Mise à jour 15 Décembre 2021.
CONFÉRENCE MENSUELLE
DE LA SAF
De Philippe LAUDET
Astrophysicien au
CNES, Responsable projet SEIS sur Insight
«
SEIS un sismomètre français sur Mars.
Une aventure humaine et technologique.»
Organisée par la
SAF
En présence du
public et en vidéo (direct) sur canal YouTube SAF
Le Mercredi 8
Décembre 2021 à 19H00
Photos : JPM pour l'ambiance. (Les photos avec plus de résolution
peuvent m'être
demandées directement)
Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur. Voir
les crédits des autres photos si nécessaire
La présentation est disponible sur
ma liaison ftp , rentrer le mot de passe, puis CONFÉRENCES SAF ensuite
SAISON 2021/2022 ; elle s’appelle :
SEIS-Laudet-SAF-OK-shrt.pdf
Ceux qui n'ont pas les mots de passe doivent me
contacter avant.
La vidéo de la réunion est accessible :
https://youtu.be/M45SqqPx7E4
Tous les autres enregistrements sont accessibles sur la
chaine
YouTube SAF.
À l’occasion de cette conférence, la SAF a remis à Philippe
Laudet le Prix international 2021 d’astronautique SAF qu’il partage avec
Philippe Lognonné de l’IPGP pour la réalisation de l’instrument SEIS.
Notre ami Roger Maurice Bonnet, ne pouvant pas être présent leur
a fait parvenir une courte vidéo qui a été passée pendant la cérémonie
Félicitations
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Gilles Dawidowicz Vice-Président de la SAF et Pierre
François Mouriaux Président de la commission d’astronautique
remettent le prix à Philippe Laudet. |
Le message vidéo de RMB est diffusé dans
l’amphithéâtre. |
Philippe Laudet, est responsable du projet du sismomètre SEIS
monté à bord de la sonde martienne InSight, il travaille au CNES à Toulouse.
Rappelons que Philippe était aussi le chef du projet Corot, le
télescope spatial dédié à la découverte d’exoplanètes.
Mais ce n’est pas la seule corde à son arc, c’est aussi un
musicien hors-pair.
Il dit qu’il y a de nombreuses similitudes entre jouer dans un
orchestre et poser un instrument sur Mars.
Mais maintenant nous allons parler science.
Le rebond du virus a fait que de nombreuses personnes ont préféré
annuler leur présence physique dans l’amphi pour suivre la conférence sur le
canal YouTube de la SAF.
QUELQUES
RAPPELS SUR MARS ET SUR INSIGHT.
La difficulté avec Mars, c’est l’existence d’une fenêtre de
lancement, la mécanique céleste est ainsi faite, que l’on ne peut viser Mars que
lorsque la Terre et la planète rouge ont un certain alignement favorable, et
cela n’arrive que tous les 26 mois.
Ce qui veut dire que si l’on loupe une fenêtre, il faut attendre
la suivante avant de lancer.
C’est ce qui arrivera à InSight !
L’originalité de cette mission est que l’on va s’intéresser à
l’intérieur de cette planète en étudiant sa sismologie.
Je reprends quelques commentaires que j’avais écrits à l’époque :
InSight, c’est LA mission
martienne américaine de 2016 (va devenir 2018 !!!). C’est
l’acronyme de INterior exploration using Seismic Investigations, Geodesy and
Heat Transport. Elle est consacrée à l’étude
de l’intérieur de la planète Mars, comme son sigle l’indique.
Elle est composée d’un
atterrisseur fixe, véritable station géophysique, puisqu’elle comprend trois
instruments :
· Le
SEIS (Seismic Experiment for Interior Structure) pour étudier l’activité
tectonique de la planète ; fourni
par le CNES avec participations de l’Institut de Physique du Globe de Paris
(IPGP), de l’ETH suisse, du Max Planck MPS, de l’Imperial Colleg et du JPl. Donc
équipement international.
· Le
HP3 (Heat Flow and Physical Properties Package) pour mesurer les échanges de
chaleur notamment, instrument fourni par l’agence
allemande DLR.
· Le
RISE (Rotation and Interior Structure Experiment) doit mesurer les variations
éventuelles de l’axe de rotation martienne, il est fourni par
le JPL.
Les expériences menées par
InSight doivent aboutir à nous en apprendre plus sur l’évolution des planètes
rocheuses et notamment sur le processus d’évolution de Mars ; elle doit nous
aider à la :
· Détermination
de la taille exacte du noyau et son état physique.
· Détermination
de l’épaisseur et de la structure de la croûte.
· Détermination
de la composition et de la structure du manteau
· Détermination
de l’état thermique de l’intérieur martien et sa vitesse de refroidissement.
· Mesure
précise de l’activité sismique
· Mesure
du taux d’impacts météoritiques sur la surface.
Comme vous le voyez sur la photo, la sonde ressemble à Phoenix dont
elle a un design similaire, Phoenix s’était posée dans la zone polaire Nord de
Mars.
Elle est aussi construite par Lockheed Martin à Denver Colorado.
Une vue
d’artiste du lander posé sur Mars.
LA
FORMATION DES PLANÈTES TELLURIQUES ET LA SISMOLOGIE MARTIENNE.
Les corps rocheux du système solaire, gros et moins gros débutent
par une phase d’accrétion, à l’état de poussières grâce aux forces
électrostatiques puis ensuite la gravitation prend le relais pour atteindre des
dimensions plus ou moins importantes (planètes, satellites ou astéroïdes).
La taille augmentant, l’intérieur se réchauffe et passe à l’état
liquide ou pâteux (phase de différentiation), les éléments lourds étant
précipités au cœur du noyau. Au cours du temps, ce corps se refroidit, une
croûte se forme, un manteau, et une atmosphère aussi.
La plupart vont devenir des planètes telluriques comme Mercure,
Vénus, la Terre et Mars, leur nombre ayant été probablement plus important au
moment de leur formation.
D’autres, moins gros, évolueront vers des corps moins complexes
(quoique…), comme des planètes naines ou des astéroïdes.
Ces planètes telluriques sont similaires au point de vue
structure, mais certainement pas identiques.
D’ailleurs une des grandes questions posées en planétologie est,
pourquoi Vénus, la Terre et Mars étant situées plus ou moins dans la zone
habitable du Soleil, pourquoi ont elles suivi des chemins si différents ? Elles
ont suivi des évolutions différentes dépendant de leur taille, densité, noyau
liquide ou non etc. Enfin pourquoi Mars ne possède pas un système de plaques
tectoniques ?
POURQUOI
MARS ?
Si on s’est déjà intéressé à Mars, sa géologie (volcans, canyons,
cratères) et à sa minéralogie de surface avec de nombreuses missions spatiales,
aucune mission ne s’est encore intéressée à ce qu’il y a sous la surface.
Cette mission doit étudier la structure interne de la planète
rouge, étudier les processus de formation et en mesurer les paramètres
physiques.
On veut pouvoir étudier la « machine Mars », son activité, sa
chaleur interne. A-t-elle toujours une activité sismique et volcanique ? Peut-on
connaitre l’état de son noyau, est-il encore liquide ?
Mars est aussi la planète tellurique la plus accessible et on
commence à connaitre sa géologie et sa chimie.
C’est une candidate idéale pour étudier l’évolution des planètes
rocheuses, en effet, elle a conservé la trace de son passé sur sa surface, due à
l’absence d’activité tectonique qui recycle la croûte dans le manteau comme sur
Terre. Mars aurait débuté une phase d’évolution qui s’est avortée assez tôt.
En fait, on aimerait bien savoir pourquoi la Terre et Mars ayant
certainement eu des conditions au départ relativement identiques, à cause de
quels processus et pourquoi celle-ci est devenue rapidement un désert glacé ?
Bref, on souhaiterait comprendre mieux ce qui se passe à l’intérieur de Mars.
Et ce sont toutes ces interrogations auxquelles on souhaiterait
que la mission InSight apporte des réponses.
Mais nous ne disposons que d’un seul point de mesure. Comment
faire ?
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Après un séisme sur Mars de magnitude 4,5 ou plus, la
sonde InSight détectera les ondes de surface et le redétectera après
un tour de la planète. Cela fournira la vitesse de ces ondes, puis
la distance entre le séisme et la station. Cette donnée permettra
d'interpréter les ondes de volume qui informeront sur l'intérieur de
Mars. © Bruno Bourgeois |
Le problème est d’être capable d’effectuer des mesures à l’aide
d’un seul capteur ! Généralement il en faut plusieurs pour localiser exactement
l’évènement. C’est pour cela que l’on enregistre non pas le premier tremblement
mais les retours qui ont fait le tour de la planète, comme il est expliqué dans
la vidéo ci-après :
vidéo :
https://youtu.be/nfN9agkpWXQ
L’INSTRUMENT SEIS.
L’étude sismique de Mars a été un des buts de la mission des
Vikings des années 1976, mais leurs sismomètres n’étaient pas assez performants
et les résultats non conclusifs.
C’est donc avec impatience que le monde scientifique attend les
résultats de SEIS, matériel beaucoup plus performant que celui des années 1970.
Il doit résister aux chocs, aux vibrations et aux radiations.
On va pouvoir enregistrer les séismes martiens, les impacts
d’astéroïdes ou les effets de marée pouvant être provoqués par Phobos.
Sensibilité approx : 10-9 de la gravité martienne.
Cet instrument est sous la responsabilité scientifique de l’Institut
de Physique du Globe de Paris, qui a mis au point l’expérience et anime le
consortium scientifique, avec plusieurs laboratoires Européens et Américains et
plus particulièrement en France le Laboratoire de Géodynamique et de
Planétologie de Nantes et l’Institut de l’Aéronautique et de l’Espace de
Toulouse. Le maître d’œuvre de l’expérience est l’Agence Spatiale Française,
CNES et la société Sodern.
Le PI de l’instrument SEIS est Philippe Lognonné, géophysicien à
l’IPGP et de l’Université Paris Diderot et le chef de projet au CNES est
Philippe Laudet.
Cet instrument est composé de plusieurs parties :
· Une
sphère en Titane avec 3 capteurs sismiques à très large bande (VBB) ou
longue période ainsi que leurs capteurs de température. C’est le cœur de
l’instrument, conçu par l’IPGP et réalisé par la société SODERN
· Trois capteurs sismiques à courte période
(SP) et les capteurs de température correspondants, réalisées par l’Impérial
College de Londres..
· Une électronique avec le logiciel
correspondant, réalisée par l’École Polytechnique de Zurich.
· Un trépied support permettant la bonne
inclinaison une fois posé sur le sol, réalisé par l’Institut Max Planck de
Planétologie de Göttingen
· Un système de déploiement sur le sol,
réalisé par le JPL.
Crédit illustration : IPGP Ducros.
Info Masse :
Masse de la sphère VBB ~3 kg ; Masse du système SEIS (
LVL+sphère+ SP) ~6 kg ; Masse de l’électronique d’acquisition ~6 kg
Puissance de fonctionnement : 2 watt
La
sonde SEIS est isolée thermiquement et le vide est maintenu à l’intérieur.
En plus, un bouclier WTS (Wind and Thermal Shield) fourni par le
JPL est chargé de protéger les capteurs contre les variations thermiques
extérieures et contre les vents martiens.
Le principe du capteur sismique à large bande est basé sur
l’utilisation d’un pendule oblique.
Le ressort et la masse du pendule sont parfaitement équilibrés ;
lorsque le sol bouge, le pendule commence à bouger, et ce mouvement est détecté
par les capteurs de déplacement (DCS) qui transforment ce mouvement en signal
électronique.
Les trois capteurs pour les courtes périodes (SP) sont soit
horizontaux soit verticaux, ils enregistrent les mouvements du sol grâce à une
masse mobile se déplaçant dans un capteur.
D’après une explication antérieure que j’avais proposée dans un
CR : LE PRINCIPE DE
MESURE.
Principe de fonctionnement :
Le
principe du capteur sismique à large bande est basé sur l’utilisation d’un
pendule oblique.
Le ressort et la masse du pendule
sont parfaitement équilibrés ; lorsque le sol bouge, le pendule commence à
bouger, et ce mouvement est détecté par les capteurs de déplacement (DCS) qui
transforment ce mouvement en signal électronique.
Les trois capteurs pour les
courtes périodes (SP) sont soit horizontaux soit verticaux, ils enregistrent les
mouvements du sol grâce à une masse mobile se déplaçant dans un capteur.
Le déplacement de la masse est
donné par la formule :
X = m g /
K
X = déplacement ; m = masse ;
gamma = accélération ; K = raideur du ressort.
Une raideur faible (ressort
extrêmement souple) est choisie pour les applications spatiales (afin d’avoir un
grand X)
La masse utilisée est de l’ordre
de 400g.
Cet ensemble (VBB dans leur
sphère et SP) est monté sur le système de déploiement et doit être parfaitement
déposé sur le sol martien, c’est le rôle du bras articulé équipé de caméras,
celles-ci doivent imager de façon stéréoscopique l’immédiat emplacement de la
zone d’atterrissage afin de voir où vont être déposés les sismomètres et le
détecteur de flux thermique HP3.
Les pendules du VBB :
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Crédit Illustration : IPGP D
Ducros
Chaque pendule est constitué de :
· Une partie fixe
· Un
Pivot assurant une souplesse entre
la partie fixe et la partie mobile. C’est le cœur du pendule.
· Une partie mobile, dont
le centre de gravité est décalé par rapport au pivot, équilibrée avec un
ressort.
· Un capteur capacitif de
déplacement, situé entre les parties fixe et mobile du pendule.
Le pivot est la partie la plus
importante du pendule. Il est constitué de lames ressort.
Mécanisme fragile, constitué
principalement de Titane.
Il doit posséder une :
Grande souplesse suivant un axe
de rotation
Grande raideur dans les autres
degrés de liberté
Transmission des signaux
électriques vers la partie mobile.
Il est rigide (hyperstatique) et
sa course est limitée à quelques dizaines de microns
De nombreux essais et
modifications ont été nécessaires.
Caractéristiques des pendules VBB :
· Ils peuvent mesurer un
déplacement de l’ordre de 10 picomètres (diamètre d’un atome d’Hydrogène).
· Gamme de température
très large : - 105°C à + 120°C
· Sous vide inférieur à
0,1 mbar
· Réponse fréquentielle
large : 0,25 à 200 secondes
L’ensemble est décontaminé à
100°C pendant deux semaines.
Un capteur capable de détecter un déplacement au sol de la taille
d’un atome !
Cet ensemble (VBB dans leur sphère et SP) est monté sur le
système de déploiement et doit être parfaitement déposé sur le sol martien,
c’est le rôle du bras articulé équipé de caméras ; celles-ci doivent imager de
façon stéréoscopique l’immédiat emplacement de la zone d’atterrissage afin de
voir où vont être déposés les sismomètres et le détecteur de flux thermique HP3.
Crédit
:NASA/JPL-Caltech/Lockheed Martin
La séquence pour mettre en service les sismomètres est quelque
peu élaborée et a requis toute la technicité des techniciens du JPL pour sa mise
au point :
· Une fois atterri sur le sol martien, les capteurs
sismiques peuvent rester plusieurs jours sur la plateforme de l’atterrisseur,
sans protection thermique ;
· Ensuite le bras articulé (IDA) soulève l’ensemble et le
dépose sur le sol.
· Puis c’est le couvercle de protection (WTS) qui doit
être posé dessus (photo), phase d’attente qui peut durer 60 jours au maximum.
Bien évidemment pendant toutes ces phases, les capteurs sont mis hors tension
avant l’arrivée de la protection.
· Puis c’est au tour de HP3 d’être déposé sur le sol.
Photo: on voit les différents composants disposés sur la
plateforme support du lander. Elle est inclinée à presque 90°. Un bouclier
thermique recouvrira le tout.
Photo : Lockheed Martin
Une vidéo explicative du déploiement des instruments.
vidéo.
LA MISE
AU PONT.
De nombreuses photos des différentes étapes de la mise au point
et de la fabrication sont proposées par Ph. Laudet, en voici quelques-unes. Pour
le panorama complet voir le pdf.
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Tout se passe à peu près et puis, c’est la tuile !
Été 2015 :
Un connecteur n’est pas étanche, on ne peut pas réparer, le CNES
annonce officiellement que l’on renonce à la fenêtre de 2016.
On reporte à Mai 2018 !
Finalement les problèmes sont résolus, on envoie l’instrument aux
USA en juillet 2017.
Lancement effectué en Mai 2018 (on note que la sonde Insight est
stockée la tête en bas dans la coiffe de la fusée) pour un atterrissage le 26
Novembre 2018.
Le SEIS est en parfait état de fonctionnement. Il poursuit sa vie
de sismomètre et sa durée de vie dépendra des panneaux solaires de Insight.
Vous pouvez suivre sa vie sur Mars dans les actualités InSight de
mon site.
CONCLUSION.
La réussite d’une mission scientifique n’est jamais un long
fleuve tranquille, c’est ce que vient de nous prouver Philippe Laudet avec la
relation des différentes étapes qui ont mené à une telle réussite.
Bravo à toute l’équipe.
POUR ALLER PLUS LOIN :
Mission Insight :
CR conf SAF (Planétologie) d’A. Lecocq (Sodern) du 29 Sept 2018
Le site de InSight au
JPL.
Le site de
InSight à la NASA et toutes
les photos de la sonde.
Le
site de InSight au CNES.
La mission InSight sur votre site préféré.
Tout sur la mission chez eo-portal
InSight Spacecraft Overview par
spaceflight101
Comment fonctionne un sismomètre ? par la Sodern
‘Marsquakes’ Could Shake Up Planetary Science vidéo
Bon ciel à tous
Prochaine conférence SAF
devant public :
Le mercredi 12 Janvier 2021 à 19H00 au CNAM amphi Grégoire (220 places).
Aurélie MOUSSI CNES spécialiste astéroïdes
chef projet Hayabusa/Mascot et
MMX/MIRS, nous parlera de : L’EXPLORATION DES ASTÉROÏDES : PETITS CORPS MAIS
GRANDS EXPLOITS. Réservation
comme d’habitude ou
à la SAF directement.
Transmission en direct
sur le canal YouTube de la SAF
Sinon à suivre en
direct :
https://youtu.be/dEYzUxHXLIg
Jean Pierre
Martin
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