Mise à jour 6 Mai 2025
CONFÉRENCE de Thérèse ENCRENAZ
Astrophysicienne au LESIA sur :
« L'ORIGINE DE L'EAU
TERRESTRE »
Organisée par la SAF
En direct du siège et par téléconférence
Le Samedi 29 Mars 2025 à 15H00
À l'occasion de la réunion de la Commission de Planétologie
Photos : TM pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution peuvent
m'être demandées directement)
Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.
Voir les crédits des autres photos et des animations.
Le conférencier a eu la gentillesse de nous donner sa présentation, elle est
disponible sur
ma liaison ftp et
se nomme :
origine-eau.pdf,
qui se trouve dans le dossier PLANETOLOGIE-SAF/ saison 2024-2025.
Ceux qui n'ont pas les mots de passe doivent me
contacter avant.
Cette session était retransmise sur Zoom.
La vidéo se trouve ici : https://youtu.be/T9FQu2gmeLo
Elle est classée dans la playlist commission Planétologie de la SAF :
https://saf-astronomie.fr/planetologie/
et la playlist :
https://www.youtube.com/playlist?list=PL78ug7UrzPF3GO6qPac6isuQ1Gm5aIGJa
désolé je n’ai pas pu y assister, j’étais à l’hôpital ! Merci à Gilles pour
l’animation.
Suite à un article de Thérèse paru récemment dans l’Astronomie, j’avais pensé
que ce sujet de l’origine de l’eau terrestre serait idéal pour notre commission
de Planétologie.
Thérèse Encrenaz et Gilles Dawidowicz en plein réglages.
Thérèse Encrenaz est astrophysicienne au LESIA (Laboratoire d'études spatiales
et d'instrumentation en Astrophysique).
Le
LESIA (Laboratoire d’Études Spatiales et d’Instrumentation en Astrophysique),
qui était l’un des départements scientifiques de l’Observatoire de Paris-PSL, a
récemment changé de nom suite à une réorganisation majeure. Depuis 2025, il est
désormais intégré au
LIRA
Le LIRA regroupe des équipes issues du LESIA, du LERMA (Laboratoire d’Étude du
Rayonnement et de la Matière en Astrophysique) et du GEPI (Galaxies, Étoiles,
Physique et Instrumentation). Avec près de 300 membres, le LIRA est l’un des
plus grands laboratoires français en astrophysique
Introduction :
L’eau est une molécule omniprésente dans l’Univers, elle a un rôle essentiel
dans la formation des planètes du système solaire et dans l’évolution des
planètes telluriques.
L’eau est une molécule toute simple.
L’eau liquide (H2O) est un traceur possible de la présence de vie sur les
exoplanètes
L’eau ; une molécule toute simple qui possède les propriétés suivantes :
· Présente sur la Terre sous ses trois formes : solide, liquide, vapeur,
avec cette caractéristique fondamentale : la glace est moins dense que l’eau.
Imaginez un monde où ce ne le serait pas
· Liquide sur un large intervalle de températures
· Excellent solvant, favorise les réactions chimiques
· Amortisseur thermique
· Rôle essentiel dans le développement de la vie
D’où la question essentielle : d’où vient notre eau ????
PLAN DE LA PRÉSENTATION :
• Le modèle de formation des planètes du Système solaire
• La formation des océans
• Le rapport D/H: un diagnostic de l’origine de l’eau terrestre
• D/H dans les comètes
• D/H dans les chondrites carbonées et enstatiques
• Une nouvelle théorie : un disque de vapeur d’eau formé lors d’une phase
d’activité du jeune Soleil
• Conclusions
FORMATION DES PLANÈTES DU SYSTÈME SOLAIRE.
On part d’une nébuleuse en rotation qui s’effondre sur elle-même par action de
la gravitation, formation d’une étoile centrale et sillons dans le disque de
matière, formation des planètes et disparition du disque.
Tout cela est très bref approx 10 millions d’années ! alors que le système
solaire a 4,5 milliards d’années d’existence.
Sur le graphique ci-contre : formation des planètes telle qu’on l’imagine, à
partir de noyaux solides.
Entre planètes rocheuses denses et petites près du Soleil et planètes gazeuses
plus éloignées avec des noyaux de roches et de glaces, se trouve la ligne des
glaces.
Mais les planètes une fois formées, se produit alors le
phénomène de migration
concept émis par le groupe de Nice de A. Morbidelli.
Pour faire court :
·
Migration interne de Jupiter près de l’orbite de Mars, ensuite
·
Opère un demi-tour (le Grand Tack) avec Saturne.
·
Injection d’astéroïdes hydratés dans la ceinture principale,
·
Vers les 800 millions d’années se produit le grand bombardement tardif (LHB) dû
à la résonance Jupiter/Saturne.
·
Se produit alors une deuxième phase d’éjection de petits corps et la migration
vers l’extérieur d’Uranus et de Neptune.
Graphique expliquant ces différentes phases du modèle Grand Tack.
L’échelle verticale représente le temps en millions d’années, l’échelle
horizontale est la distance au Soleil.
Vers les 0,6 million d’années, on a un mélange au niveau de la ceinture
principale d’astéroïdes rocheux et hydratés (points rouges et bleus).
Ensuite il faut attendre longtemps avant qu’il ne se passe quelque chose : le
LHB vers les 800 Ma.
On entre en plein maintenant dans ce que l’on appelle le modèle de Nice, Jupiter
et Saturne entrent en résonance provoquant un bouleversement de notre système
solaire principalement au niveau des petits corps.
Crédit illustration : De Meo & Carry Nature 2014.
LA FORMATION DES OCÉANS TERRESTRES.
On sait qu’ils se sont formés très vite (<150 Ma) grâce à la datation des
Zircons qui ne peuvent se former qu’en présence d’eau., époque probablement
contemporaine avec la collision de Théia avec la Terre qui a donné naissance à
la Lune.
Cet impact aurait-il jouer un rôle dans l’eau terrestre ?
Ou alors l’eau se serait formée avant cet impact ou après grace aux chutes de
météorites et de comètes.
C’est cette dernière hypothèse qui prévalait jusqu’à présent.
L’importance du rapport D/H.
NOTE PERSONNELLE :
La glace d’eau constituant une grande partie des petits corps, il n’est pas
inintéressant de se poser la question de savoir, si cette eau (glace) est la
même que l’eau des océans terrestres, ce qui nous donnerait une information sur
l’origine de cette eau.
Un facteur déterminant est l’étude du rapport D/H de l’eau, D représentant le
Deutérium, un isotope de l’Hydrogène (l’Hydrogène « lourd ») et H l’Hydrogène «
normal ».
Le rapport D/H, rapport entre la quantité de Deutérium (isotope de l’Hydrogène
avec un neutron de plus dans le noyau) et l’Hydrogène « normal » (seulement un
proton dans le noyau, donc deux fois moins lourd que D), donne une indication de
l’origine de l’eau (l’eau peut être soit H20 soit HDO, eau semi-lourde ; soit
D2O, eau lourde ; où un ou deux D a remplacé un H) dans le système solaire
Or il semble que l’enrichissement de l’eau en Deutérium soit antérieur à la
formation du système solaire, il ne s’effectue que dans le milieu interstellaire
froid.
Le rapport D/H est un marqueur des zones froides du système solaire (10 à 30K),
s’il est élevé, cela signifie que le corps dont il est issu provient des zones
froides (extérieures) du disque proto planétaire.
Donc on s’attendrait à avoir un D/H plus grand pour les comètes que pour les
planètes géantes, car formées plus loin.
Le rapport D/H sur Terre est de l’ordre de 1/6000 (ou 0,016%) alors qu’il est
dans les comètes et suivant les différentes mesures de 1/3000 à 1/6000.
Cela tendrait à prouver que l’eau terrestre viendrait en partie des comètes,
lors des incessants bombardements au début du système solaire.
On s’est posé une question similaire concernant l’azote terrestre, en étudiant
le rapport N15/N14, on ne trouve pas tout à fait la même chose entre la Terre et
les comètes. L’azote ne proviendrait donc qu’en petite partie des comètes.
Le deutérium a été produit par la nucléosynthèse primordiale juste après le BB.
Le D/H augmente quand la température diminue, notamment dans la glace d’eau.
Le D/H primordial (donc en phase gazeuse) est de 2,5 10-5
Le D/H des océans terrestres est de 1,56 10-4 (VSMOW :
Vienna Standard Mean Ocean Water)
Cette valeur est proche des corps glacés situés au-delà de la ligne des glaces.
Le D/H terrestre semble favoriser pour les océans une origine externe provenant
du Système solaire extérieur
L’ORIGINE DES COMÈTES.
Il y a dans notre système solaire deux réservoirs de comètes :
·
La
ceinture de Kuiper
située au-delà de Neptune et s’étendrait entre 30 et 50 UA
elle abrite les comètes de courtes périodes et de faibles inclinaisons.
·
Le
nuage de Oort
situé aux confins de notre système solaire vers les 50.000 à 100.000 UA
il abrite les comètes à longues périodes et à fortes et faibles inclinaisons.
BILAN DU D/H DANS LE SYSTÈME SOLAIRE.
Illustration : le rapport D/H dans le système solaire. Crédit : Altwegg et al.
2014
Les données sont regroupées par couleur :
Planètes et lunes en bleu Les météorites chondritiques (originelles) en gris
Les comètes originaires du nuage de Oort en violet Les comètes de la ceinture de
Kuiper en rose La comète 67P en jaune (5,3 10-4).
Les comètes ont un D/H entre 1 et 3 fois la valeur terrestre.
La partie inférieure du graphique indique les valeurs de D/H dans les
atmosphères des planètes géantes et une estimation de cette valeur dans la
nébuleuse proto solaire. La ligne bleue horizontale correspond à l’eau terrestre
(SMOW = 1,56 10-4)
Les ronds sont des mesures obtenues par observations astro en IR lointain depuis
l’espace et les losanges par mesure in-situ.
UNE HYPOTHÈSE NOUVELLE.
Tout a commencé avec Darius Lis du Caltech et des collègues de l’Observatoire de
Paris ; ils ont remarqué qu’il y avait une décroissance du D/H en fonction de la
fraction de la surface active, les comètes hyper actives avaient un D/H proche
de la valeur terrestre alors que les comètes peu actives avaient des
enrichissements d’un facteur de 2 ou 3.
Ils en déduisirent que le D/H pouvait avoir deux sources :
·
D’une part le noyau enrichi en D/H et
·
Des grains de glace qui sont éjectés au moment de la sublimation dus à la
température et dont le D/H serait terrestre.
Cela produirait des réactions de fractionnement qui enrichiraient le D/H.
Le D/H ne dépendrait pas de l’origine des comètes.
Dans ce cas, les comètes pourraient toutes avoir (avant fractionnement) un D/H
terrestre et être à l’origine de l’eau des océans.
UNE AUTRE HYPOTHÈSE PLUS RÉCENTE.
Un peu plus iconoclaste mais très originale celle-là, elle fait appel aux
astéroïdes hydratés.
On a longtemps pensé que la Terre étant « sèche » à l’origine, l’eau serait
venue des impacts d’astéroïdes riches en eau, mais Quentin Kral, de
l’Observatoire de Paris, et ses collègues proposent un nouveau scénario qui se
dispense de ces collisions.
L’eau proviendrait du
dégazage de vapeur d’eau des astéroïdes riches en eau dans le disque
protoplanétaire. Un énorme nuage de vapeur d’eu entourerait la ceinture
d’astéroïdes et se propagerait vers les planètes rocheuses.
L’eau serait arrivée sur Terre vers les 30 millions d’années due à un pic
d’activité du Soleil à cette époque.
En bâtissant différents modèles, les chercheurs ont montré que la quantité d’eau
produite était compatible avec celle de nos océans actuels et pour Mars cette
eau aurait disparu à cause notamment de sa faible gravité.
CONCLUSIONS.
La théorie du disque de vapeur d’eau permet d’expliquer la présence d’eau sur
Terre vers les 30 Ma avant la formation de la Lune.
On ne fait pas appel aux différents impacts et bombardements.
Néanmoins, cette hypothèse est à vérifier.
Peut-être avec
la future mission PRIMA
de la NASA et du CEA.
POUR ALLER PLUS LOIN :
Quelques ouvrages de Thérèse Encrenaz :
À la recherche de l'eau dans l'Univers par Th. Encrenaz
Les planètes extra solaires par
Th Encrenaz chez Belin
Les planètes, les nôtres et les autres par
Th Encrenaz chez EDP
L'exploration des planètes par
Th. Encrenaz et J. Lequeux chez Belin
À la rencontre des comètes par
Th Encrenaz et J Lequeux chez Belin
Nouveau rebondissement dans les mystérieuses origines de l’eau sur Terre
L’histoire du système solaire vue par les petits corps
par Benoit Carry de Nice
Terrestrial deuterium-to-hydrogen ratio in water in hyperactive comets
de D Lis Caltech et notamment N Biver de l’Obs de Paris
Solar System evolution from compositional mapping of the asteroid belt
An impact-free mechanism to deliver water to terrestrial planets and exoplanets.
De Q Kral et al
Origine de l’eau sur Terre : un nouveau scénario sans bombardement de comètes ou
d’astéroïdes
Une nouvelle théorie pour expliquer l’origine de l’eau sur Terre
PROCHAINE RÉUNION DE LA COMMISSION DE PLANÉTOLOGIE :
À DÉFINIR.
PROCHAINE CONFÉRENCE MENSUELLE DE LA SAF :
Prochaine conférence SAF devant public :
le mercredi 14 Mai (CNAM amphi déterminé quelques jours avant°) 19 H avec Pierre
LÉNA
Astrophysicien Obs de Paris, Académicien des sciences sur
« Les humains et le ciel : six mille ans d’histoire. A propos de "l’Atlas
historique du ciel"»
Réservation comme d’habitude à
partir du 10 Avril 9h00 ou à la SAF directement.
La suivante : le 11 Juin : Transmission en direct sur le canal YouTube de
la SAF :
https://www.youtube.com/channel/UCD6H5ugytjb0FM9CGLUn0Xw/feautured
Bon ciel à tous
Jean Pierre
Martin
Secrétaire de la commission de planétologie de la SAF
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