Mise à jour le 13 Mars 2020
CONFÉRENCE
« RÉSULTATS DE LA MISSION JUNO »
Par Philippe ZARKA Dr
de recherche CNRS Astrophysicien LESIA
Organisée par l'IAP
98 bis Bd Arago, Paris 14ème
Le Mardi 3 Mars 2020 à 19H30
Photos : JPM pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution peuvent
m'être demandées directement)
Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.
Voir les crédits des autres photos ou illustrations.
Vidéos des conférences proposées par l’IAP
sur Canal U
Ne pouvant pas être présent ce jour-là, mes collègues
Joel Desbordes et Bruno
Beckert, l’un pour les photos et l’autre pour le texte m’ont remplacé.
BREF COMPTE RENDU
Je m’inspire aussi de textes que j’ai déjà écrit sur cette mission.
Philippe Zarka à droite sur la photo et son compère Daniel Kunth avant la
présentation.
Ph Zarka est spécialiste en radioastronomie basse fréquence, directeur adjoint
de l’Observatoire de Nançay, où il travaille avec l’instrument LOFAR
Texte d’introduction de l’IAP :
La sonde JUNO est en orbite autour de Jupiter depuis mi-2016 et sa mission a été
étendue jusque mi-2021.
Sa caractéristique principale est son orbite polaire qui permet des survols
rasants de Jupiter (à moins de 5000 km) donnant accès à des informations hors de
portée des précédentes missions Joviennes.
En mars 2020, JUNO aura accompli 25 orbites et apporté une belle moisson de
résultats dont quelques surprises.
En effet, la mesure précise du champ gravitationnel de la planète révèle un cœur
« dilué », signe possible d'un gigantesque impact lors de la formation de
Jupiter. La circulation en bandes atmosphériques s'étend jusqu'à 3000 km de
profondeur puis disparaît ; une activité orageuse intense se concentre près des
pôles. Parmi les résultats attendus avec intérêt, la mesure précise du champ
magnétique Jovien fournit la première carte fiable pour explorer le territoire
magnétosphérique, l'origine et la dynamique des aurores, et celles des
nombreuses et intenses émissions radio produites par Jupiter, et enfin
l'interaction électromagnétique Io-Jupiter. Après une présentation du contexte
de la mission et d'une sélection des résultats les plus marquants, j'esquisserai
brièvement le futur de l'exploration de Jupiter.
Quelques rappels sur Jupiter.
·
318 fois la masse de la Terre et 11 fois son rayon.
·
Elle orbite à 5,2 UA (800 millions de km), son année dure 12 ans et sa journée
10 heures.
·
Elle possède 4 grosses lunes (les satellites galiléens) et une multitude de
petites
·
Elle a joué un rôle fondamental dans la formation du Système Solaire.
Les premières explorations de Jupiter se sont produites grâce aux sondes Pioneer
(années 1970) et Voyager (années 1980) qui ont effectué un survol.
Puis un orbiter a été déployé :
Galileo à
la fin du XXème siècle.
Les sondes Cassini (vers Saturne) et New Horizons (vers Pluton) l’ont survolée.
Et c’est la mission Juno en ce début de siècle qui se place en orbite autour de
la planète géante.
Quelques mots sur la mission JUNO.
(je reprends un texte déjà écrit à ce sujet)
Le
5 Août 2011, la NASA lance à bord d’une fusée Atlas Centaur, la nouvelle sonde
jovienne, baptisée JUNO (Junon en français, l’épouse et la sœur de Jupiter ou
Zeus).
Le chemin sera comme toujours tortueux à cause du volume de carburant
nécessaire pour un vol direct, on aura besoin d’assistance gravitationnelle
comme d’habitude et Jupiter sera atteint seulement le 4 Juillet 2016.
La sonde, construite par Lockheed Martin, devait rester en orbite autour de la
planète géante pendant un an, avant d’être précipitée (comme sa précédente,
Galileo) dans l’atmosphère de Jupiter en Octobre 2017. On verra qu’il en a été
autrement
Illustration : NASA
La sonde de structure hexagonale, est de belle taille : 3,5m de haut, 3,5m de
diamètre ; elle emporte des panneaux solaires de grande dimension, pour son
alimentation, chacun des panneaux faisant 9m de long par 2,65m ; pour une
surface totale de 60m2. Ils produisent au niveau de l’orbite terrestre 14kW et
au niveau de l’orbite de Jupiter, seulement 400W. Ces panneaux sont couplés à
deux batteries au Li-Ion de 55A/h chacune.
Les panneaux solaires sont une première pour une mission vers Jupiter.
Cette sonde sera en rotation permanente (2 t/min) afin d’assurer un pointage
extrêmement stable et un pilotage facile
C’est aussi une sonde fortement blindée contre les radiations de toutes sortes.
L’électronique est protégée par une enceinte de Titane, chaque paroi, de 18kg,
faisant 1m2 et ayant une épaisseur d’un centimètre !
Le PI de la mission est Scott Bolton du renommé SwRI (Southwest
Research Institute) situé à San Antonio Texas.
Une soixantaine de co-investigateurs dont quelques français.
Pour limiter le problème de la ceinture de radiations ; orbites astucieuses
passant dans une région moins dense en particules et au raz de la planète.
Mais un problème sur le moteur de mise en orbite (ré allumable mais douteux donc
non réallumé) a conduit à demeurer sur des orbites de 53 jours ce qui a permis
de prolonger la mission (plus coûteuse mais plus riche).
Cette découverte d’une zone très proche de la planète avec moins de particules
est jugée importante
Périjove à 4200 km, pôle à pôle en 2h, orbites en « filet » permettant de
couvrir toute la planète à terme.
L’atmosphère de Jupiter.
Que savait-on de l’atmosphère de Jupiter :
·
86% H et 13% He traces de CH4
·
Orages vents de plus de 600 km/h
·
La tache rouge est un anticyclone connu depuis plus de 3 siècles
·
Il existe des différentes couches : NH3 qui réfléchit la lumière blanche, des
composés phosphorés rouges orangés, de l’eau vers 100 km de profondeur. On pense
que la sonde Galileo qui a plongé dans l’atmosphère et a permis de découvrir
cela a pénétré une zone anormale.
La magnétosphère de Jupiter.
La magnétosphère était donnée pour une orientation S/N et 20 000 fois celle de
la Terre.
On savait que les ceintures de radiations étaient un danger très redouté pour
des sondes orbitant la planète.
Près des pôles de nombreuses
aurores avaient été détectées donnant lieu à des émissions radio très
intenses.
Les satellites galiléens.
Le moins que l’on puisse dire : une grande diversité.
Io, Europe, Ganymède et Callisto.
Io est ses volcans découverts au passage de Voyager.
Europe s’et montré tout de suite intéressant (glace, geyser, océan sous la glace
possible…).
Ganymède et son champ magnétique et ses aurores.
Différence notable entre Ganymède et Callisto.
Les buts de la mission :
Les buts principaux de la mission Juno sont :
·
De déterminer la quantité d’eau dans l’atmosphère de Jupiter, ceci devant
valider quelle théorie de formation des planètes est valable ou pas.
·
D’examiner en profondeur l’atmosphère jovienne afin de déterminer sa
composition, température et vitesse des nuages.
·
De cartographier finement ses champs magnétiques et de gravitation, afin
d’établir un modèle de sa structure.
·
D’explorer la magnétosphère près des pôles et étudier les aurores.
·
Origine de la planète, sa formation dans la nébuleuse.
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On pourra lever le voile sur l’origine, grâce à la gravimétrie et à la
spectrométrie.
Un
peu en profondeur, l’Hydrogène est dans un état spécial : métallique, en
effet ses atomes se comportent comme un métal. Étude par mesure du champ
magnétique.
L’exploration de la magnétosphère a été différente des fois précédentes, on
s’est intéressé aux aurores et aux ceintures de radiations.
Io, le satellite de Jupiter le plus proche, joue un rôle dans cette
magnétosphère : Io est une source intense de plasma qui charge la magnétosphère
de Jupiter.
Tore de plasma.
Les instruments de JUNO.
Juno emmène avec elle une palette de 29 capteurs pour 9 instruments différents.
Les principaux sont :
·
MAG, pour étudier le champ magnétique, qui après le Soleil est le plus puissant
du système solaire.
·
MWR, radiomètre micro-ondes
·
Gravity Science, étude complète de la gravité jovienne
·
Waves, JEDI, JADE, UVS, étude de la magnétosphère polaire
·
JIRAM pour cartographier les aurores polaires
·
Et finalement JunoCam la caméra à bord de la sonde.
Signalons que la JunoCam n’était pas prévue dès le départ (quelle erreur !!!)
heureusement certains ont insisté !
Sensibilité : 1600 pixels.
Et c’est elle qui va nous fournir les plus belles images de Jupiter, surtout au
moment du périjove (le point le plus près), voir les différentes images des
archives du site de la mission (comme par exemple
le périjove 20), je ne les reprends pas ici.
Les
images les plus impressionnantes viennent des pôles de la planète géante, où
l’on détecte des orages monstrueux, ayant des formes bizarres.
Voici les dernières images de la caméra infrarouge JIRAM (Jovian InfraRed
Auroral Mapper) sensible jusqu’à 50 à 70km de profondeur sous la couche externe
de nuages.
On y voit lors du survol du pôle N, l’énorme cyclone polaire très stable,
entouré de 8 autres cyclones. Ils font tous approx 4500 km de diamètre.
Le pôle Sud a une structure similaire : un cyclone central entouré de de 5
cyclones (5.500 à 7.000km de diamètre). Pourquoi une telle différence ?
Vidéo du survol du pôle N de Jupiter.
La gravimétrie permet de mesurer d’infimes variations le long de la trajectoire
de la sonde.
Elle nous permet d’imaginer la structure interne de la planète : une enveloppe
H-He non uniforme avec absence de cœur bien défini. Il y a une proportion
croissante d’éléments lourds vers le centre.
L’atmosphère profonde serait asymétrique.
Les ceintures nuageuses s’étendraient jusqu’à 3000 km de profondeur.
On s’est intéressé aussi à la
grande tache rouge.
C’est un anticyclone qui tourne en 6 jours et pénètre sur 300 km.
Finalement, les éclairs d’orage et l’effet dynamo ont été étudiés.
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En conclusion, on a découvert énormément de choses sur Jupiter, on espère
étendre la mission jusqu’en
octobre 2026,
elle aura à ce moment reçu une dose énorme de 198.000 rad !
Néanmoins elle ne pourra pas attendre la venue
de JUICE, la mission suivante de l’ESA qui devrait arriver vers 2029.
POUR ALLER PLUS LOIN :
Dossier JUNO dans les archives du site.
Toutes les
images de Juno à la NASA.
La mission Juno à la NASA.
Le site de la mission Juno au SwRI.
Le mieux !
Dossier de
presse de la mission et du lancement.
Le site de la
mission à la NASA.
NASA's Juno Finds Changes in
Jupiter's Magnetic Field
Bon ciel à tous !
Jean Pierre Martin. Commission de Cosmologie de la SAF.
Les autres CR des conférences IAP.
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