Mise à jour le 14 Avril 2008
 
 
     
CONFÉRENCE
"D'HIPPARCOS À GAIA
ou quand l'Astrométrie devient un outil majeur pour l'astrophysique"
Par Catherine TURON Astronome Observatoire de Paris
Organisée par la SAF
À la FIAP, 30 rue Cabanis, 75014 Paris (métro Glacière).
 
Le Jeudi 10 Avril 2008 à 20H30
 
Photos : JPM. pour l'ambiance (les photos avec plus de résolution peuvent m'être demandées directement)
Les photos des slides sont de la présentation de l'auteur.  Voir les crédits des autres photos et des animations.
Catherine Turon a eu la gentillesse de nous donner sa présentation complète (en pdf), elle est disponible sur ma liaison ftp elle s'appelle. : CTuron_SAF_avril_2008.pdf
Ceux qui n'ont pas les mots de passe doivent me contacter avant
 
  
 
 
 
BREF COMPTE RENDU
 
Nos amis de la SAF se sont maintenant bien habitués à la salle Bruxelles de la FIAP, public encore nombreux cette fois-ci.
 
 
 
 
Catherine Turon est astrophysicienne à l'Observatoire de Paris-Meudon.
Après des travaux sur le structure des galaxies elle travaille sur la mission Hipparcos, où elle est responsable d'un des consortiums. Elle a été ensuite présidente de l'Astronomy Working Group de l'ESA.
 
Elle nous parle ce soir d'Astrométrie, c'est à dire de l'étude de la position des étoiles, de leurs distances et de leurs magnitudes.
 
C'est Hipparque au IIème siècle avant JC qui avait compilé le premier catalogue d'étoiles (et accessoirement défini les différentes classes d'étoiles qu'il appela magnitude).c'était donc bien normal que la première mission de l'ESA consacrée à l'astrométrie, portât le nom d'Hipparcos.
 
 
 
 
 
 
La première question qui se pose à tout être sur notre belle planète est : Où vivons nous?
 
Quel est l'ensemble d'étoiles dans lequel nous évoluons? :
·        Sa forme
·        Sa dimension
·        Quelles sont les étoiles qui le composent
·        Sa formation son histoire?
·        Son environnement?
 
 
 
 
Bref à quoi ressemble notre galaxie?
 
Est elle sphérique, elliptique, en spirale avec une barre etc..
 
Dans le passé, le célèbre W Herschel en 1800, estime la forme de notre galaxie et y place ……le Soleil au centre bien sûr, vieux réflexe anthropique.
Bien entendu il ne connaissait pas les distances des étoiles.
 
Au début du XXème siècle, un débat a lieu sur la taille de notre galaxie, J. Kapteyn pense qu'elle est petite et la Soleil en son centre, H. Shapley pense lui qu'elle est beaucoup plus grande et le Soleil sur un bord. C'est lui qui a raison.
 
Mais la distance des étoiles est dure à définir, en effet le Soleil est situé dans une zone où il y a peu d'étoiles.
 
 
On ne peut donc pas mesurer facilement la parallaxe des étoiles proches qui sont très loin.
 
Dans l'histoire de nombreux scientifiques ont essayé d'évaluer la distance des étoiles avec plus ou moins de succès comme le résume le tableau ci après :
 
Nom
Date
Distance
Aristarque
-280
Immense
Ptolémée
150
0,13 milliard de km
Copernic
1500
Immense aussi
Tycho Brahé
1580
Très petit 0,09 milliard de km
Kepler
1600
200 milliard de km
Newton
1685
150.000 milliard de km
Bessel-Struve-Henderson
1837
> 40.000 milliard de km
 
 
En fait Aristarque avait le premier eu la bonne intuition!
 
 
 
 
La méthode la plus simple pour mesurer la distance des étoiles, c'est de se servir de la Terre sur son orbite comme point de mesure, c'est la méthode de la parallaxe.
 
(dessin de la société astronomique de Rennes).
 
Distance = 1 UA/p
La distance est de 1 parsec si la parallaxe est de 1 seconde 'arc.
 
L'étoile la plus proche (Proxima du Centaure) est à 0,7" soit 1,2pc (4,3 al).
 
 
 
 
 
Mais c'est loin d'être toujours aussi simple, en effet il y a quelques complications à ce calcul "simple".
 
·        Les étoiles du fond du ciel sont à distance finie, donc elles bougent quand même un peu
·        Les étoiles peuvent être multiples
·        L'une des composantes peut être variable (effet Doppler)
·        L'espace temps est courbe : effet micro lentille
·        La Terre tourne sur elle même et autour du Soleil et le Soleil bouge aussi
 
Bref tout bouge!!
 
 
Aussi ce qui complique cette méthode : on voit les étoiles au travers de nuages de poussières ou de gaz ce qui entraîne une diminution de leur luminosité apparente et un rougissement.
 
Quelques ordres de grandeur :
 
La Lune vue de la Terre : 30' d'arc
 
Une homme sur la Lune : une milliseconde (mas) d'arc.
 
Une fleur sur Mars : une microseconde (µas) d'arc.
 
On peut aussi voir les différentes distances autour de notre Galaxie sur le site de l'atlas de l'Univers (à voir absolument).
 
 
D'HIPPARCOS À GAIA.
 
Ce sont deux missions de l'ESA.
Voici un tableau de comparaison tiré de la présentation de C Turon.
 
HIPPARCOS
GAIA
Première mission d'astrométrie décidée en 1980
Acceptée en Octobre 2000
Lancée par Ariane le 8 Août 1989, mais n'arrive pas à atteindre don orbite géostationnaire
Lancement prévu par une Soyuz-Fregat en 2011. orbite en L2 dans la direction opposée au Soleil.
37 mois de fonctionnement de Nov 1989 à Mars 1993, données sur 118.000 étoiles.
Observation de un milliard d'étoiles pendant 5 ans
Précision obtenue : 1 mas
Précision attendue 25 micro as jusqu'à magnitude 15 et 6 micro as jusqu'à magnitude 12
Étoiles dans le voisinage solaire
aucune galaxie
un quasar
48 astéroïdes 3 satellites.
Étoiles dans toute la galaxie et au delà
1 à 10 millions de galaxies
500.000 quasars
500.000 astéroïdes
Jusqu'à magnitude 12,4
Jusqu'à magnitude 20 à 21
21.000 distances à mieux que 10%
100 millions à mieux que 10%
Photométrie à trois couleurs
Photométrie multicouleurs
Confirmation de 5 exo planètes
2000 à 5000 exoplanètes
 
 
 
Tableau résumant l'échelle des distances avec les différents types de mesures possibles.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
LE SATELLITE GAIA EN LUI MÊME.
 
Rappelons ce que signifie GAIA :
 
GAIA: GLOBAL ASTROMETRIC INTERFEROMETER FOR ASTROPHYSICS
 
 
 
(dessin : © EADS Astrium)
 
Construit par EADS Astrium. en France, maître d’œuvre du développement du satellite et responsable de la conception, du développement et de l’intégration de la charge utile, ainsi que de la conception logicielle.
 
EADS Astrium, en Allemagne, est responsable des systèmes mécaniques, thermiques et de propulsion
Masse totale : 2 tonnes.
 
EADS Astrium, au Royaume-Uni, concevra et développera le module de service électrique.
 
 
 
Le pare-soleil déployable, d’une surface de près de 100 m2, pour minimiser les fluctuations de température sert aussi de panneaux solaires.
Débit des informations : de 4 à 8 Mbps.
 
Orbite en Lissajous autour du second point de Lagrange (L2), situé à environ 1,5 million de kilomètres de la Terre, dans la direction opposée au Soleil
 
 
Cette position assure un environnement thermique très stable, une très grande capacité d’observation (ni le Soleil, ni la Terre, ni la Lune ne perturbent l’instrument) et un faible niveau de radiations.
 
 
Comme pour Hipparcos, le principe de mesure s'appuie sur le principe de l'observation simultanée de 2 champs stellaires, dans 2 directions faisant entre elles un angle fixé et très précisément connu : 106,5° c'est l'angle de base.
Comme un compas sert à repérer des distances, de proche en proche les positions relatives des objets sont fixées les unes par rapport aux autres.
Gaia va scanner le ciel suivant un schéma prédéterminé, le satellite tourne sur lui même à la vitesse de 60 arc secondes par seconde (6 heures pour une rotation complète donc) mais il est affecté d'un mouvement de précession fixe de 45° par rapport au Soleil.
 
Ceci permet aux instruments qui sont dans les deux lignes de visée (line of sight) d'effectuer des mesures de parallaxe, la base de l'astrométrie.
Un document pdf en anglais est publié sur ce principe de mesure et sur l'instrument lui même.
(schéma ESA)
 
 
 
Gaia possède donc deux télescopes associés à chaque direction de visée, les deux champs de vision sont combinés sur un plan focal recouvert de CCD.
Gaia mesure simultanément la séparation angulaire de milliers d'étoiles présentes dans le champ.
Le mouvement continu du satellite permet ainsi une analyse complète du ciel.
 
L'opération se déroulant sur plusieurs années on établit ainsi un catalogue astrométrique des étoiles étudiées.
 
La limite en magnitude de Gaia est la magnitude 20.
 
La couverture du ciel donne lieu à cette vue un peu tortueuse.
 
 
 
 
 
LES INSTRUMENTS.
 
 
Le satellite Gaia intègre le télescope le plus sensible jamais mis en œuvre.
Sa conception est basée sur la technologie de pointe du carbure de silicium (SiC), également utilisée sur Herschel, la prochaine mission de l’ESA dans le domaine de l’infrarouge.
 
Le plan focal est d’une dimension impressionnante – près d’un demi mètre carré – et compte un milliard de pixels.
Les miroirs primaires font 1,45m par 0,5m, l'angle de base, bien sûr 106,5° et la longueur focale 35m!
 
Les instruments de Gaia sont montés sur un banc optique hexagonal placé à l’intérieur de la charge utile. Celle-ci contient deux télescopes présentant chacun leur ouverture vers le ciel mais projetant la lumière dans un plan focal commun.
Les deux directions de visée représentent 1.7° sur 0.6° sur le ciel.
 
 
 
La lumière émise par un objet céleste entrant par une des ouvertures est renvoyée par un grand miroir qui lui fait face (M1et M’1 sur la figure). Elle est ensuite réfléchie sur une série d’autres miroirs, avec une longueur focale totalisant 35m, les deux chemins optiques se rencontrant sur un combineur de faisceaux en M4/M’4 avant d’atteindre le plan focal.
 (schéma : EADS)
Plan focal, champ : 0,6° carré 106 CCD
un CCD : 4500pixes par 1966 pixels. Le champ dans le plan focal est échantillonné par une mosaïque de 62 CCDs : La première colonne : Contrôle de l'angle de base, la deuxième : les repéreurs d'étoiles, puis 9 bandes de mesures astrométriques. Les 2 suivantes pour les mesures en B et R et enfin 3 bandes de 4CCD pour les mesures de vitesse radiale. (schéma : EADS)
 
 
Il y a aussi une sélection des observations qui s'effectue à bord, on élimine les étoiles trop faibles, on confirme ce qui reste et on procède à la sélection finale.
 
Catherine Turon nous propose ensuite une estimation de ce que l'on verrait avec Gaia de l'amas de Hyades, en comparant avec les mesures au sol (à gauche) avec Hipparcos (au centre) puis ce que l'on attend de Gaia.
 
 
Les traits jaunes sont les barres d'erreur associées à chaque mesure.
 
Ces barres d'erreur deviennent minuscules avec Gaia.
 
 
 
 
 
 
 
COMPARAISON HIPPARCOS-GAIA.
 
Hipparcos a déjà montré :
·        que beaucoup de distances mesurées à partir du sol étaient sous-estimées de 10 à 15%
·        que même les étoiles supposées être à moins de 80al étaient très mal connues
·        que la densité locale en étoiles était sur-estimée
·        que la distance du Grand Nuage de Magellan (LMC) était très mal connue.
·        que les distances d'amas globulaires étaient sous évaluées
·        que leurs âges étaient sur-évalués (heureusement sinon ils auraient été plus vieux que l'Univers!)
 
Avec Gaia on espère obtenir :
·        un recensement complet du voisinage solaire
·        la détection de 5000 planètes extra solaires
·        la luminosité , l'évolution et les caractéristiques physiques d'étoiles de toute la Galaxie
·        la structure et l'histoire de notre Galaxie
·        la distance précise du LMC
·        la découverte systématique de tous les objets du système solaire et extra galactiques jusqu'à magnitude 20
·        des tests de la relativité générale
 
Un des "problèmes" de la mission Gaia est l'énorme quantité de données fournies, elle a été évaluée à 1000 Terabytes et l'important volume de calculs : 1021 Flops (Floating-point Operations Per Second ou opérations à virgule flottante par seconde), qui sert à évaluer la vitesse de calcul.
 
 
 
 
Un dernier mot sur le coût de Gaia : 557 M€ (Hipparcos : 762 M€), ce qui est un coût raisonnable pour une mission spatiale.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Ensuite Catherine Turon a répondu aux nombreuses questions de l'assistance et nous donne rendez vous en ….2020 pour la publication des premiers catalogues de Gaia.
 
Comme l'a fait remarque un spectateur assidu (E Soulié de la SAF pour ne pas le nommer!) il ne sera pas question de publier sur papier un catalogue comme pour Hipparcos, il faudra trouver un autre système pour rendre les données accessibles.
 
 
 
 
 
 
Pour terminer cette très belle vue de notre Galaxie où Gaia pourrait travailler.
 
 
 
 
POUR ALLER PLUS LOIN :
 
Site de la mission Hipparcos.
 
Site de la mission Gaia et des diverses photos et images.
 
Petit résumé de deux pages sur Gaia en anglais.
 
Gaia à l'Observatoire de Paris.
 
Présentation un peu similaire à celle de ce soir de C Turon en ppt (1,5MB) : Deux satellites pour arpenter la Galaxie
 
Très bonne présentation de 40 pages pdf sur le projet Gaia par F Arenou et D Katz
 
Le programme Gaia en anglais par EADS , ppt de 7MB.
 
Texte de 37 pages pdf en anglais sur : A Hipparcos study of the Hyades open cluster Improved colour-absolute magnitude and Hertzsprung-Russell diagrams 
 
Article complet sur le projet Gaia sur ce site au moment du passage de contrat à EADS.
 
Article clair et court en français sur la mission Gaia.
 
 
 
Bon ciel à tous
 
 
 
 
Jean Pierre Martin   membre de la SAF
www.planetastronomy.com