedback in stellar mass black holes
Le trou noir géant de notre galaxie bientôt dévoilé article du Temps.
Un télescope de la taille de la Terre pour observer le trou noir central de
Sciences et Avenir
Les trous noirs de Kerr : CR de la conférence de J Fric à la SAF le 20 Sept
2008
Le
mystère des trous noirs : CR conf VEGA de S Collin Zahn du 10 nov 2012
Hawking et l'entropie des trous noirs par Futura Sciences
Le dossier sur les TN sur votre site préféré.
L’équipe de la SAF fidèle au poste.
De g à d :
JP Martin ; JC Bercu et JC Gavet.
Jean Pierre Martin .Président de la Commission de Cosmologie de
la SAF.
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